Cérès et Vesta

Je continue à rattraper les titres que je n’ai pas encore lu dans la collection Une Heure-Lumière, et cette fois c’est le Hold my SFFF Challenge qui m’a permis de choisir ma lecture en mettant la hard science en avant. Comme j’ai de grosses réticences avec le genre, je me suis fiée au guide d’Apophis et j’ai enfin osé lire Greg Egan avec son texte le plus accessible: Cérès et Vesta. Cette novella est parue en 2017 dans la collection Une Heure-Lumière des éditions Le Bélial’ grâce à la traduction d’Erwann Perchoc et voici ce que j’en ai pensé…

« Personne ne déchirera le contrat qui a déini ce monde pendant plus d'un siècle. Et personne ne m'ôtera le pain de la bouche sous prétexte que j'appartiens à la mauvaise famille.»

Une novella très humaine

Si, comme moi, la hard science vous fait peur ou vous bloque, croyez-moi quand je vous affirme qu’il n’y a vraiment rien à craindre de Cérès et Vesta malgré la réputation de son auteur d’être très pointu dans le genre. On n’a d’ailleurs pas vraiment l’impression que le texte relève du genre, si ce n’est sur une exactitude scientifique bienvenue qui apporte du réalisme mais jamais de complexité froide et exclusive. Le seul point qui semble avoir bloqué certaines et certains à la lecture est sa construction narrative qui alterne, un chapitre sur l’autre, deux points de vue sur deux temporalités différentes. Pour ma part, tout cet aspect m’a semble très clair et ma lecture a été très fluide. On nous raconte ainsi l’histoire de Camille, jusqu’à sa fuite vers Vesta annoncée en prologue, et celle d’Anna, vivant sur Cérès, pendant le long voyage de Camille vers son astéroïde. La novella est en fait très humaine, les thématiques centrales nous parlent d’ostracisme, d’injustice et évoque de façon assez évidentes les crises migratoires. Cérès accueille ainsi un flot de réfugiés fuyant leur nation qui les pointe du doigt pour les faits de leurs ancêtres. Greg Egan interroge ainsi le racisme, l’utilisation de bouc émissaires pour servir une politique et l’absurdité de l’héritage des « fautes » sur les générations suivantes. Et c’est plutôt passionnant! On regrettera seulement une absence de point de vue de ceux qui oppriment pour épaissir le sujet et la réflexion. 

« Les Vestiens sont les bienvenus ici, je ne les refoulerai jamais. Mais je ne veux pas ressentir leur douleur, je ne veux pas me mettre à leur place ni voir à travers leurs yeux.»

Le choix de Sophie dans l’espace

Outre les thèmes cités précédemment, la novella nous propose plusieurs pistes de réflexion sur la lutte contre ce nouveau « racisme » et, avec Anna, sur l’accueil et l’implication émotionnelle liée à la fréquentation des migrants. Bien qu’intéressantes, ces thématiques manquent à mon sens d’approfondissement, notamment sur l’aspect lutte sur Vesta. Il y a beaucoup de débats sur des moyens terroristes versus pacifistes pour dénoncer l'apartheid dont sont victimes les Sivadier, mais cela reste un peu trop en surface pour moi. Le format court de la novella a ceci de frustrant qu’il empêche de traiter tous les thèmes en profondeur. Cérès et Vesta n’en reste pas moins passionnante et conserve une capacité d’impact importante. Toute la finalité de cette novella est de nous proposer, dans ses dernières pages, un choix. Un choix difficile voir impossible que toute la construction narrative de la novella rend très émouvant. C’est là, pour moi, que la novella prend toute son ampleur et nous propose, par le biais des différentes discussions préalables, de nous investir émotionnellement. Bien que ce soit un peu trop rapide comme final, le format oblige, j’avoue que je ne m’attendais pas à être si émue dans un texte de Greg Egan dont j’imaginais l’écriture plus stérile que ça. Comme quoi, il fait bon de ne pas se fier à nos aprioris et de tenter l’aventure parfois! 

En bref, Cérès et Vesta est une novella de Greg Egan tout à fait accessible et fluide même à un(e) allergique à la hard science telle que moi. Profondément humaine, cette histoire nous parle d’ostracisme et des crises migratoires avec une narration intéressante alternant entre deux temporalités et deux points de vue. Passionnante, la novella manque parfois un peu d’approfondissement mais nous laisse pantois dans son final face à un choix impossible. J'ai adoré!

« Cérès d’un côté, Vesta de l’autre. Deux astéroïdes colonisés par l’homme, deux mondes clos interdépendants qui échangent ce dont l’autre est dépourvu — glace contre roche. Jusqu’à ce que sur Vesta, l’idée d’un apartheid ciblé se répande, relayée par la classe politique. La résistance s’organise afin de défendre les Sivadier, cible d’un ostracisme croissant, mais la situation n’est bientôt plus tenable : les Sivadier fuient Vesta comme ils peuvent et se réfugient sur Cérès. Or les dirigeants de Vesta voient d’un très mauvais œil cet accueil réservé par l’astéroïde voisin à ceux qu’ils considèrent, au mieux, comme des traîtres… Et Vesta de placer alors Cérès face à un choix impossible, une horreur cornélienne qu’il faudra pourtant bien assumer…»

(Illustrations de couverture: © Aurélien Police)

Harcèlement, Meurtre, Mort, Racisme

D’autres avis sur cette édition dans la blogosphère: Ombre Bones, Herbefol, L’épaule d’Orion, Nevertwhere, Albédo, Chien critique, Un bouquin sinon rien, Au pays des cave trolls, Les lectures du Maki, Le culte d’Apophis, L’ours inculte, …

[Lecture n°17/72 (pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 9 de Ma lecturothèque]

- Lecture pour le Challenge #HMSFFF - Février 2021: Hard-science -