Biotanistes

Paru tout récemment dans la collection Naos des éditions ActuSf, Biotanistes est le premier roman de l’autrice belge Anne-Sophie Devriese. One-shot young-adult de presque 600 pages, voici un beau bébé qui m’a tout de suite fait de l’œil pour sa proposition d’un univers post-apo qui inverse le rapport de forces entre les sexes. J’avais très hâte de m’y plonger et voici ce que j’en ai pensé…

« L’histoire de l’humanité est jalonnée de catastrophes, et le schéma est infaillible ! Les survivants cherchent des coupables dans la différence, de préférence une minorité. »

Un univers fascinant

Le gros point fort de ce roman est sans doute son univers. L’autrice nous livre un monde post-apocalytique riche, foisonnant et solidement construit qui justifie pleinement les divers aspects de son fonctionnement dans une architecture impeccable. Anticipation écologique, épidémie, basculement des rapports entre les sexes, tout trouve sa place logiquement dans une construction intelligente. La dimension plus « magique » du monde s’y intègre parfaitement et développe une dimension de voyage temporel plutôt bien menée et originale. S’y versent également des éléments steampunks, qui réécrive la notion de « sorcière » de manière assez fascinante. L’intrigue, elle aussi, bénéficie de ce souci de construction avec de nombreux rebondissements et un rythme assez soutenu malgré le volume conséquent de l’œuvre. Certains évènements manquent certes un peu de surprise, les indices étant un peu trop évidents, mais je me suis prise aisément au jeu de cette histoire plutôt haletante qui ne manque pas d’émotions et qui procure une belle évasion. Il n’y a qu’un petit passage qui m’a semblé être une ficelle un peu plus grossière et qui m’a légèrement fait tiquer. Sur 600 pages, je n’ai donc pas à me plaindre. À contrario, le point le plus négatif du roman tient dans quelques clichés évitables qui jalonnent souvent les romans young-adults, notamment un triangle amoureux peu utile ou encore des histoires d’amours un peu rapides. Heureusement, il y a aussi des aspects plus fins qui servent la construction de personnages avec beaucoup de reliefs, notamment dans les antagonistes telle qu’Olympe qui est d’une complexité intéressante.

« Les jugements en disent souvent plus long sur la personne qui les pose que ce sur quoi ils portent. »

Une richesse de thématiques impressionnante

Non contente de développer un univers assez riche et une intrigue haletante, l’autrice y a également versé de nombreuses réflexions et thématiques qui n’entravent jamais le déroulement de l’histoire mais l’enrichissent au contraire. Elle interroge, entre autres, des questions de racisme, de deuil, de pouvoir, d’influence ou encore des réflexions autour de la transmission et du poids des préjugés culturels qu’on reçoit en héritage. Un palmarès très impressionnant pour un premier roman. La question la plus centrale est sans doute celle du sexisme puisqu’Anne-Sophie Devriese développe une société matriarcale qui inverse parfaitement tous les aspects de notre société patriarcale actuelle, et ce jusqu’aux personnages de contes populaires. Cet aspect du roman manque à mon sens de finesse dans le sens où elle a appliqué un filtre inverse à tous les préjugés sexistes que nous connaissons sans forcément tous les justifier. Mais ceci a le mérite de souligner efficacement, par ce manque de finesse, les aberrations de notre monde actuel et de la bêtise de ces préjugés sexistes. Et en ce sens, c’est plutôt efficace. C’est un roman qui est un véritable cri d’amour pour l’égalité de toutes et tous et ça, forcément, ça me plait beaucoup !

En bref, Biotanistes est un premier roman extrêmement prometteur qui nous fait découvrir une autrice architecte d’un monde solidement construit et intéressant. Couplé à une intrigue haletante et à des personnages complexes, c’est une belle porte d’évasion qui posent en plus de nombreux jalons de réflexions et lance un cri d’amour pour l’égalité. Quelques défauts sont aussi à souligner, notamment un léger manque de finesse et quelques clichés de la littérature young-adult évitables mais ça reste globalement une très bonne lecture.

« Quelque part dans le futur.

La terre est sèche. Des grappes d’humains survivent dans les dernières oasis. Terminé les ruisseaux, terminé les animaux, terminé… la domination masculine. Parce qu’elles semblent être les seules à survivre à une maladie qui décime l’humanité, les femmes ont pris le pouvoir et les hommes sont relégués au rang de reproducteurs.

Rim, jeune sorcière élevée au convent, voit son premier saut dans le passé approcher avec impatience et fébrilité : et si elle n’atterrissait pas en zone utile et devait renoncer pour toujours à voyager dans le temps ? Et puis, qui est Alex, cette nouvelle venue qui la déroute tant, la pousse à reconsidérer ses certitudes ? Et si… Et si les hommes, en vérité, pouvaient survivre au fléau ? »

(Illustration de couverture : © Zariel)

[Diversité: pp arabe - nord-Africain.e, pp bisexuel.le, ps métis.se, ps handicapé.e physique - boite, ps lesbienne, ps noir.e, ps arabe - nord-Africain.e]

Agression sexuelle, Araignées, Cicatrice, Deuil, Esclavagisme, Harcèlement, Meurtre, Mort, Racisme, Scarification, Suicide, Torture

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[Lecture n°44/72 (pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 9 de Ma lecturothèque]