Nickel boys

Sorti en VO en 2019 et en français aux éditions Albin Michel en août 2020, Nickel boys est un roman de Colson Whitehead pour lequel l’auteur obtient son second Prix Pulitzer après Underground railroad. S’inspirant de faits réels, ce nouveau roman dénonce à nouveau les injustices raciales dans l’histoire des États-Unis et a remporté un large succès critique. C’est dans sa version audio, lue par Stéphane Boucher et éditée par Audiolib que j’ai décidé de me plonger dans cette histoire. Et voici ce que j’en ai pensé…

« Ils nous traitent comme des sous-hommes dans notre propre pays. Ça ne change pas. Ça ne changera peut-être jamais. »

Uppercut

Lire Colson Whitehead c’est se prendre un coup de poing en plein cœur. C’est faire face à une réalité terrifiante qu’on essaye d’oublier mais qui doit au contraire surgir au grand jour pour qu’on en applique les leçons. Lire Nickel boys c’est se confronter à une partie de l’histoire américaine terrible, celle des lois ségrégationnistes et de l’injustice qui semble malheureusement s’étendre encore aujourd’hui. Il convient alors d’être prêt à encaisser au moment où on s’embarque dans cette lecture car la violence terrifiante de cette histoire inspirée de faits réels va vous provoquer un coup au moral certain, vous laissant dans un sentiment oscillant entre rage et désespoir. Autant vous dire que ce n’était peut-être pas le meilleur choix de lectures audio pour me rendre au travail en ce moment et que dès la première phrase : « Même morts, les garçons étaient un problème », j’ai dû prendre mon courage à bras le corps. Mais même durs, les romans de Colson Whitehead ne tombe jamais dans le pathos inutile ni dans la violence pour la violence. Il dénonce brillamment, avec justesse, subtilité et force sans jamais donner le sentiment de « profiter » du sujet. Et c’est, à mon sens, ce qui fait toute sa force et ce pourquoi il fait parti de ces rares auteurs double lauréat du prestigieux prix Pulitzer.

« Si tout le monde fermait les yeux, alors tout le monde était complice. Et si lui fermait les yeux, il était tout aussi impliqué que les autres. Voilà comment il voyait les choses, comment il les avait toujours vues. »

Un huis-clos ouvert sur le monde

Si l’histoire se centre essentiellement sur le séjour à Nickel du jeune Elwood, le roman prend naissance dans son enfance, au cœur d’une Amérique en lutte pour les droits des noirs, bercée des discours de Martin Luther King et des manifestations anti-ségrégation. Par le biais de l’histoire d’Elwood, l’auteur nous révèle une Amérique inégalitaire mais aussi une Amérique qui se réveille et veut lutter. Il interroge brillamment les difficultés d’embrasser des moyens pacifistes quand de l’autre côté une violence sans nom vous anéantit à chaque instant. « L’école » de Nickel n’est finalement qu’une version miniature de cette société injuste, dans son existence la plus honnête et terrifiante, qui détruit les jeunes garçons plutôt que de les faire grandir. Cette incapacité à retrouver une normalité avec un tel traitement est d’ailleurs magnifiquement retranscrite par l’auteur. Le roman tire parfois un peu en longueurs (peut-être accentué à l’audio par une lecture peu rythmée malgré sa qualité indéniable) mais offre finalement des instants de respiration fragiles, certes, mais bienvenus. Le final emporte finalement notre cœur, non sans larmes, confirmant le talent immense de l’auteur et déployant avec force son message : ne cessez pas de lutter, n’oubliez pas qui vous êtes, vous êtes valides, vous êtes aussi méritants que les autres.

En bref, Nickel boys est un roman puissant, un uppercut en plein cœur, tant par la violence de ce qui est dénoncé (lois ségrégationnistes, maisons de correction meurtrières, enfances détruites) que par la justesse de l’écriture. Colson Whitehead a le don de parler de sujets difficiles avec finesse et force sans jamais tomber dans un pathos inutile. C’est un roman difficile à encaisser, qui a aussi quelques baisses de rythme par instants, mais c’est surtout un roman marquant et nécessaire.

« Dans la Floride ségrégationniste des années 1960, le jeune Elwood Curtis prend très à cœur le message de paix de Martin Luther King. Prêt à intégrer l’université pour y faire de brillantes études, il voit s’évanouir ses rêves d’avenir lorsque, à la suite d’une erreur judiciaire, on l’envoie à la Nickel Academy, une maison de correction qui s’engage à faire des délinquants des « hommes honnêtes et honorables ». Sauf qu’il s’agit en réalité d’un endroit cauchemardesque, où les pensionnaires sont soumis aux pires sévices. Elwood trouve toutefois un allié précieux en la personne de Turner, avec qui il se lie d’amitié. Mais l’idéalisme de l’un et le scepticisme de l’autre auront des conséquences déchirantes. »

(Couverture : photographie © Neil Libbert, design © Oliver Munday)

[Diversité : PP noir.e, PS noir.e]

Cicatrice, Colorisme, Esclavagisme, Meurtre, Mort, N-word, Pédophilie, PTSD, Racisme, Torture, Viol

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