Un fond de vérité

Paru en 2014 en Pologne puis traduit en français en 2015 chez Mirobole éditions dans la collection Horizons noirs, Un fond de vérité est le deuxième roman de Zygmunt Miłoszewski mettant en scène le procureur Teodore Szacki. Le premier livre, intitulé Les Impliqués, a été plusieurs fois récompensé, notamment par le prix du Polar Européen. Un fond de vérité paraîtra en septembre 2016 en poche aux éditions Pocket, tout comme son prédécesseur. Il a été adapté en film polonais en 2015 sous la direction de Borys Lankosz.

[Avant-propos: veuillez noter qu’il n’est aucunement nécessaire de lire Les Impliqués avant ce livre, les deux sont deux entités bien séparées malgré le même personnage central.]

Captivant, intriguant, haletant… un bon polar comme je les aime! Ce roman policier polonais regroupe quasiment tous les ingrédients pour un super moment de lecture lorsqu’on est amateurs du genre. Zygmunt Miłoszewski arrive, avec sa plume parfois cinglante, parfois oppressante, parfois poétique, à nous transporter dans une Pologne actuelle mais dont l’ambiance n’a strictement rien à envier aux polars nordiques huppés. Le froid nous saisit, les ombres et les brumes nous entourent et les méandres historiques nous rendraient presque paranoïaques. En plus d’une ambiance parfaite, l’enquête fait frémir, elle est pleine de mystères et de rebondissements et elle nous transporte dans une histoire polonaise passée et actuelle, qui nous est méconnue mais fascinante. J’ai également apprécié les multiples réflexions sur la notion de vérité que l’auteur nous amène à avoir, sans que ça en devienne une leçon de philosophie, juste par petits brides, par des phrases anodines qui nous poussent à questionner la notion de nous-mêmes.

« Pour le dire gentiment: il s’était trompé. Pour le dire moins gentiment, il avait noyé sa vie patiemment construite dans un puits d’excréments à cause d’une saloperie de mirage. »

L’enquête, quant à elle, est captivante. Même si certains éléments de réponses se dévoilaient un peu vite dans mon esprit habitué aux mécanismes, j’ai apprécié son mystère et j’ai trouvé le récit vraiment bien ficelé. Cela s’ajoute à un enquêteur extrêmement charismatique, aux réparties cinglantes et à la manière de pensée étonnante. En plus d’être un personnage intéressant, le procureur Teodore Szacki est un enquêteur captivant dont la façon de résoudre les énigmes est brillamment décrite dans le récit, impliquant complètement le lecteur dans la résolution de l’enquête puisque nous sommes amenés à suivre, pas à pas, le fil de ses pensées. J’ai trouvé cela original et brillant! Notons, par ailleurs, que les personnages secondaires, quoique légèrement stéréotypés, sont eux aussi fortement intéressants et apportent au récit un éclairage étonnant sur la Pologne actuelle. L’ensemble n’est pas non plus dénué d’humour, et pas seulement grâce au cynisme de certains protagonistes, certaines scènes étant même qualifiables de caustiques (notamment un certain rêve d’Hitler dansant sur Wake me up before you go go…) ce qui permet de souffler un peu dans cette ambiance oppressante et sans pour autant gâcher cette dernière.

« La dernière image qu’il gardait, c’était un Hitler rieur qui balançait ses bras au-dessus de sa tête l’un après l’autre, qui le fixait de façon coquette et qui piaulait « Come on baby, let’s not fight, we’ll go dancing and everything will be all right. » »

J’ai été complètement transportée dans ma lecture, tant intriguée par l’enquête et son contexte sur fond d’histoire polonaise que par la fresque de la Pologne que nous dresse l’auteur. J’ai grandement apprécié le découpage du roman également. En effet, celui-ci se compose de « parties » décrivant une journée de l’enquête, elle-même composée de « chapitres » pour les différentes scènes du jour. Et, chaque début de partie effectue une mise en perspective du jour avec les évènement religieux, politiques, sportifs, etc. dans le monde, puis en Pologne puis dans le village de Sandomierz où se déroule l’action. Cette introduction renforce le réalisme de l’enquête et permet de situer dans l’esprit de chaque lecteur, l’ambiance internationale du moment. C’est une idée grandiose! 

En bref, dans Un fond de vérité nous avons un polar extrêmement bien ficelé avec des meurtres très théâtraux, un fond historique et des non-dits qui donnent une ambiance grandiosement inquiétante, une fresque de la Pologne et des polonais dépeinte sous le regard vif de l’auteur, un enquêteur magistral, et Hitler qui se dandine sur du Wham! … Que peut-on vraiment attendre de mieux d’un roman?

(Photographie de couverture: © falcatraz)

« Fraîchement divorcé, Teodore Szacki a quitté son travail de procureur à Varsovie et débarque dans la paisible bourgade de Sandomierz, où il compte bien refaire sa vie. Mais six mois à peine après avoir abandonné l’agitation de la capitale et l’asphyxie de son mariage, il s’ennuie déjà.

Heureusement, devant l’ancienne synagogue de la vieille ville, du travail l’attend : un corps de femme drainé de son sang, tout comme dans un rite sacrificiel juif… Lorsque le mari de la victime subit le même sort, la population de la ville renoue avec des peurs vieilles de plusieurs décennies. Aux prises avec une flambée d’antisémitisme sans précédent, Szacki va devoir plonger dans un passé aux échos douloureux, et tenter de trouver la vérité dans une histoire qui déchaîne toutes les passions. »

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