Dans un recoin de ce monde

Sorti en fin d’année 2016 au Japon puis en 2017 en Europe, le film d’animation japonais Dans un recoin de ce monde est réalisé par Sunao Katabuchi (réalisateur de Lassie entre autres). Son scénario est inspiré du manga de Fumiyo Kôno sorti en 2008 et évoque, par le biais d’une fresque historique allant de 1933 à 1945, la guerre et la vie quotidienne japonaise de l’époque. J’ai enfin osé le regarder (depuis Le tombeau des lucioles je crains que mon cœur ne s’effrite en mille morceaux quand les japonais illustrent la guerre) et voici ce que j’en ai pensé…

Bien plus qu’un récit de la guerre

Evidemment, si je vous dis 1933 à 1945 à Hiroshima et dans un recoin de ce monde pas très éloigné, vous pensez tout de suite à la Seconde Guerre mondiale et surtout à la bombe atomique. Mais ce film d’animation a l’intelligence de ne pas se centrer sur le sujet bien qu’il est évidemment présent. La guerre, elle-même, est illustrée plutôt dans son impact sur le quotidien des populations locales. On ne montre pas vraiment les combattants (sauf en permission), les batailles sont plus mécaniques qu’humaines mais les victimes civiles, elles, sont mises en avant. Il y a la peur, les bombardements, les disparitions, les blessés et les morts évidemment, mais l’accent est mis au cœur de cette histoire sur la sidération et le bouleversement dans le quotidien de ceux qui subissent une guerre qu’ils ne font pas. A travers le destin d’une jeune fille un peu maladroite, artiste dans l’âme et terriblement attachante, c’est tout le quotidien et la culture du Japon de l’époque qui sont illustrés. Les tâches routinières sont mises en avant face à la guerre, comme le fait de rentrer le linge mis à sécher mais noirci des cendres des bombes. Cela rend l’histoire très humaine et très réaliste. Le film nous montre aussi à quel point la guerre impacte les actes habituels ou encore la propagande qui entoure tous ces événements du côté japonais. Mais il parle aussi d’amour, celui qui naît doucement dans le cœur de la jeune Suzu. Il parle d’apprentissage aussi, de joie de vivre… Et bien sûr, il parle de créativité et d’art puisque l’héroïne est passionnée de dessin et a l’imagination plus que fertile ce qui, parfois, lui permet de garder une once de lumière quand les ténèbres de la guerre l’entourent, ou tout au moins, de faire face à l’horreur et de dire ce que les mots, trop durs, ne pourraient évoquer. Et ça c’est sans doute la plus grande force de ce film.

Une narration particulière et un visuel majestueux

J’ai été un peu perturbé au départ par la narration de cette histoire qui fait des sauts dans le temps (heureusement toujours indiqués) demandant au spectateur de reconstituer ce qui a bien pu se passer. Ces sauts dans le temps se couplent en plus à l’imagination fertile de l’héroïne qui, enfant, a tendance à modifier les événements dont elle est témoin pour leur donne un côté fantastique, événements dont la réalité, moins extraordinaire, sera révélé plus tard dans le film. Mais lorsqu’on approche de 1944/1945, les sauts dans le temps sont beaucoup plus réduits et l’ensemble plus aisé à suivre. On prend alors même plaisir à découvrir la réalité de certains passages de son enfance qui illustrent à merveille le pouvoir de l’imaginaire. La créativité, de manière générale, est vraiment mise en avant, parfois même visuellement avec des instants superbes où les dessins dans l’esprit de Suzu prennent vie devant elle. Quand les bombardements deviennent peinture, c’est juste absolument magnifique et bouleversant. L’impact de ces passages sur le spectateur est énorme. Ils provoquent une grande vague d’émotions qui font de ce film un véritable chef-d’œuvre. La qualité des dessins par ailleurs est superbe dans l’ensemble du film, mais c’est surtout pour ce côté très artistique que je retiendrais et qui me donne déjà envie de le revoir.

En bref, Dans un recoin de ce monde est un bijou de l’animation japonaise. L’histoire est à la fois dramatique et pleine d’espoir, le visuel est fabuleux et la direction artistique épatante. Un coup de cœur que je vous conseille vivement.

« La jeune Suzu quitte Hiroshima en 1944, à l'occasion de son mariage, pour vivre dans la famille de son mari à Kure, un port militaire. La guerre rend le quotidien de plus en plus difficile, malgré cela, la jeune femme cultive la joie et l'art de vivre. Mais en 1945, un bombardement va éprouver son courage. »

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