Ring shout : cantique rituel

Après avoir adoré ma découverte de Phenderson Djèlí Clark avec Les tambours du Dieu noir et L’étrange affaire du djinn du Caire, j’avais très envie de lire Ring shout, son roman lauréat du prix Locus, Nebula et finaliste du prix Hugo. Traduit encore une fois par l’excellente Mathilde Montier, Ring shout: cantique rituel est paru aux éditions L’Atalante dans la collection La Dentelle du cygne au mois d’octobre. Et voici ce que j’en pensé…

[NB: Un immense merci aux éditions L’Atalante pour cette belle proposition de lecture.]

« Une fanfare rivalise avec ce tapage et tout le monde en bas, parole, frappe dans ses mains un temps sur deux. Entre les cabrioles et les drapeaux qui s’agitent, on en oublierait presque que c’est des monstres.»

Un combo parfait

Je ne vais pas faire durer le suspens très longtemps: j’ai absolument adoré cette lecture. J’y ai retrouvé tout ce que j’avais aimé dans ma découverte de l’auteur en plus abouti. Phenderson Djèlí Clark nous propose en effet une belle immersion dans son imaginaire mais aussi et surtout dans les cultures et l’Histoire qui participent à sa création. On retrouve ici le sud des États-Unis à la période du KKK cette fois, mais dans une version uchronique fantastique pleine de magie, de monstres (et ceux-là sont pas toujours des figures imaginaires hein) et de scènes épiques à souhaits. L’utilisation des dialectes locaux marqués d’une identité et formidablement bien traduits participe à cette immersion puissante qui caractérise la plume de l’auteur et épaissit les personnages. Le tout est d’ailleurs encore une fois porté par des héroïnes remarquables et bad ass qu’il va être difficile d’oublier. Sadie, Maryse et Chef transpercent les pages par leur personnalité exceptionnelle et leur rage de vaincre. Le format plus long nous permet de mieux approfondir l’histoire et la psychologie de ces héroïnes et m’aura ainsi tiré quelques larmes… Quand je vous dis que c’est du tout bon!

« -Une harmonieuse union? je répète en désignant les affiches du Klan. C’est comme ça que t’appelles cette ode à la race blanche supérieure?

-N’y fais pas attention. Nous avons besoin que vous nous laissiez entrer, que vous intégriez notre grand collectif. » Il balaie du regard les clients du magasin. « C’est rien que les plus déterminés. Si faciles à dévorer de l’intérieur, corps et âme. Depuis toujours.»

Colère, peine, justice

Evidemment, quand on utilise l’histoire du KKK et de la lutte des peuples noirs américains (mais aussi, par extrapolation, tout peuple soumis en esclavage), on cherche à faire passer des messages. L’utilisation de l’imaginaire aurait pu atténuer le tout et être problématique mais avec cet auteur aux commandes, l’imaginaire intensifie au contraire les intentions et souligne l’Histoire qu’il veut mettre sur le devant de la scène. La figure monstrueuse est notamment très bien utilisée dans Ring shout en raillant l’aveuglement des personnes versées dans la haine par exemple et en jouant sur l’ambivalence de la monstruosité humaine/imaginaire. Mais le plus fort dans ce roman ce sont les réflexions très justes sur la colère, la peine, la vengeance et la justice. Non content d’être très prenant à lire, et touchant, c’est un récit engagé et puissant qui mérite pleinement les prix dont il a hérité.

« On dit partout que Dieu est bon. Faut croire qu’il a aussi le sens de l’ironie.»

En bref, Ring Shout est un coup de coeur pour la force de ses messages, pour l’utilisation très juste de l’imaginaire pour mieux nous parler d’Histoire, pour ses personnages féminins bad ass inoubliables et pour l’immersion parfaite qu’il propose. Un roman à la fois engagé et captivant qui nous propose de véritables scènes épiques et de l’émotion tout en portant des messages essentiels.

« Macon, 1922.

En 1915, le film Naissance d’une nation a ensorcelé l’Amérique et gonflé les rangs du Ku Klux Klan, qui depuis s’abreuve aux pensées les plus sombres des Blancs. À travers le pays, le Klan sème la terreur et se déchaîne sur les anciens esclaves, déterminé à faire régner l’enfer sur Terre.

Mais les Ku Kluxes ne sont pas immortels. Sur leur chemin se dressent Maryse Boudreaux et ses compagnes de résistance : une tireuse d’élite à la langue bien pendue et une Harlem Hellfighter. Armées de fusils, de bombes et d’une épée imprégnée de magie ancestrale, elles chassent ceux qui les traquent et renvoient les démons du Klan tout droit en enfer ; alors qu’un complot effroyable se trame à Macon et que la guerre contre le mal est sur le point de s’embraser.»

(Design de couverture: © Dorian Danielsen)

D’autres avis sur la blogosphère: Fantasy à la carte, L’épaule d’Orion (VO), …

[Diversité: pp noir.e, ps noir.e, ps lesbienne] 

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