Les fils enchevêtrés des marionnettes

Sortie le 19 septembre dernier dans la collection Une Heure-Lumière des éditions Le Bélial’, Les fils enchevêtrés des marionnettes est une novella d’Adam-Troy Castro qui s’inscrit dans l’univers Andrea Cort. Ce récit, bien que pouvant être indépendant, s’inscrit en diptyque avec La marche funèbre des marionnettes publié un peu plus tôt cette année dans la même collection. Voici ce que j’en ai pensé…

« Il faut qu’on soit sensibles pour que l’expérience semble réelle. Parfois, notre proximité avec l’évènement qu’on enregistre est émotionnellement si forte que c’en est douloureux. Mais pas moyen de faire autrement, si on veut produire autre chose que de la merde sans intérêt.»

Je vous en parlais déjà dans la chronique de La marche funèbre des marionnettes: l’entrée dans l’univers multiple de l’auteur peut se faire par n’importe quelle porte, ses parutions ne suivant pas toujours un ordre chronologique direct. Cependant, la lecture de cette novella ne suit pas tout à fait cette règle, s’inscrivant en regard de la novella précédemment proposée chez Le Bélial’. Elle n’en est pas pour autant une suite mais propose plutôt, sur le même type d’évènement et de contexte, un autre angle d’étude. Cependant, sans avoir lu La marche funèbre des marionnettes, la lecture des Fils enchevêtrés de marionnettes va probablement vous perdre en chemin. Retour sur la planète Vlhan donc et son ballet fascinant et mystérieux. Mais cette fois le point de vue se décentre de cette danse macabre pour se concentrer sur un pèlerin non retenu mais néanmoins central dans l’histoire des Vlhanis. On y découvre alors ces pèlerins dont le corps a subit les transformations violentes mais pour qui le Ballet semble inaccessible. Ce destin est le récit touchant d’un être dédié à un but qui le dépasse mais n’a pas l’honneur de l’atteindre. C’est beau, fascinant également et touchant.

« Je suis venu interviewer une danseuse.

- Une candidate au suicide, donc.

- Une artiste. Prête à donner sa vie pour son art.»

Adam-Troy Castro propose à nouveau une réflexion passionnante sur l’altérité, la difficulté de saisir les nuances d’une culture avec laquelle on ne partage rien, pas même le langage. Mais l’auteur pousse ici plus loin en questionnant également le sens et le but de l’Art, partiellement insaisissable quand on n’est pas l’artiste, mais aussi la difficile réalisation d’une œuvre qui transcende les artistes eux-mêmes. On peut aussi y voir une mise en abîme dans l’impossible explication du mystère Vlhanis dans l’œuvre de l’auteur, peut importe le nombre de récits qu’il pourra écrire dessus. S’il est un peu frustrant de réaliser qu’on n’aura probablement jamais la compréhension de ce qui se déroule sur Vlhan, la fascination que ce mystère exerce dépasse de loin la frustration. Les fils enchevêtrés des marionnettes parle beaucoup de création, du sacrifice des artistes au nom de leur art, que ce soit les pèlerins ou le shooteur de neuropics hanté par ce qu’il a dû partager avec toute sa sensibilité dans ses réalisations. C’est un récit passionnant et aux portées philosophiques riches. Je reste absolument conquise par les écrits de cet auteur qui sait faire de la science-fiction à la fois complète, dense et accessible qui n’oublie ni l’émotion, ni la beauté. 

En bref, Les fils enchevêtrés des marionnettes est une novella fascinante qui nous donne un autre angle de vue sur la planète Vlhan. Formidables réflexions sur l’Art, sur l’altérité et sur le sacrifice des artistes, la novella est un texte philosophique d’une grande beauté qui n’oublie pas d’étendre encore un peu plus un univers déjà dense et magnifiquement construit. 

« Confins Galastiques. Planète Vlhan.
Les natifs de ce monde reculé, manière de géants sphériques dotés de membres longs et souples pareils à des fouets, se livrent chaque année au rituel le plus étrange qui soit : le Ballet. Une danse qu’aucune race sentiente ne parvient à décrypter, un partage codifié impénétrable auquel participent des dizaines de milliers d’individus. Susceptible de durer plusieurs jours, le Ballet s’achève irrévocablement par un climax terrifiant : la mort de ceux qui y prennent part. De tous les coins de la Galaxie, ils sont nombreux à venir assister au déroulé de cette fascinante coutume, humains en tête. À ceci près que depuis peu, beaucoup chez ces derniers ne se contentent plus du rôle de spectateurs, mais brûlent de s’impliquer dans l’événement — au prix de transformations physiques radicales, et pour une finalité mortelle connue de tous. Pourquoi répondre à semblable appel ? Quel secret se cache dans la trame séculaire du Ballet ? Paul Royko est un shooteur de neuropics à succès. Et il compte bien offrir à son auditoire la clef de ce mystère qui enivre les foules. Sauf qu’il est loin, très  loin, d’imaginer la nature de la porte qu’il s’apprête à ouvrir…»

(Illustration  de couverture: © Aurélien Police)

- Livre reçu en service presse. Publication non rémunérée. Merci aux éditeurs. - 

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