Sur la route d’Aldébaran

Publié en novembre 2021 aux éditions Le Bélial’, Sur la route d’Aldébaran est la première apparition d’Adrian Tchaikovsky dans la collection Une Heure-Lumière. Cette novella nous embarque aux confins de l’espace à la découverte d’un artéfact bien étrange. J’ai eu la chance de  recevoir ce titre en cadeau suite au challenge Winter short stories of SFFF de Célindanaë, et voici ce que j’ai pensé…

« Nous voulions inspecter les Cryptes. Nous voulions en faire une part du domaine humain, les inclure dans les limites de notre champ d’action. La véritable valeur de l’équipe d’exploration équivalait à la propagande d’une victoire sur l’univers. »

Le savant mélange entre l’humour et le sordide

Quand j’ai commencé Sur la route d’Aldébaran, je ne m’attendais pas à cet humour anglais, un brin sarcastique, subtilement drôle qui caractérise une narration au sein d’un récit pourtant sombre comme le fond d’une crypte aux confins des mondes. Sans enlever à l’horreur des lieux et des évènements, ni même au mystère et à la tension de l’intrigue, l’humour tient dans ce texte une place étonnante et rend le narrateur, Gary Rendell, sacrément attachant (alors même que…). Le subtil décalage que cela opère avec les actes sordides et les dangers permanents de cette histoire rend le tout étonnamment plus digeste même si les amateurs de pur horreur seront certainement un peu déçus. Adrian Tchaikovsky nous dresse cependant en parallèle un vrai climat de tension, teinté d’un fatalisme un brin mélancolique qui caractérise notre personnage principal, en nous révélant progressivement ce qui l’a conduit ici entre deux rencontres mystérieuses. Les surprises ne manquent pas en effet dans cette quête sans fin, les dangers encore moins. De même que l’imagination de l’auteur pour proposer tant et tant de créatures différentes, souvent peu ragoûtantes. L’humour lui-même se teinte d’horreur au fur et à mesure, devant plus cynique et, de facto quand on aime ça comme moi, tellement efficace.

« Je suis probablement le plus grand voyageur humain de toute l’histoire des explorateurs, s’il est possible de me placer dans cette catégorie. Néanmoins, jamais je n’aurais pensé risquer de m’égarer ni qu’il me faudrait manger des cadavres. On ne m’a pas parlé de ça à l’école des astronautes. Au petit Gary Rendell âgé de sept ans, personne n’a jamais dit qu’il pourrait un jour se blottir devant un feu de camp moribond faute d’oxygène tout en mâchonnant la dépouille desséchée d’un explorateur extraterrestre mort depuis des lustres. Si quiconque avait fait allusion à cette éventualité, j’aurais plutôt répondu ‘conducteur de train’.»

Communication, prédation, errance et références

Cette novella est aussi extrêmement plaisante à lire parce qu’elle contient énormément de références diverses allant de la mythologie à la pop culture en passant par la littérature. Mélanger Le magicien d’Oz, Star trek et le Minotaure avec cohérence et intelligence dans un texte si court est à saluer. Avec tous ces hommages, Adrian Tchaikovsky tente aussi de nous piéger. Il nous donne des repères connus dans un monde qui n’en a aucun pour mieux s’en jouer, tout comme il nous donne des éléments de spoiler tout en maintenant un twist qui cherche à nous surprendre. Un hommage, là encore, à pas mal de classique de la littérature horrifique dans le procédé narratif toujours si efficace. L’auteur aborde également plusieurs questionnements intéressants via l’errance de Gary Rendell. Il aborde la rencontre de l’Autre, la non-communication, la prédation qui en résulte souvent ou encore l’instinct de survie en sus d’une question identitaire importante. Le tout conduisant progressivement, de retours en arrière en rencontres du troisième type, à un final très réussi. On peut lui reprocher de proposer trop de choses et un univers si vertigineux qu’on n’en effleure qu’une infinitésimale partie dans un si court texte. Mais j’ai personnellement trouvé ça impeccable en termes de rythme et de durée.

En bref, j’ai vraiment adoré cette lecture. Sur la route d’Aldébaran est un excellent mélange entre horreur, humour cynique et références à foison dans un univers vertigineux et avec un twist fort sympathique. C’était ma première lecture de l’auteur mais certainement pas la dernière. 

« Aux confins du Système solaire, la sonde spatiale Kaveney découvre… quelque chose — une structure fractale gigantesque dotée d’une propriété étonnante : elle semble présenter la même face quel que soit l’angle sous lequel on l’observe. Vite surnommé le Dieu-Grenouille en raison de son apparence vaguement batracienne, l’artefact fascine autant qu’il intrigue, d’autant que son origine non-humaine ne fait guère de doute. Face à l’enjeu majeur que représente pareille trouvaille, un équipage international de vingt-neuf membres est constitué. Avec pour mission, au terme d’un voyage de plusieurs dizaines d’années dans les flancs du Don Quichotte, de percer les mystères du Dieu-Grenouille. Or, ce qui attend ces ambassadeurs de l’humanité défie tous les pronostics. Toutes les merveilles. Toutes les horreurs… »

(Illustration de couverture: © Aurélien Police) 

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[Diversité: ps non-binaire]

[Lecture n°53 (65/108 points avec les bonus pour l'échelon 5 Synchronisation avec la page) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 10 de Ma lecturothèque + thème bimestriel juillet/août « quête, voyage, vacances » pour la notion de quête... parce que c'est pas vraiment des vacances XD]