La mer de la tranquillité

Il y a quelques noms qui sont devenus pour moi des incontournables. Emily St. John Mandel en fait partie. L’autrice m’a provoqué des véritables coups de foudre ou, à minima, des excellents moments de lecture. J’attendais impatiemment de me plonger dans son dernier roman, La mer de la tranquillité, publié en français chez Rivages en août. Un roman qui s’inscrit clairement dans le registre de la SF écrit par l’une de mes autrices préférées, ça ne peut être que très bon. Et voici donc ce que j’en ai pensé…

« J’ai toujours adoré la pluie, et le fait de savoir qu’elle ne vient pas des nuages n’en diminue aucunement l’attrait à mes yeux.»

Voyage temporel, simulation, humanité

La mer de la tranquillité se découpe en plusieurs récits, qui, comme le fait généralement l’autrice, s’assemblent progressivement entre eux. On enchaîne les époques, les personnages et les histoires tout en ayant deux points communs: un phénomène étrange au sein d’une forêt au nord de l’île de Vancouver et un homme qui semble venir d’ailleurs. Plusieurs récits qui servent de base à une histoire de voyage temporel et de réflexion sur la possible simulation de la réalité. Elle parvient à écrire dans le détail quantité d’éléments qui rendent son intrigue folle, lui donnant une dimension toujours pus grande qui font qu’une relecture permettra d’en profiter pleinement! Passionnant, le roman réussit l’exploit de rendre chaque époque et chaque personnage intéressant parce que l’autrice n’oublie pas de bien les écrire et de toujours verser de l’humain à son récit. J’ai été touchée par Edwin St. Andrew, son regard sur le monde et sa mélancolie. J’ai été émue par la douleur de Mirella qui n’a pas eu le temps d’exprimer son pardon. J’ai été passionnée par Olive qui offre une toute autre dimension au récit. Et je me suis attachée à Gaspery et Zoey, pour leur émotion et leur humanité. Parce que c’est avant tout ça, ce roman: des récits de vie. Certes, ils s’articulent autour d’un phénomène très interpellant, portant en creux un questionnement important. Mais ils sont aussi des instants vécus, teintés d’émotions. Et c’est sans doute le message que veut faire passer l’autrice: que la vie est le récit le plus passionnant qui soit. On se laisse encore une fois totalement porté par son écriture magnifique qui, de temps en temps, nous livre des pépites de pure poésie et en font un récit d’une beauté sincère.

« Telle est l’étrange façon de vivre en temps de pandémie: la vie peut être paisible face à la mort.»

Transcender le réel

Emily St. John Mandel n’a plus à démontrer son talent en termes de construction narrative. Avec La mer de la tranquillité, elle passe à un nouveau stade où, non seulement, le roman se tisse dans les détails et s’assemble sur le final comme une belle partition, mais où il transcende le réel en s’en faisant écho. Pour un roman qui parle de possible simulation du réel, le transcender est une parfaite illustration de l’idée proposée par l’autrice et rend l’œuvre plutôt magistrale. On y trouve ainsi un avatar d’Emily St. John Mandel elle-même dans un des personnages du roman dont l’histoire parle de notre réalité récente (avec la pandémie notamment) mais dans une autre temporalité. Cette partie est aussi une formidable réflexion sur le statut d’autrice, sur la réception d’une œuvre par le public, sur la création elle-même. Le roman va également bien au-delà en faisant aussi des liens avec d’autres romans de l’autrice, Station eleven mais également L’hôtel de verre dont il éclaire quelques éléments et le prolonge joliment (je vous conseille donc de le lire avant si vous envisagiez de le découvrir). Et bien sûr, du Shakespeare, toujours. Réussir à porter la réflexion même du roman au-delà des pages est un trait de génie que peut réussissent à faire. Emily St. John Mandel parvient à toujours me surprendre, et je trouve ça formidable!

« En début de soirée, il aimait s’asseoir tout à l’extrémité de sa couche, presque au point de tomber, parce que sous cet angle un coin de ciel était visible par la fenêtre et, à travers les barreaux, il pouvait voir la lune.» 

En bref, j’ai été conquise par ce nouveau roman d’Emily St. John Mandel. La mer de la tranquillité est un roman passionnant dont la construction narrative tient encore une fois du génie. Formidable récit de voyage temporel et réflexion sur la réalité, il est aussi un roman plein d’humanité qui rappelle la beauté des émotions et de la vie. La plume de l’autrice est encore magnifique et la capacité qu’elle a de briser les murs de son propre récit est admirable. Coup de cœur. 

« Emily St. John Mandel renouvelle le thème classique du voyage dans le temps à sa manière unique, dans une histoire envoûtante qui entremêle époques et personnages jusqu’au vertige. Quel est cet étrange phénomène qui semble se produire à diverses époques et toujours de la même façon?? Dans les bois de Caiette, au nord de l’île de Vancouver, des gens entendent une berceuse jouée au violon, accompagnée d’un bruissement évoquant un engin volant qui décolle. L’expérience est intense mais brève, au point que l’on pourrait croire à une hallucination. En 2401, sur une des colonies lunaires, l’institut du Temps veille à la cohésion temporelle de l’univers. Une brillante physicienne nommée Zœy s’interroge sur des anomalies qui la perturbent. Le monde tel qu’il existe ne serait-il qu'une simulation ?»

(Couverture: © Kasia Derwinska / www.magic-art-photography.eu)

[Diversité: pp bisexuel.le, pp gay, ps lesbienne]

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