Manuel de survie à l’usage des jeunes filles

Roman paru à la rentrée littéraire 2018 dans la collection Bibliothèque écossaise des éditions Métailié, Manuel de survie à l’usage des jeunes filles est le premier roman de l’auteur Mick Kitson paru en version originale sous le titre Sal. C’était un ouvrage que j’avais très envie de lire et qu’on m’a gentiment glissé sous le sapin à Noël dernier (merci C. et G.) et voici ce que j’en ai pensé…

« Et je croyais que ça marcherait parce que quand on croit que quelque chose va se produire alors ça se produit donc il faut faire attention à ce qu’on croit qu’il va se produire. J’ai cru pendant presque un an que j’arriverais à arrêter Robert et à mettre m’man en sécurité et puis je l’ai fait.»

Un roman d’apprentissage plein de tendresse

L’histoire du roman est terriblement touchante, mettant en scène deux jeunes soeurs, de 13 et 10 ans, en survie dans la forêt pour fuir un monde qui risque de les séparer et pour s’éloigner d’une enfance plus que bancale. Une histoire qui parle de liberté, de rédemption, de nature, mais surtout qui évoque l’amour inconditionnel de Sal pour sa petite soeur Peppa qu’elle cherche à protéger à tout prix. Sa volonté sans faille et son courage ébahissent le lecteur déjà bouleversé par toutes les épreuves qu’elle a du affronter à 13 ans. Et pourtant, le roman ne fait pas jamais l’erreur de devenir dramatique ou larmoyant. La narration, au contraire, est plutôt froide et factuelle. Sal nous transmet les faits et les souvenirs sans être envahie par de l’affect. Elle a une carapace psychologique inaltérable et semble analyser les choses sans aucune trace d’émotion. C’est parfois déroutant, mais ça n’empêche pas de ressentir l’amour fou qu’elle porte à sa soeur, ni les souffrances qu’elle traine avec elle qui se devinent derrière les faits et derrière ses choix audacieux. A nous, lecteurs, de savoir lire entre les lignes pour ressentir toute la tendresse de cette histoire, subtilement glissée dans le récit mais finalement omniprésente. On s’attendrit alors pour leur destin tourmenté, on rit du naturel de Peppa, on souhaite soutenir Sal pour lui laisser le possibilité de penser un peu à elle, et on ressort émus de cette rencontre. 

« J’aurais bien aimé pouvoir la filmer accroupie au soleil sur ce rocher au milieu de cette eau lisse comme du verre un grand sourire aux lèvres et l’air heureux. J’ai décidé de garder cette scène en mémoire au cas où ça ne se reproduirait pas. Elle avait le soleil dans la figure et elle a crié « C’est chouette ici, hein? »»

Un retour aux sources

Par le récit que fait Sal de leur vie en pleine forêt, ce roman est une véritable ode à la nature, renforcé par la présence d’une autre histoire qui évoque le droit de vivre libre. Sans jamais édulcorer la survie, ne cachant pas tous les dangers et les inconvénients, l’auteur transmet cependant au lecteur une envie de retour aux sources, de vie simple et libre. Malgré la dureté de cette existence, j’avais le sentiment que je serai à ma place dans le campement près du feu. Et j’ai alors vécu cette lecture comme une respiration dans ma vie quotidienne. Alors oui, parfois, c’est un peu lent, lenteur due au côté très « factuel » de la narration et aux formulations parfois maladroites de notre narratrice. Mais finalement, cette lenteur parfois contemplative correspond au rythme de cette vie au naturel et permet une pause bienvenue dans nos vies à 100 à l’heure. Je regrette juste le final, même si je le savais inéluctable. Je crois que, comme Peppa, je trouvais ça chouette et que je ne voulais pas que ça s’arrête…

En bref, Manuel à l’usage des jeunes filles est un roman touchant derrière sa carapace faussement factuelle. C’est un récit plein de tendresse, porté par une héroïne marquante, forte et très très attachante. 

« Que font deux gamines en plein hiver dans une des plus sauvages forêts des Highlands, à des kilomètres de la première ville ?

Sal a préparé leur fuite pendant plus d’un an, acheté une boussole, un couteau de chasse et une trousse de premiers secours sur Amazon, étudié le Guide de survie des forces spéciales et fait des recherches sur YouTube. Elle sait construire un abri et allumer un feu, chasser à la carabine. Elle est capable de tout pour protéger Peppa, sa petite sœur.

Dans le silence et la beauté absolue des Highlands, Sal raconte, elle parle de leur mère désarmée devant la vie, de Robert le salaud, de la tendresse de la sorcière attirée par l’odeur du feu de bois, mais surtout de son amour extraordinaire pour cette sœur rigolote qui aime les gros mots et faire la course avec les lapins. »

(Photographie de couverture: © Patrick J. Endres / Getty images)