Le temps fut

Lauréate du British Science Fiction award 2018, la novella Le temps fut de Ian McDonald est parue en février dernier en français (traduction de Gilles Goullet) dans la superbe collection Une Heure-Lumière des éditions Le Bélial’. Un titre que j’avais évidemment repéré dès son annonce tant il promettait de correspondre à tout ce que j’aime en SF. C’est donc avec beaucoup de joie que j’ai été sélectionnée pour le recevoir lors de la Masse critique « Mauvais genres » de Babelio. Et voici ce que j’en ai pensé…

« Le temps fut, il sera de nouveau.»

Une ambiance envoûtante, une plume pleine d’élégance

Le temps fut est une novella charmante qui présente un paradigme de voyage temporel classique mais sort son épingle du jeu par bien d’autres aspects. Ian McDonald nous envoûte par son style si élégant, ses phrasés charmants qui respirent une classe d’un autre temps sans jamais devenir désuets. La plume évolue selon le narrateur qui prend en main la chapitre, nous offrant parfois des passages de pure poésie. C’est aussi par son ambiance que le texte nous emporte. Entre l’amour des livres dont on respirait presque les effluves, les descriptions des lieux traversés, comme Shingle street, qui nous transportent instantanément, ou encore l’aura à la fois captivante et mystérieuse de l’intrigue, Le temps fut m’a complètement embarqué. C’est un charmant mélange entre science-fiction, poésie, amour (des livres et de deux hommes) que l’auteur nous offre ici dans une histoire qui, finalement, va se mêler à la grande. C’est aussi un récit accessible à tous, y compris à ceux qui redoutent la science-fiction, d’autant plus quand la quatrième de couverture parle de physique quantique. La novella demande un peu d’attention mais ne découragera aucun lecteur.

« Les émotions n’ont pas d’autre définition qu’elles-mêmes. Elles sont irréductibles, ce sont les atomes des sensations. Tout art écrit est une tentative de communiquer ce qu’est de sentir, de poser la terrifiante question: toi et moi éprouvons-nous la même chose? Terrifiante parce qu’on ne peut jamais avoir de certitude. On espère, on prend le risque. »

L’histoire dans l’Histoire

Bien que l’aspect du voyage temporel soit déjà éculé, Le temps fut a ceci de captivant qu’il nous offre un récit multiple. Emmett et sa quête de l’histoire à partir d’une trace trouvée dans un ouvrage en est la base, lui et son inspirant amour de ces petits signes laissés dans les livres qui sont chargées de vie et d’émotions. Mais c’est aussi l’histoire d’un amour, celui de deux hommes qui semblent apparaître à travers une Histoire de guerre éternelle. Entre éternité des sentiments et perpétuité des conflits des hommes, Ian McDonald tisse une histoire émouvante au coeur d’une grande Histoire terrifiante. Il n’y a rien de plus efficace pour comprendre les affres du passé que de conserver une échelle humaine. Cela m’a évidemment rappelé l’immense coup de coeur pour un une autre novella de cette même collection, L’homme qui mit fin à l’histoire de Ken Liu, qui use de cette même mécanique. Et si Le temps fut ne peut pas la détrôner, elle entre tout de même dans mes plus belles lectures de la collection.

En bref, Le temps fut est une belle novella, à l’ambiance envoûtante qui tisse avec élégance une histoire pleine de beauté dans l’Histoire de guerres éternelles.

« Bouquiniste indépendant, Emmett Leigh déniche un jour un petit recueil de poèmes lors de la liquidation de la librairie d’un confrère. Un recueil, Le Temps fut, qui s’avère vite d’une qualité littéraire au mieux médiocre… En revanche, ce qui intéresse Emmett au plus haut point, c’est la lettre manuscrite qu’il découvre glissée entre les pages de l’ouvrage. Pour le bouquiniste, tout ce qui peut donner un cachet unique et personnel à un livre est bon à prendre. Il se trouve ici en présence d’une lettre d’amour qu’un certain Tom adresse à son amant, Ben, en plein cœur de la Seconde Guerre mondiale. Remuant ciel et terre – et vieux papiers – afin d’identifier les deux soldats, Emmett finit par les retrouver sur diverses photos, prises à différentes époques. Or, la date présumée des photos et l’âge des protagonistes qui y figurent ne correspondent pas… Du tout.»

(Illustration de couverture: © Aurélien Police)

[Lecture n°39/60 (pour l'échelon 4) pour le Challenge de Littérature de l'Imaginaire édition 8 de Ma lecturothèque]