La vie secrète des robots

Recueil totalement inédit et sans équivalence en anglais, La vie secrète des robots est un ensemble de 13 nouvelles de l’autrice Suzanne Palmer, encore méconnue en français. Publiée chez Le Bélial’ dans la collection Quarante-Deux. Et voici ce que j’en ai pensé…
« Tu appartiens aux étoiles. Jamais tu n’en frôleras au point de brûler, jamais tu ne t’en éloigneras au point de te perdre dans l’obscurité, et toujours tu garderas ton chez-toi au fond du cœur à t’attendre.»
Avant d’entrer dans le détail des nouvelles du recueil, et de mon ressenti au fur et à mesure de ma lecture. Voici un avis global:
Si je dois résumer mon avis sur ce recueil, je dirai que me suis vraiment beaucoup amusée à la lecture. C’est frais et c’est varié en termes de narration et de styles, tout en conservant une certaine harmonie. Et qu’est-ce que c’est bien écrit! Suzanne Palmer s’amuse avec son écriture pour offrir des nouvelles différentes, aux tonalités et aux rythmes variés, tout en jouant avec les genres narratifs avec brio. C’est probablement même une des meilleures anthologie que j’ai lue ces dernières années. Il y a, dans ce recueil, énormément d’humanité, des nouvelles qui m’auront vraiment émue, d’autres qui ont des choses à dire. On ne s’ennuie pas, naviguant de styles en narrations. Je regrette peut-être que le choix du titre, La vie secrète des robots, qui trompe un peu sur le contenu. Car si, en effet, nous avons plusieurs nouvelles à base de bots, quelques textes se font sans leur présence, ou alors en marge. Ne vous attendez donc pas à voir des robots partout. Cette mini déception ne m’aura cependant pas empêchée d’avoir adoré cette lecture que vous recommande chaudement pour une belle parenthèse SF. C’est également un plaisir de découvrir une autrice enfin traduite. Et d’autant plus quand elle est aussi talentueuse!
« Vous êtes des gens bizarres et flasques, qui vous déplacez toujours comme si vous étiez en train de tomber. À la place, ce sont pourtant tous les êtres alentour qui tombent sans se relever.»
Voici mon ressenti bref sur chacune des nouvelles qui le composent avec de courts avis écrits au fur et à mesure de ma lecture.
La vie secrète des bots
Première nouvelle du recueil qui nous emmène à la découverte de bots minuscules au sein d’un Vaisseau bien mal en point, La vie secrète des bots est un récit intelligent et très réussi. On découvre, en parallèle, la situation terrible dans laquelle se situe l’équipage tout en faisant la connaissance d’un vieux modèle de bot et de tout un pan social des machines. Il y a là des jolies idées sur les possibilités de machines qui ne suivent pas forcément les ordres, amenant de la créativité et de l’humanité au cœur des rouages. C’est bien amené, passionnant et touchant. Et ça donne clairement envie de continuer le recueil!
Vol de retour
Woaw. Cette nouvelle est puissante! On y découvre des mineurs, avec, parmi eux, une seule femme, exploités dans l’espoir d’un jour payer leur liberté. Il y a évidemment, par la présence de notre héroïne, des questions de sexisme en jeu. C’est une nouvelle qui aborde des sujets très durs, qui met en scène de la violence mais inspire aussi à la rébellion et au refus de l’inacceptable. C’est un texte court qui file une sacrée claque. Une seule question: où sont les robots dans cette histoire? Mais pour le reste, j’ai adoré, je me suis attachée au personnage principal et j’ai été soufflée par l’émotion qui se dégage de son histoire.
Joe 33%
C’est génial qu’en trois nouvelles on ait vraiment 3 narrations si différentes! Nous voilà ici plongés dans les unités artificielles intelligentes corporelles qui compensent les pertes et blessures du soldat Joe et en font un humain augmenté à 33%. Et ces unités, de la rate au coude, ont leur petite personnalité. C’est une nouvelle intéressante qui pose évidemment quelques questions de bioéthique mais surtout de libre-arbitre dans un environnement de guerre continuelle meurtrière et absurde. Excellente idée narrative pour amener à réfléchir sur plusieurs sujets lourds tout en conservant une certaine légèreté.
Dix poèmes pour les mossums, un pour l’homme
J’ai encore une fois adoré cette nouvelle. Nous voici cette fois dans la peau d’un poète et la langue elle-même du récit le révèle dans une narration encore une fois bien différente et très littéraire. Exilé sur une planète sans technologie, entouré d’une nature mystérieuse, nous suivons les pensées d’un être seul avec ses doutes, ses peurs, ses regrets mais aussi ses inspirations. C’est très bien écrit, très différent du reste là encore et ça donne à vivre une aventure pleine d’émerveillement et de frissons.
Scinque numéro trente-neuf
Cette nouvelle fait un peu le parallèle de la précédente avec une exploration de la solitude mais du point de vue d’une machine dont l’équipe humaine qui l’entourait a disparu. On y parle d’émancipation de programme, de deuil et de vengeance dans un court texte qui laisse beaucoup de place à notre imagination et pose également quelques réflexions d’ordre bioéthique et écologique. Elle m’a peut-être un peu moins embarquée que les précédents textes, mais reste, là encore, très réussie malgré tout.
