Le Lac

Après avoir eu un immense coup de coeur pour Vongonzero (2014) de l’auteur russe Yana Vagner, édité chez la fabuleuse maison d’éditions Mirobole, je ne pouvais pas passer à côté de sa suite. Intitulée Le Lac, et sorti en Russie en 2012 sous un titre signifiant « Les vivants », ce second opus est paru en 2015 en édition française. 

Un huis-clos de tension psychologique maîtrisé, bien écrit et captivant. Pour ceux qui auraient loupé ma critique de Vongonzero, sachez qu’on se retrouve ici dans une Russie post-apocalyptique suite à un virus particulièrement contagieux, mortel et non maîtrisé qui entraîne, dans le premier livre, la fuite de gens tout à fait ordinaires, vers une maisonnette au beau milieu d’un lac de la Taïga où ils espèrent survivre. Vongonzero racontait la fuite désespérée, tandis que Le Lac s’intéresse à leur survie sur ce lac, dans un endroit trop étroit et inhospitalier qui promet tensions, désespoirs et incertitudes qui révèlent un peu plus la nature humaine de ces gens désormais sans destination et sans autre but que tenir le coup. Sachez qu’il ne s’agit pas d’une apocalypse horrifique à coup de zombies, etc. Ici, tout est réaliste, le seul danger vient d’un virus mortel et des autres humains, ce qui est sans doute plus effrayant car envisageable. 

« Ce qui nous entourait à présent - trois heures de jour sur vingt-quatre, au cours desquelles le soleil ne se hissait même pas au-dessus de l’horizon, le froid omniprésent qui s’infiltrait partout, la maisonnette crasseuse - nous oppressait impitoyablement et nous forçait à nous interroger : était-ce vraiment tout? était-ce pour cette vie que nous avions fui? était-il possible de la supporter? »

Ayant adoré le premier mais étant restée terriblement frustrée par sa fin, j’attendais énormément de cette suite et je n’ai pas été déçue le moins de monde. C’est, encore une fois, magnifiquement écrit et traduit. J’ai parfois été émue de la beauté des formules, de la beauté du texte même, au delà de con contenu lui aussi très bon. L’histoire est en effet toujours aussi captivante au point où reposer le livre pour faire une pause devient une souffrance. Yana Vagner a ce don de transmettre la tension que ressentent ces personnages. On se sent oppressé, angoissé ou sur le qui-vive en permanence. Chaque page lue a créé en moi de réelles sensations, quasi physiques et me marquera longtemps d’un point de vue psychologique. 

« […] cette peste impitoyable et peu regardante nous avait rattrapés. A l’instant précis où nous avions fini par croire que nous nous en étions suffisamment éloignés, elle nous avait atteints, nous dénichant jusqu’ici, au milieu d’une forêt ensevelie sous la neige, sans chemins ni habitations. »

Du fait de la situation, nous sommes ici dans un quasi huis-clos qui exacerbe la nature humaine de nos protagonistes. J’ai réellement apprécié le fait qu’on en apprenne un peu plus sur les personnages secondaires qui ne sont pas juste là pour du remplissage mais sont construits et complexes eux aussi. Certains comportements tendent alors à s’expliquer, d’autres se redoutent. Tous sont si humains, avec leurs qualités et leurs défauts, qu’ils sont tout à fait réalistes ce qui, de fait, en devient captivant. D’une manière ou d’une autre, on sent, dans ces deux romans, que tout ceci peut arriver, et on en vient à s’interroger sur ce que nous, dans leurs situations, nous ferions. C’est là que Yana Vagner réussit un coup de génie. Elle nous implique complètement dans cette histoire par le réalisme qu’elle y apporte et on se retrouve happé et bouleversé par tout ce qui s’y déroule. Et la fin… mon Dieu quelle fin! 

En bref, vous l’aurez compris, c’est un grand coup de coeur! Je ne peux que vous conseiller de lire (et dans l’ordre!) Vongonzero puis Le Lac qui sont deux grands livres. Cela m’a évoqué La Route de Cormac McCarthy, aussi addictif, aussi réaliste sur la nature humaine et aussi marquant. Un véritable trésor de littérature. 

« Au terme d’une fuite angoissante à travers la Russie ravagée par un virus mortel, Anna et ses dix compagnons de fortune — hommes, femmes, enfants — ont atteint le but de leur périple : un cabanon sur le lac Vongozero, à la frontière finlandaise, un refuge sûr, coupé d’un monde devenu hostile.Contraints à l’immobilité, ils devront apprendre à vivre ensemble, malgré les tensions permanentes, malgré le froid polaire, malgré le manque de nourriture, le manque de ressources, le manque d’intimité. Le premier objectif est bien de passer l’hiver, terrible. Apprendre à pêcher sous la glace du lac, oser peut-être explorer les isbas désertées sur l’autre rive…Mais ensuite ? Comment s’en sort-on, lorsqu’on est encore plus démuni pour la survie que pour la fuite ? »

(Photographie: © Han van Vonno, © Oleksandr Rozhov, © Joey 333)

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Autre tome de la série:

Tome 1: Vongonzero