Mafioso

Après Carnaval (qui était génial), Mascarade (qui était encore mieux), Ray Célestin revient ce mois-ci aux éditions du Cherche Midi avec un troisième opus de sa série de polars historiques intitulé Mafioso. Après la Nouvelle-Orléans de 1918 et le Chicago de l’entre-deux guerres c’est dans le New York de 1947 que l’auteur nous emmène. Et voici ce que j’en ai pensé… 

[NB: Merci aux éditions du Cherche-Midi et à notre suprême gourou Benoît de la #TeamThrillersCHM pour cette lecture.]

[NB2: Même s’il s’agit d’un troisième opus dans la série des polars historiques de l’auteur, il peut, au même titre que les deux autres, être lu indépendamment. L’enquête et le contexte varie à chaque fois, seuls quelques personnages sont récurrents.]

Machinations, mafieux, vengeance et be-bop

J’affirmais, avec le second opus de la série, que Ray Célestin était en train de réellement changer mon avis sur les polars historiques. Je l’affirme avec Mafioso: je ne peux décemment plus déclarer que je n’aime pas ce genre tant j’ai passé un moment fabuleux à lire ce roman! Dès les premières lignes, l’auteur arrive à nous immerger complètement dans le New York de l’après Seconde Guerre Mondiale. On y perçoit le bruit incessant de la foule qui, jour et nuit, fait vibrer la ville, on y entend le be-bop qui s’échappe des bars, on y ressent la misère et le désespoir face au faste des familles mafieuses et on y dénombre les cadavres au petit matin. La plume finement maîtrisée de l’auteur nous emporte sans peine sur presque 600 pages et nous envoûte complètement. Le savant mélange entre fiction et réalité historique (avec parfois quelques arrangements toujours expliqués en fin d’ouvrage) est aussi sa grande force. C’est passionnant de côtoyer des personnalités comme Franck Costello, de découvrir le début de la Guerre Froide, de reconnaître certains personnages/éléments qui sont anecdotiques à l’époque mais deviendront très importants quelques années plus tard… Avec Mafioso, on est complètement plongés dans ce New York de 1947 et c’est électrisant! 

« Venez voir tous ces vampires. Regardez-les traîner sur Times Square. Regardez ce grouillement empressé sous l’orbe des étoiles. Les putes, les macs et les junkies, les dealers, les vendeurs à la sauvette, les arnaqueurs, ceux qui jouent des coudes et du couteau, les grandes gueules, les poules dépouilleuses de poivrots, les détrousseurs d’ivrognes, les fugueurs, les flâneurs et les clodos, ceux qui claquent leur pognon et les pouilleux qui n’en ont pas. Ils se retrouvaient tous là, attirés comme des mouches jusqu’au coeur de la plus grande ville du monde par l’éclat des néons, la frénésie du jazz, l’appât du gain. »

Une enquête au rythme frénétique

Comme dans les précédents opus, la ville a un rôle central dans l’histoire puisqu’elle impose son rythme trépidant à l’intrigue, nous embarquant dans une enquête sans répit où la menace est omniprésente. Un peu comme un bon morceau de be-bop, l’intrigue est imprévisible et survoltée. Et comme cette fois l’investigation touche à la vie privée de personnages principaux que l’on a appris à connaître et à aimer dans les précédents romans, elle nous touche d’autant plus. L’intrigue est complexe, bien ficelée et surprenante offrant des scènes d’action plus maîtrisées et terme de rythme et de tension que ce l’auteur proposait dans ses précédents romans. C’est ici un véritable sans faute qui nous emporte sur deux récits parallèles, incluant un nouveau protagoniste (Gabriel) qu’il est impossible de ne pas aimer. Mon seul regret est peut-être le côté musical qui, s’il reste présent en toile de fond, devient plus anecdotique. Il n’empêche que continuer de suivre Louis Armstrong est un plaisir perpétuel, même si ça n’impacte en rien l’intrigue centrale. Vous l’aurez donc compris, Mafioso est un coup de coeur. A noter aussi que l’objet livre lui-même est une petit merveille tant par sa couverture somptueuse que par la qualité de la présentation du texte qui s’accompagne de citations de l’époque et d’articles de journaux qui renforcent encore l’immersion.

« Il leva les yeux vers le ciel, vers les flocons qui tombaient en voltigeant avec un petit éclat lumineux et fugace, et il comprit que la lueur de l’éternité transparaissait dans les choses les plus éphémères. »

En bref, Mafioso est un polar historique complètement immersif et envoûtant qui nous embarque dans une enquête qui vibre au même rythme trépidant que celui de la ville de New York et dont les variations sont aussi imprévisibles qu’un bon morceau de be-bop. Un roman électrisant à lire sans tarder.

« New York, 1947 : un mystérieux tueur assassine de sang-froid tous les occupants d’un hôtel de Harlem. On parle d’un meurtre rituel, lié au vaudou. Un suspect est arrêté, condamné.

Une ancienne détective de l’agence Pinkerton, Ida Davis, et le patron d’un club en vogue de Manhattan, Gabriel Leveson, se retrouvent mêlés à l’enquête. Ils découvrent bientôt avec effroi que l’affaire est liée à une série de meurtres bien plus importante, impliquant le crime organisé et la haute société de la ville. »

(Illustration de couverture: © Niklas Linblad, Mystical garden design / Shutterstock)