Blues pour Irontown

John Varley avait commencé à écrire dans les années 1990 des livres de science-fiction présentant des métiers dans un futur très éloigné. Cette série qu’il appelle la série des Huit Mondes comprenait deux volumes en 1998. Il a fallu attendre 20 ans pour que le troisième volet paraisse! Publié le 14 février dernier aux éditions Denoël dans la collection Lunes d’encre, Blues pour Irontown nous présente un détective privé… sur la Lune. Et voici ce que j’en ai pensé.

[NB: Un grand merci aux éditions Denoël pour l’envoi de ce livre dans le cadre de notre partenariat et pour leur confiance renouvelée.]

« Il n’y a pas de panneaux pour déclarer BIENVENUE POUR IRONTOWN!, aucune pancarte de la Chambre de commerce pour annoncer la présence de francs-maçons, de Shriners, de Tongs, du Rotary et des yakuzas, ou vous inviter à suivre les services religieux de l’Eglise d’Elvis, des Témoins de Jéhovah ou des hubbardites. Ce qui arrive, c’est que le passage devient graduellement plus lugubre, les éclairages plus instables, les effluences plus fortes, les gens plus furtifs, jusqu’à ce qu’on commence à croiser des gens qu’on n’aurait vraiment pas envie de ramener à la maison pour leur présenter maman. »

Un mélange surprenant

J’avais imaginé beaucoup de choses à partir du titre, de la couverture et du résumé. Mais j’étais finalement bien loin de ce que ce roman allait être… Blues pour Irontown est un roman de science-fiction, présentant une société humaine futuriste sur la Lune. C’est aussi un polar, avec un détective privé au look et aux méthodes assez rétro, amateur de romans et films noirs mettant en scène les villes américaines du début du XXème siècle. On peut aussi dire que c’est un roman d’humour, puisqu’il enchaîne parfois des réflexions sarcastiques et cyniques les unes après les autres, notamment lorsqu’il laisse le chien s’exprimer (oui, le chien a ses chapitres et même son « épidogue »). Une chose est certaine, Blues pour Irontown est étonnant. J’avoue que je l’espérais plus noir, un peu dans une ambiance à la Blade Runner qui, si elle est présente, se perd un peu dans de drôle de mélange pour finalement ne pas être le centre névralgique du livre. Le côté enquête/polar est lui aussi présent, mais finalement l’enquête de base tarde à démarrer pour finalement passer en arrière-plan de manière définitive. J’étais assez déroutée de ne pas y retrouver ce que j’attendais, un peu déçue aussi, même si la surprise avait ceci de positif qu’elle offrait un titre vraiment atypique à découvrir. 

« Je ne sais pas pourquoi les humains ont tant de mots qu’ils ne peuvent pas tous comprendre. J’ai pensé que je devrais y réfléchir un peu plus, mais j’ai ensuite décidé que je m’en foutais complètement, en fait. »

L’atout: Sherlock

Si j’ai apprécié ma lecture dans l’ensemble, malgré ma déception initiale, c’est essentiellement grâce au chien Sherlock. Les chapitres qui nous présentent ses pensées sont très spéciaux mais aussi terriblement drôles car plein de réflexions innocentes ou naturelles qui ne manquent jamais de de piquant. Et même si ces passages contribuent peu à l’avancée de l’intrigue et qu’ils ont tendance à briser fortement l’ambiance noire que j’espérais, sans eux le roman n’aurait pas la même saveur. Car même si j’ai apprécié la richesse de la société présentée (épatante pour un roman de 250 pages!) et qu’on visualise assez aisément les décors, le roman en lui-même manque d’approfondissement et l’intrigue d’intérêt. Beaucoup de choses sont évoquées trop brièvement, les personnages ne sont pas assez fouillés et le rythme est assez inégal. L’écriture, atypique, tourne parfois en rond sur des réflexions quasi-inutiles et l’histoire, alors, s’enlise d’autant plus. Sans la présence, pas forcément nécessaire mais originale, des chapitres de Sherlock, le roman aurait été clairement peu enthousiasmant pour moi. 

En bref, je ne suis pas entièrement convaincue par Blues pour Irontown dont le style très atypique et le mélange des genres n’est pas tout à fait ce que j’apprécie ni ce que j’attendais. J’ai tout de même envie de saluer l’originalité et la richesse de l’univers présenté et surtout la présence du personnage de Sherlock qui donne toute sa saveur à ce récit.

« Christopher Bach était policier lors de la Grande Panne, ce jour où le Calculateur central, qui contrôle tous les systèmes de survie sur Luna, a connu une défaillance fatale. La vie de Chris a alors irrémédiablement basculé, et il essaie désormais d’être détective privé. Assisté de son chien cybernétiquement augmenté, Sherlock, il tente de résoudre les quelques missions qu’on lui confie en imitant les héros durs à cuire qui peuplent les livres et films noirs qu’il adore. 

Lorsqu’une femme entre dans son bureau et prétend avoir été infectée volontairement par une lèpre incurable, Chris est tout disposé à l’aider à retrouver celui qui l’a contaminée. Mais il va vite déchanter en comprenant que son enquête doit le mener là où personne n’a réellement envie d’aller de son plein gré : à Irontown…  »

(Illustration de couverture: © Studio Denoël)

> Lire un extrait < (© Denoël)

[Lecture n°12/36 (pour l'échelon 3) pour le Challenge de Littérature de l'Imaginaire édition 7 de Ma Lectorutothèque]