Les archives des Collines-Chantantes. Tome 2, Quand la tigresse descendit de la montagne

Après avoir eu un magnifique coup de cœur pour le premier volume des Archives des Collines-Chantantes de Nghi Vo, il me tardait d’en lire la suite. Quand la tigresse descendit de la montagne, deuxième volume de l’histoire de l’adelphe Chih est paru chez L’Atalante en mai dernier (en 2 versions, une collector hard-back et une couverture souple) et je me suis évidemment jeté dessus. Voici ce que j’en ai pensé…

« Alors? Quelle est la vérité?»

Une pointe de déception

J’avais misé énormément sur cette lecture. L’impératrice du sel et de ma fortune figure en bonne place pour le rôle de meilleure lecture de l’année pour moi et j’avais ouï dire que ce deuxième volume était encore mieux que le premier. Malheureusement, bien que très bon, je n’aurai pas atteint le même plaisir de lecture qu’avec le premier et j’en ressors avec une légère déception. Ce qui a coincé pour moi c’est une narration plus classique ici, moins éclatée, plus linéaire. Là où j’avais été fascinée par cette histoire qui se tissait dans le détail pour dévoiler une fresque grandiose, j’ai ici été un peu frustrée de découvrir une légende, certes racontée de plusieurs points de vue, mais beaucoup plus classique dans son mode de narration. Cela dit, j’ai retrouvé avec énormément de plaisir la plume teintée d’onirisme merveilleux de Nghi Vo par la traduction de Mickael Cabon. L’autrice nous envoûte sans faillir et nous transporte dans son univers où tout semble possible. Mêlant encore plusieurs mythologies pour en créer une originale, le monde dans lequel évolue l’adelphe Chih fascine et est particulièrement propice aux histoires légendaires et à l’évasion.

« Nous maintenions toujours notre foyer dans le plus tendre des silences, que brisaient seulement la chute occasionnelle d’une bobine de fil écarlate ou un gémissement ténu jailli de tes lèvres aux premières lueurs. À présent, ton départ résonne d’un fracas pareil à celui du tonnerre et la charpente de la maison tremble sous la force du vide que tu as laissé derrière toi.»

Un conte multiple

Dans ce second volume, l’adelphe Chih se fait conteur pour trois tigresses métamorphes. Iel nous raconte une histoire qui a tout du conte, celle de Dieu, lettrée tiraillée entre destinée et passion et de la tigresse dévoreuse de monde qu’elle rencontra dans son périple vers la capitale. Une histoire qui nous parle de créatures légendaires, de malédictions fardées d’illusions mais aussi d’amour et de poésie. Mais c’est aussi une histoire aux multiples versions, comme toutes légendes et contes dignes de ce nom. C’est alors qu’interviennent les tigresses qui en profitent pour corriger de leur propre version celle qu’on leur raconte. Une jolie réflexion sur le point de vue duquel les histoires et l’Histoire se transmettent et s’écrivent. Tout en subtilité, Nghi Vo questionne nos propres légendes et mythes en nous proposant ce conte aux multiples versions sans jamais trancher sur une plus vraie qu’une autre. Les deux étant sensationnelles. On retrouve également dans cette nouvelle histoire toute la tolérance et tout le merveilleux qui m’avait enchanté dans le premier volume des Archives des Collines-Chantantes. Et malgré ma petite déception ici, j’attends déjà impatiemment un nouveau volume, ne serait-ce que pour ces aspects.

En bref, Quand la tigresse descendit de la montagne est un nouveau conte merveilleux mêlant plusieurs mythologies sous la plume poétique et envoûtante de Nghi Vo. Entre tolérance, amour, dangers et poésie, ce nouvel opus des Archives des Collines-chantantes est très beau et propose une réflexion sur le point de vue depuis lesquels l’Histoire se raconte. J’ai cependant été un peu déçue par sa narration plus linéaire que le premier volume.

« Des tigresses métamorphes amatrices de poésie, des mammouths de guerre aussi impressionnants que placides, une jeune lettrée tiraillée entre son coeur et sa raison, fantômes, goules et esprits-renards à l’affût, aventures baroques et amours libres…
Dans cette aventure de l’adelphe Chih, Nghi Vo nous convie à un étonnant voyage, inspirée tant par les contes et la poésie de l’Asie du Sud-Est que par les combats sociaux qui l’animent. Aucun carcan ici, aucune frontière, seul importe le récit, porté par une plume légère et des images d’une originalité folle. »

(Illustration de couverture : © Alyssa Winans)

Tome 5 - (à paraître)

[Diversité: pp non-binaire, ps lesbienne, ps bisexuel.le]

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