Les employés

Après une parution en 2020 chez La peuplade, Les employés, vient de paraître en poche aux éditions Pocket. Traduit par Christine Berlioz et Laila Flynk Thullesen, ce roman de la poétesse danoise Olga Ravn avait retenu mon attention à sa sortie et il me tardait de le découvrir. Voici ce que j’en ai pensé…

[NB: Merci à Pocket imaginaire pour ce service presse.]

« Je suis comme l’un de ces objets. Je suis votre création, vous m’avez octroyé la parole, et maintenant je vois vos erreurs et vos lacunes. Je vois l’insuffisance de vos plans.»

Un roman particulier

Les employés est un roman à la narration atypique. Nous avons ici le recueil des dépositions faites à la commission d’enquête, commission que nous ne rencontrons pas. Chaque déposition est plus ou moins anonyme, certaines personnes sont identifiées comme humaines, d’autres comme ressemblants (des formes d’androïdes) quand d’autres restent dans un flou d’interprétation quant à leur statut. Certaines personnes reviennent clairement plusieurs fois, d’autres ne font probablement qu’une apparition. Chacune des ces dépositions est relativement courte, d’une phrase à quelques pages seulement. Cela donne un roman profondément nébuleux où, ce qui se passe, nous parvient par brides décousues, par notes brèves. Olga Ravn nous laisse volontairement dans un flou artistique fait d’impressions fugaces, d’émotions, de sensations où il serait vain de chercher un suivi narratif classique ou des explications claires. Et si le mystère n’est pas complètement éclairci, on arrive progressivement à saisir les intentions, les messages et les évènements. Une lecture surprenante qui n’est pas dénuée de beauté.

« Mon collègue humain parle parfois de son envie de ne pas travailler, il prononce alors des paroles bizarres, totalement insensées, qu’est-ce qu’il dit? Il dit: « On est plus que son travail », ou plutôt: « On ne réduit pas à son travail. » Mais que peut-on être d’autre? »

De ce qui fait l’humanité et de l’abrutissement des masses au travail

Derrière l’intrigue centrale, ce roman exprime plusieurs messages. On comprend notamment que l’univers dans lequel s’inscrit le roman est une société totalitaire. L’autrice en profite pour critiquer l’abrutissement du travail à travers le rôle de ressemblants, contrôlés par des mises à jour, ou via le désespoir des humains. C’est aussi un questionnement de ce qui caractérise l’humanité. Sommes-nous la somme de notre passé? Sommes-nous ce que nous faisons de notre présent et de notre avenir? Sommes-nous les émotions et les sentiments qui nous traversent? Sommes-nous notre capacité à aimer, à ressentir? Ce court roman interroge tout cela entre les lignes, grâce aux brides que constituent les dépositions. Nulle réponse claire là encore, mais des impressions, des sensations qui restent. Indéniablement intéressant, c’est pourtant un roman que je n’ai pas franchement aimé. Je sais pertinemment que s’il n’avait pas été si court, j’aurai probablement abandonné en cours de route. Et pourtant, je ne regrette pas d’être allé au bout de cette découverte étonnante. 

« On m’a peut-être créée, mais maintenant je suis en train de me créer moi-même.»

En bref, Les employés est un roman atypique qui ne nous apporte jamais de réponses claires sur ce qui se déroule, ni de conclusions aux questionnements apportés par son intrigue. Intéressant néanmoins, c’est un texte assez beau à la narration originale qui nous laisse des sensations très prégnantes. 

« À des millions de kilomètres de la Terre, humains et ressemblants travaillent pour une puissante compagnie totalitaire à bord du six millième vaisseau : ce sont les employés. Suite à l’observation prolongée d’artefacts extraterrestres récoltés sur une planète habitable – La Nouvelle Découverte –, d’étranges incidents surviennent, et une commission d’enquête est dépêchée. Durant dix-huit mois, celle-ci va compiler les témoignages de l’équipage, humains comme ressemblants, pour comprendre la nature du mal qui semble ronger l’expédition...»

(Illustration de couverture: © Parade studio)

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