Le bureau des destins perdus

Autrice belge et amatrice d’humour noir et de fantastique, Nancy Vilbajo publiait en 2017 un recueil de nouvelles mêlant ces genres ainsi que celui du roman noir. Intitulé Le bureau des destins perdus, ce livre est publié aux éditions du Chat Ailé et agrémenté d’illustrations de François Bouton. Sa couverture, atypique, m’a attiré irrémédiablement mais c’est en lisant son introduction que j’ai été conquise. Voici donc ce que j’en ai pensé…

Humour noir et ambiance malsaine

Ce qui frappe, dès l’introduction de ce livre, c’est le ton franc, acide, piquant et cynique de l’autrice! C’est à la fois sombre et décalé, malsain et drôle… bref c’est tout ce que j’aime! Impossible de s’ennuyer à la lecture de cet ouvrage grâce à cette écriture si particulière qui lui donne toute sa saveur. Nancy Vilbajo est d’ailleurs la reine des punchlines, enchaînant les citations qui ne font pas dans la dentelle et qui, malgré leur côté parfois trash, nous font toujours sourire. J’ai d’ailleurs adoré les citations au début de chaque court récit qui sont franchement savoureuses et changent des sempiternelles citations d’auteur élégantes de début d’ouvrage. Ce qui m’a également plu tout de suite avec Le bureau des destins perdus, c’est son originalité. Le narrateur nous interpelle en introduction, cassant la barrière entre le lecteur et l’ouvrage et cherchant à déstabiliser nos certitudes tout en donnant une raison d’être à ce recueil, une explication, chaque nouvelle constituant un dossier du Destin, le narrateur. J’ai également beaucoup aimé l’esthétique travaillée du livre. Chaque récit est en effet introduit par une illustration et la mise est page est vraiment agréable. 

« […] on a beau avoir une grande gueule, quand on a le cerveau écrasé sur le carrelage, parler devient tout de suite beaucoup plus difficile.»

Des styles très différents

Si le style est assez constant dans l’ensemble du livre, chaque nouvelle embrasse des genres quelques peu différents. Certaines sont complètement fantastiques, d’autres plutôt orientées roman noir/thriller. Ce sont d’ailleurs ces dernières que j’ai préféré, avec en tête la toute première, l’histoire de Josiane, que j’ai trouvé géniale. Coup de coeur aussi sur celle de René, dont l’humour noir m’a fait mourir de rire! La dernière nouvelle du récit fait également partie de mes favorites, pour son côté assez malsain. D’un point de vue purement subjectif, certains récits m’ont évidemment moins embarqué, me donnant quelques sentiments de longueurs malgré les mystères qui y étaient à résoudre (je pense notamment à la nouvelle sur la femme du sanatorium ou celle de la collégienne). A contrario, la nouvelle avec l’homme du train aurait mérité d’être plus creusée à mon goût. Mais ce qui est constant dans tous ces récits, c’est que, sous couvert d’humour noir ou de fantastique, Nancy Vilbajo évoque des sujets forts et parfois historiques sans que ça ne soit le sujet central, mais sans pour autant simplement les reléguer au rang de décor. Le lecteur est ainsi interpellé par ces sujets et fait lui-même le travail d’analyse que le récit n’a pas besoin de proposer. Le bureau des destins perdus est, de fait, bien plus qu’un simple recueil de récits d’humour noir.

« De derrière ma fenêtre, je les contemplais et pensais à ma vie passée à courir derrière ce temps égoïste qui fait filer les métros, s’accélérer les horloges, s’amenuiser les nuits et flétrir les dimanches.»

En bref, Le bureau des destins perdus est une lecture assez savoureuse pour la plume piquante et cynique de son autrice et pour la richesse de ses récits fantastiques et noirs tous très différents les uns des autres.

« Celui qui a dit que le destin n’existe pas est un menteur. Car il existe bel et bien et il est écrivain. Mais le pire dans tout cela, c’est qu’il trouve son inspiration dans les trois milliards de dossiers que composent nos existences. Alors vous pensez bien qu’il ne se gêne pas pour raconter nos vies avec la suave cruauté du chat devant la souris. Ce livre, c’est un déferlement de secrets, un jeu de massacre dont la partie ne se gagne qu’à grands coups d’incertitudes, un labyrinthe où se croisent  les âges, les gens et les époques. Ouvrez-le et découvrez les destins perdus de Josiane, de Maddox, de Janis, de René, de Lou et de bien d’autres encore.»

(Illustrations de couverture: © François Bouton)