Quitter les monts d'automne

Le 2 septembre prochain, les éditions Albin Michel Imaginaire publie le second roman d’Émilie Querbalec très joliment intitulé Quitter les monts d’automne. Ce roman mêlant l’inspiration japonaise et la science-fiction et présenté sous une sublime couverture de Manchu, me faisait terriblement envie. Ayant eu la chance de le recevoir en avant-première, il est temps de vous dire ce que j’en ai pensé…

[NB: Je remercie Gilles Dumay de me permettre de découvrir ce titre avant sa parution pour vous livrer une avant-critique. Merci pour la confiance renouvelée. Et belle rentrée à l’équipe d’AMI!]

[TW: viol]

« Les histoires sont comme les nuages: on a beau vouloir les saisir, elles finissent toujours par s’effilocher au vent. Mais elles ne disparaissent pas. Elles restent là, cachées sous les voiles invisibles du Flux, près de nous, prêtes à renaître au moindre souffle.»

Le beauté des mots

Dansant dans les étoiles

Et au creux de nous

Il m’est difficile de trouver les mots justes pour vous parler de cette lecture. J’ai été envoûtée dès les premières lignes, emportée par les idées intéressantes mais aussi, et surtout par la poésie de l’ensemble. Quitter les monts d’automne est un roman somptueux en termes d’écriture. L’autrice a un don avec les mots, elle devient conteuse de talent pour nous rapporter l’histoire de Kaori et provoque, chez la/le lectrice/lecteur un Ravissement immédiat. Il y a de la poésie dans ses mots, des moments de pure beauté qui transportent et envoûtent à la lecture. C’est dans cet écrin plein d’élégance qu’Émilie Querbalec nous offre un récit qui débute comme un roman initiatique, ancré dans une sorte de Japon traditionnel d’une grande justesse, et qui nous emporte bien au-delà de ce que l’on aurait pu envisager. À la fois space opera, anticipation et intrigue qui plonge ses racines dans des notions de biologie, ce roman étonnant est à la fois dense, précis et abordable sur ses aspects scientifiques. Il se fait aussi onirique qu’haletant, aussi instructif que passionnant. Une belle entrée en matière en science-fiction autant qu’un roman pour les amatrices/amateurs du genre depuis longtemps. Un joli tour de force dans un écrin de beauté hallucinant teinté de philosophie, d’érotisme et d’aventure…

« Je voulais croire qu’elle m’avait guidée, attirée près du rocher, à la confluence de nos songes, là où les routes se joignent dans le temps immobile. Ensemble, nous avions brisé la carapace de l’oubli. Ensemble, nous avions vaincu le silence.»

Perdue dans les songes

Grandir sans la mémoire

Devenir autre

Outre la beauté des mots, la grande force de Quitter les monts d’automne est Kaori. Héroïne aussi forte que fragile, ballotée par la vie et par un destin qui la dépasse, cette jeune femme est un personnage d’une grande subtilité qui se révèle à elle-même en même temps qu’elle se révèle à nous. J’ai apprécié découvrir cet univers à travers ses yeux, mais aussi ses désirs, ses doutes et ses failles. Elle permet non seulement de nous inviter doucement au coeur des aspects plus complexes du récit, les découvrant en même temps que nous, mais elle est aussi et surtout le symbole d’un amour de l’art et du beau. Quand Kaori parle de danse par exemple, le temps semble de suspendre à la lecture. Je ne regrette finalement qu’une seule chose dans cette formidable lecture, à savoir m’être un peu perdue en chemin durant une partie tardive de l’intrigue, ne m’empêchant pas pourtant de ne pas pouvoir m’arrêter de lire. Le roman est en effet très accrocheur et même si certains passages vous paraissent plus nébuleux comme ce fut mon cas, vous raccrocherez immédiatement par après pour ne retenir, au final, que l’envoûtement général.

En bref, Quitter les monts d’automne est un roman envoûtant qui démontre l’immense talent de son autrice dans le maniement des mots. L’univers est passionnant, son héroïne est écrite avec beaucoup de justesse et l’intrigue, dense et subtile, m’aura accroché du début à la fin.

« Recueillie par sa grand-mère après la mort de ses parents, la jeune Kaori vit dans les monts d’Automne où elle se destine à être conteuse. Sur Tasai, comme partout dans les mondes du Flux, l’écriture est interdite. Seule la tradition du « Dit » fait vivre la mémoire de l’humanité. Mais le Dit se refuse à Kaori et la jeune fi lle se voit dirigée vers une carrière de danseuse.Lorsque sa grand-mère meurt, Kaori hérite d’un rouleau de calligraphie, objet tabou par excellence, dont la seule détention pourrait lui valoir une condamnation à mort. Pour percer les secrets de cet objet, mais aussi le mystère qui entoure la disparition de ses parents, elle devra quitter les monts d’Automne et rejoindre la capitale.Sa quête de vérité la mènera encore plus loin, très loin de chez elle.»

(Illustration de couverture: © Manchu)

[Diversité: pp lesbienne, pp asiatique - japonais.e, ps asiatique - japonais.e]

[Lecture n°56/60 (pour l'échelon 4) pour le Challenge de Littérature de l'Imaginaire édition 8 de Ma lecturothèque]