Les voyageurs. Tome 2, Libration

Après avoir eu des coups de cœur fabuleux à chacune de mes lectures de Becky Chambers, et notamment avec L’espace d’un an, il me tardait de poursuivre ma découverte de la série Les voyageurs que j’ai décidé d’égrainer au fur et mesure que les versions collector sortaient chez L’Atalante. Libration est le second opus de la saga lauréate du prix Hugo de la meilleure série en 2019. Il vient de sortir, début novembre, en version collector dans la collection La dentelle du cygne. Et voici ce que j’en ai pensé…

« Dehors, sous les étoiles, tout allait un peu mieux.»

Une suite qui élargit l’univers

Libration a beau se dérouler juste après la fin de L’espace d’un an, elle nous propose de suivre d’autres personnages dans le même univers et constitue quasiment un tome indépendant. Bien que ce soit un peu déstabilisant et attristant de laisser derrière nous ces personnages qu’on a appris à aimer du fond du cœur, l’intention derrière est magistrale puisqu’elle élargit l’univers imaginé par l’autrice et nous propose deux lignes de vie émouvantes. On en vient à ajouter d’autres noms à cette liste de personnages aimés, sans oublier les autres, sans les nier, dans une famille qui s’agrandit pour notre plus grand plaisir. Dans Libration, nous découvrons plus particulièrement deux héroïnes. L’une, IA intégrée à un corps humain, qui doit apprendre à intégrer ce corps qu’elle n’a pas choisi tout en cachant son identité dans un monde où elle est illégale et souvent considérée plus comme outil que comme personne. L’autre, humaine modifiée, dont on découvre le passé atroce d’enfant esclave et sa lutte pour sa survie dans un océan de ferraille et son apprentissage des sociétés d’êtres biologiques en pleine solitude. Deux parcours de vie qui nous parle d’intégration à l’humanité, de différence, de peines lourdes à porter et pas toujours compréhensibles pour l’Autre. Deux parcours cabossés mais portés par un même souffle, la volonté de se donner un but et, par ce biais, peut-être réussir à s’accepter soi-même. Et croyez-moi, on s’attache à elles et à celleux qui les entoure avec autant de force que pour l’équipage dans L’espace d’un an. C’est un des nombreux talents de Becky Chambers.

« La vie, c’est terrifiant. Personne n’a le mode d’emploi. Personne ne sait ce qu’on fout là. Alors le plus facile, pour regarder le monde en face sans crever de trouille, c’est de se persuader qu’on le contrôle. Du coup, on se croit plus fort que les autres. Ça implique que tous ceux qui sont différents sont inférieurs, forcément. Toutes les espèces se racontent la même histoire en boucle.»

Inclusion et humanisme

Dans la même logique et les mêmes valeurs que le reste de l’œuvre de l’autrice, Libration nous offre un beau panorama de diversité sans que ça ne semble jamais forcé. Tout s’intègre naturellement dans cet univers. L’intrigue propose également de formidables réflexions  humanistes et questionnement philosophiques, notamment sur l’acceptation de l’autre, sur notre besoin de contrôle ou encore sur l’appropriation de son corps et de son identité. Tout cela et bien plus encore sans que ça semble ajouté, sans alourdir l’intrigue, avec finesse et naturel. Libration en devient un roman grandiose et lumineux qui nous verse un peu d’espoir et d’amour dans un monde qui en a sacrément besoin. C’est une fois de plus un roman positif qui ne nie pas les souffrances, qui ne nie pas les difficultés et les doutes d’une vie, mais qui transmet une vision d’un monde où inclusion, soutien et entraide ne sont pas juste des mots. Sans niaiserie, sans excès, c’est encore une fois un livre qui fait du bien. Alors, certes, on peut reprocher un manque d’action ou bien encore un peu trop de bons sentiments. Je rejette totalement ces deux éléments: l’action n’est pas nécessaire pour vibrer et rester complètement accroché à ces deux histoires d’épanouissement et les bons sentiments sont définitivement trop rares dans notre présent pour devenir excessifs. Becky Chambers est à prescrire contre les coups durs. Elle l’a encore une fois de plus démontré avec brio.

« Les Améliorés nous appellent ratés. Tout ceux qui ne remplissent pas le cahier des charges. Toi aussi, tu es une ratée, d’un certain point de vue. Ça n’implique pas que tu es dénuée de valeur. Que tu n’as pas ta place.»

En bref, Libration est un bijou. Un roman lumineux qui nous propose deux histoires d’adaptation, d’acceptation de soi-même et d’épanouissement avec de formidables réflexions pleines d’humanisme qui s’y intègre naturellement. Un de ces livres où on s’attache irrémédiablement aux personnages dont les destins nous touchent. Un coup de cœur évident. Lisez Becky Chambers! Il me tarde dorénavant qu’arrive le début de l’année 2023 pour le troisième tome en version collector. 

« Lovelace, intelligence artificielle née à bord du Voyageur à la fin de L’Espace d’un an, accepte de se transférer à bord d’un corps synthétique. Devenir humaine, une chance ? Pas pour elle : les limitations de la chair l’étouffent. Champ de vision ridiculement restreint, pas d’accès au réseau, réactions physiologiques incontrôlables... 

À ses côtés, Poivre, mécano, l’aide de son mieux. Ancienne enfant esclave libérée par miracle, grandie seule sur une planète ravagée, elle aussi a dû lutter pour accéder pleinement à l’humanité et se construire une vie, sinon ordinaire, du moins normale. 

Libration – nom d’un point de l’espace en équilibre entre deux astres, zone de stabilité mouvante qui accompagne les planètes dans leur danse – raconte l’histoire de ces deux femmes. Chacune à sa façon s’arrache à une vie liminale pour se tailler une identité, conquérir l’indispensable : la dignité. »

(Illustration de couverture : © Nicolas Sarter)

Tome 4 - The galaxy, and the ground within (à paraître en VF fin 2023, y compris en version collector)

D’autres avis sur la blogosphère: L’affaire Herbefol, Le Syndrome Quickson, Blog-O-Livre (VO), Post tenebras Lire, Eva D Serves, Les chroniques de l’Imaginaire, Les lectures de Shaya, 

[Diversité: pp noir.e, pp pansexuel.le, ps bègue, ps noir.e, ps végétarien.ne, ps intersexe]

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[Lecture n°73 (94/108 points avec les bonus pour l'échelon 5 Synchronisation avec la page) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 10 de Ma lecturothèque + thème bimestriel novembre/décembre « un livre sorti au cours de l’année »]