Aatea

J’ai profité de la chaleur de l’été pour plonger dans le second roman d’Anouck Faure publié en début d’année aux éditions Argyll et intitulé Aaeta. J’avais adoré me plonger dans La cité diaphane, son premier livre, et il me tardait de découvrir ce qu’elle avait à raconter dans ce tout autre registre, à nouveau accompagné de ses magnifiques gravures. Alors, embarquez avec moi pour mon avis…

« Le monde est vaste. Vaste et lumineux.»

Oh woaw ! C’est ce que j’ai ressenti après avoir lu quelques pages seulement de ce roman où l’écriture d’Anouck Faure, poétique, originale, superbe, m’a immédiatement saisie. Son univers également, d’une originalité incomparable, ouvre des champs des possibles que je n’avais encore jamais parcourus. Inclassable, entre fantasy d’aventure, récit initiatique, et science-fiction proche de la nature, Aatea nous emporte dans des contrées inexplorées en imaginaire. J’émets peut-être un léger regret sur la difficulté à saisir parfaitement les contours de ce monde si inhabituel qui perturbe nos repères, même les plus basiques. On aimerait prendre plus le temps de détailler le fonctionnement et l’architecture de l’univers, passer un peu de pages à poser tout cela. Outre son côté unique, parfaitement retranscrit d’ailleurs dans les sublimes gravures de l’autrice qui accompagnent le roman, c’est un récit qui plonge au creux de nous-mêmes. Il saisit, captive et offre un panel d’émotions qui nous submergent comme des vagues en pleine tempête. C’est si beau et si puissant à la fois qu’on ne ressort pas tout à fait indemne de cette lecture qui laisse en nous comme des réminiscences. Les bruits du ressac, la chaleur d’un contact plein d’humanité, la douleur amère d’un au-revoir… Aatea est un récit qui m’aura fait m’exclamer « que c’est beau ! » à de nombreuses reprises, qui m’aura émue, parfois très fort, qui m’aura envoûtée et m’aura laissé conquise et avec une envie d’ailleurs très forte.

« Pour un instant, il n’y a que lui, le cri des mouettes, le lent claquement des vagues contre la coque de carbone, les lueurs tremblantes sur les agrégats de sel, la splendeur mortelle de ce monde incertain dont chaque vibration vient courir sur son squelette et sculpter pour lui un palais d’ondes et de courants.»

Mais alors, de quoi est-ce qu’on parle ici ? Aatea c’est un récit multiple, celui d’un navigateur destiné à servir mais qui aspire à s’émanciper, à se libérer, à explorer le monde. C’est un récit de deuil, de projets et d’héritages. C’est aussi un roman qui parle de famille, de celles, biologiques, parfois contrariées par le destin, à celles choisies, dont les liens sont parfois bien plus puissants et bien plus forts et peuvent nous faire surpasser tout. Il y a dans ce récit un océan d’amour, une humanité poignante dans un monde aux dysfonctionnements si nombreux et qui en manque tant, de cette humanité. Anouck Faure nous offre des personnages magnifiquement écrits que j’ai aimés si fort et que je vais avoir beaucoup de mal à oublier. Elle explore, avec eux, des questions sans réponse. On y parle d’identité, de liberté, de choix et d’émancipation. On y explore ce qui nous définit, ce qui nous pousse à changer, ce qui nous donne l’énergie de vivre. Et c’est absolument magnifique! J’ai eu un coup de foudre pour cette lecture qui est tombée probablement au pire moment mais qui, pourtant, toujours, m’a fait quitter le réel un instant. Il y a dedans de la douleur, de la peine, des drames passés et à venir. Mais il y a aussi une luminosité, dans la langue comme dans le propos. Un rappel nécessaire que le monde reste vaste et lumineux et qu’il nous invite à l’explorer.

«  Oui,  Aatea, parfois pour vivre il faut partir »

En bref, Aatea est un magnifique voyage qui nous submerge de ses vagues d’émotions et nous transporte dans la prose superbe de son autrice. Avec son univers d’une originalité plus que rare, Aatea est un roman unique, qui évoque avec brio la notion de liberté et interroge notre identité. C’est un immense coup de cœur pour ce livre qui me laisse la larme au coin de l’œil et l’envie de partir vers un ailleurs au creux du ventre.

« Navigateur capable de diriger son voilier solaire sur les océans en suspension de la Nuée, Aatea n’en demeure pas moins un paria aux yeux de son peuple : né en mer, il ne possède pas le filament, cet organe symbiotique qui permet aux siens de coexister avec de gigantesques îles vivantes. Seules ses expéditions maritimes l’aident à endurer la servitude à laquelle le contraint le système des castes.
Or, après une attaque de pirates qui coûte la vie à tous ses passagers, Aatea perd le droit de naviguer. Il choisit alors l’impensable : fuir la sécurité des îles, tout abandonner et suivre les traces de sa grand-mère, une exploratrice dont les récits ont bercé son enfance.
Tandis qu’un froid inhabituel s’abat sur le monde, Aatea part seul sur les flots instables, déterminé à voyager plus loin que quiconque. Cependant, dans la Nuée, où tout se dévore et se déchire, de nombreux dangers guettent le navigateur ; des dangers mais aussi des rencontres, de celles qui ancrent une vie et lui donnent un sens.»

(Illustration de couverture : © Xavier Colette)

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