La machine. Tome 1, Terre de sang et de sueur

Le 19 février dernier, les éditions ActuSF publiait un nouveau roman de l’autrice belge Katia Lanero Zamora, Terre de sang et de sueur, tome 1 d’un diptyque intitulé La Machine, dans la collection Les trois souhaits. Naviguant sur la frontière entre l’historique, puisqu’inspiré de la guerre civile espagnole des années 30, et la fantasy, puisque se déroulant dans un monde différent du nôtre, La machine est une allégorie politique qui m’a tout de suite intéressée et voici ce que j’en ai pensé…

« Ils voulaient que le peuple courbe le dos, ils auraient la guerre. »

Une histoire de révolution

La Machine c’est l’histoire d’une lutte des classes, celle nantie, du vieux monde, qui a tout le pouvoir et refuse de voir ses privilèges réduits, opposée à celle d’un peuple opprimé, affamé, que les idéaux de la nouvelle République inspire et qui veut lutter pour un monde plus égalitaire. Mais loin du manichéisme évident dans lequel cette histoire aurait pu sombrer, La Machine offre tout un florilège de nuances, à travers, par exemple la parole d’une classe moyenne qui ne trouvera son compte dans aucun des deux mondes ou encore par l’exposition de différents points de vue et moyens de lutte employés d’un côté comme de l’autre. Katia Lanero Zamora, dans cette grande fresque d’inspiration historique, nous écrit avant tout une histoire humaine, avec des personnages pleins de reliefs, d’aspérités, un univers où tout est nuances de gris. C’est le roman d’un monde qui broient les gens, par les décisions de détenteurs de pouvoirs qui en oublient leur humanité. C’est l’histoire de générations prêtes à tout sacrifier pour des idéaux dans un monde au bord du gouffre, celui atroce de la guerre civile qui consistera à massacrer ses frères et ses voisins dans un trop plein de rage. C’edst l’histoire d’une famille qui se déchire. Rassurez-vous, si comme moi vous n’avez que peu de notions sur l’histoire espagnole, ce roman vous emporte sans peine car il est passionnant et l’autrice a justement éviter l’écueil du trop historique en faisant l’allégorie de cette période. Des familles Cabayol il y en a dans toutes les guerres civiles de tous les mondes. Nul besoin même d’aimer les romans historiques pour être honnête ! Les amateurs d’histoire et connaisseurs ne sont pas en reste et soulignent aussi la qualité de La Machine qui, décidément, semble convenir à tous les profils, amateurs d’imaginaire ou non aussi d’ailleurs (car oui, point de magie ou autres effets pyrotechniques). La raison est simple : Katia Lanero Zamora nous offre une histoire haletante, bien écrite et avec des personnages inoubliables. Bref, tout ce qu’il faut pour un roman excellent.

« Leurs mines terreuses s’éclairaient du blanc de leurs yeux et de leurs dents. La chemise ouverte sur des torses striés de gouttes de sueur, ils exhibaient fièrement le symbole de la Machine tatoué sur leur poitrine : un écrou, la plus petite pièce sans laquelle le plus compliqué des mécanismes ne peut fonctionner. »

Une histoire de frères

Ce qui fait la qualité de ce roman ce sont aussi et surtout ses personnages. La Machine c’est avant tout l’histoire de deux frangins. L’un, Vian, admirateur de son grand frère mais cherchant aussi à combler tout le monde pour l’honneur de la famille et l’autre, Andrès, âme libre et rebelle qui ne peut plus se complaire dans sa vie de nanti et embrasse les luttes du peuple. Deux frères passionnés que beaucoup de choses opposent mais qu’autant rapprochent, deux frères qui s’aiment d’un amour sincère et superbe, deux frères qu’on apprécie énormément et dont on saisit la relation et la personnalité grâce aux extraits de leur enfance. Autour d’eux gravitent un florilège de personnages tout aussi inoubliables, bien écrits, nuancés, attachants. Katia Lanero Zamora nous offre des personnalités imparfaites auxquelles on croit et on s’accroche immédiatement, entraînant une implication émotionnelle forte à la lecture. La fin du roman, particulièrement haletante et prometteuse, est d’ailleurs bouleversante et aura fini d’emporter mon enthousiasme jusqu’au coup de cœur lorsque les larmes sont apparues sur mes joues. Mais j’ai un immense reproche à faire à ce tome 1 : où est la suite ? Parce que là, franchement, l’attendre va être une torture ! Je suis prête à aller militer à Liège en criant « Hoy » pour l’avoir, attention ! (Non sans rire, prenez tout le temps nécessaire, c’est un roman si peaufiné ici que je m’en voudrais de réclamer une suite bâclée ^^).

« La barbarie du monde s’arrête aux portes de ceux qui la répandent. »

En bref, ce tome 1 de La Machine est formidable. Grande fresque historique, grande fresque sociale, roman profondément humain, c’est un titre qui ravira tous les profils par son écriture agréable, son intrigue haletante et touchante et ses personnages magnifiquement écrits. Coup de cœur inattendu pour ma part pour cette histoire de frangins au cœur d’un monde qui s’apprête à tuer ses frères dans une guerre civile. Formidable allégorie de l’histoire espagnol. Une grande réussite. Vivement la suite !

« Nés dans le confort de la famille noble des Cabayol, Vian et Andrès sont deux frères inséparables. Mais dans un pays où la révolution gronde et où les anciens royalistes fourbissent leurs armes pour renverser la toute jeune République, ils vont devoir choisir leur camp... Grande fresque familiale où les batailles politiques rejoignent les bouillonnements personnels, La Machine est une œuvre forte, absolue et puissante. »

(Illustration de couverture : © Zariel)

[Diversité: pp gay]

Alcool, Sexe, Homophobie, Classisme, Meurtre, Mort

D’autres avis sur la blogosphère : Ombrebones, …

[Lecture n°23/72 (pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 9 de Ma lecturothèque]

* Lecture pour le challenge ABC de l’Imaginaire 2021 de Mariejuliet : lettre Z *