Ramener Icare
Ramener Icare est une nouvelle étonnamment touchante qui nous emporte aux confins de l’univers à bord d’un vaisseau de marchandises qui croise la route d’une capsule de survie mal en point. C’est un récit plein d’humanité raconté par le vaisseau qui écrit l’histoire de son capitaine. J’ai tellement aimé ce personnage, ses réflexions, ses valeurs, ses choix. J’ai été vraiment émue par cette nouvelle qui garde en creux une vraie douceur. Un petit coup de cœur.
La boîte de tristesse
Cette nouvelle, un peu plus longue, nous propose tout un univers en filigrane, avec une guerre aux armes technologiques comme toile de fond. C’est une histoire pleine de rebondissements et de tension qui nous embarque sans oublier de créer de l’attachement. C’est d’ailleurs un des thèmes centraux de ce récit, avec la compassion. Touchant, original, riche et intense, cette nouvelle est une grande réussite qui alterne les types de narration et les regards sur le monde dans un bel équilibre.
« Tu ne te sens pas pris au piège là-dehors?»
Pierres dans l’eau, cottage sur la montagne
Avec ce texte encore différent, l’autrice explore les possibles dans un récit sur des réalités alternatives. Se dévoilent alors en fond différents mondes, différents avenirs, majoritairement sombres. La nouvelle m’aura moins embarquée que les autres du recueil, moins cliente des récits du type mais aussi moins embarquée par ces courts instants qui se répètent en boucle dans des univers alternatifs. Je suis un peu passée à côté.
Tomber du bord du monde
On saisit ici l’ampleur de l’univers créé par l’autrice en retrouvant des échos d’autres nouvelles dans un récit superbe et teinté de mélancolie. Direction les confins de l’espace au coeur d’un vaisseau ayant subi une avarie et peuplé de deux survivants coincés, chacun, à un bout du vaisseau. C’est un texte beau et émouvant, doté d’une belle dose de sense of wonder. J’ai adoré la narration sur deux temporalités, l’humanité qui se dégage du récit et la douceur de l’ensemble. Coup de coeur à nouveau.
R.U.R.-8?
Changement total de style avec cette fois une courte pièce de théâtre qui relève du genre de l’absurde, mettant en scène des robots obsolètes qui échappent à la destruction dans une ville futuriste en plein perdition. Il y a du Beckett dans ces trois courts actes évoquant la fin d’une humanité qui s’est complètement perdue dans un excès d’automatisation. C’est délicieusement absurde, ça rend hommage aux classiques du genre et ça offre, au cœur de ce recueil, un autre exemple du talent de son autrice qui joue avec les styles narratifs avec brio.
Le plafond est ciel
Nous voici cette fois au cœur d’un univers cyberpunk, inégalitaire et terrible où seule l’utilité des classes laborieuses leur assure leur survie. La tension est grandissante et les rebondissements à la hauteur pour une parfaite nouvelle aux allures cinématographiques. C’est haletant, plein de surprises et ça met encore en avant de belles valeurs dans un monde qui pourtant incite à les oublier. J’ai adoré!
Peintre d’arbres
Cette nouvelle est très sombre, proposant une critique de la course au progrès et à la performance mais aussi de la colonisation. C’est un texte rageant qui fait écho à la précédente, rappelant la capacité de l’humanité de détruire la nature et les cultures indigènes. J’aurais aimé peut-être plus de nuances, plus de profondeur, mais ça reste un texte impactant.
Les Bots de l’arche perdue
La boucle est bouclée. Retour auprès de nos mini bots du vaisseau de la première nouvelle du recueil pour de nouvelles péripéties. C’est fun, plein de rebondissements, et ça fait grandement plaisir de retrouver le bot 9. Un texte moins profond que d’autres du recueil mais sincèrement divertissant.
En bref, La vie secrète des robots est un excellent recueil regroupant 13 nouvelles de science-fiction passionnantes, toutes avec des styles de narration et des sous-genres différents mais conservant pourtant une harmonie, notamment en termes de qualité. L’autrice s’amuse avec les mots comme avec les concepts et nous aussi, on passe un formidable moment à la lecture.
« Suzanne Palmer est née en 1968 dans le Massachusetts, en Nouvelle-Angleterre, État qu’elle n’a jamais réellement quitté. Aujourd’hui administratrice système sous Linux en milieu universitaire, elle confesse toutefois une passion pour les arts en général, au point de leur avoir consacré ses études initiales. Sa science-fiction, pour l’essentiel publiée dans les pages de la revue américaine Asimov’s, est de celle qui s’amuse des idées et concepts. Et avec un brio tel qu’elle fut saluée par le prix des lecteurs de la revue à sept reprises, et deux fois par le prestigieux prix Hugo.
Sans équivalent en langue anglaise, composé avec le sérieux propre à la collection
« Quarante-Deux », le présent recueil rassemble le meilleur d’une autrice jusqu’ici inconnue dans nos contrées francophones — n’était une unique nouvelle parue en avant-première dans la revue Bifrost. »
(Illustration de couverture : © DOFRESH)
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- Livre reçu en service de presse. Publication non rémunérée. Merci aux éditeurs. -
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