Le chant des glaces

Le chant des glaces est le premier roman de Jean Krug, paru tout récemment (le 22 avril) aux éditions Critic qui ont misé sur ce nouvel auteur. Roman de science-fiction entre planet opera, space opera et thriller politique, Le chant des glaces nous embarque sur une planète gelée pour une intrigue pleine de complots. Et voici ce que j’en ai pensé…

[NB : Je remercie les éditions Critic de m’avoir contacté pour cette lecture, pour votre confiance dans ce partenariat qui fait tout drôle à l’ancienne étudiante rennaise que je suis et qui parcourait inlassablement votre librairie.]

"Nous avons développé une société consommant davatange de que ses capacités et qui ne subsiste que parce qu'elle maintient péniblement un vague équilibre."

Un premier roman ambitieux

Je vais être honnête avec vous, c’est une critique plutôt difficile à écrire pour moi. J’ai eu beaucoup de peine à terminer cette lecture mais je ne veux surtout pas vous freiner dans sa découverte car elle contient plusieurs aspects positifs intéressants malgré des défauts notables qui, probablement, ne seront pas un frein pour tout le monde. Le chant des glaces est un premier roman ambitieux. Ambitieux dans la construction de son univers, plutôt dense et élaboré. Mais surtout ambitieux dans les questionnements qu’il soulève. Jean Krug interroge la notion de liberté à travers plusieurs points de vue et plusieurs sous-intrigues pour interpeller le lecteur sur cette notion indéfinissable mais ô combien passionnante. Des bagnards cherchant à quitter leur prison aux hautes sphères prisonnières de protocoles ou d’un système trop rigide, l’auteur nous offre un monde de réflexions impressionnant. Mais c’est aussi là que le bas blesse. Par la multiplication des sous-intrigues, c’est l’ensemble du roman qui se dilue et le message qui perd de sa puissance. Le style de l’auteur, parfois trop froid ou trop pompeux, notamment dans des dialogues qui ne paraissent pas naturels,  et ayant tendance à trop user des énumérations, sert également le propos mais diminue l’immersion à la lecture et tend à créer une certaine distance avec le roman. Certains passages sont aussi trop ambitieux dans la volonté d’appliquer des effets de styles en fonction des personnages. On a ainsi des passages assez lunaires avec des protagonistes peu crédibles qui tendent à rendre la lecture difficile. J’ai personnellement fini par survoler les passages avec Elkeïd comme narrateur dont le côté vulgaire et imbu m’évoquait le style d’un auteur très connu de SF que j’ai du mal à supporter. Ambitieux, le roman n’est pas assez pensé comme l’aventure qu’il promettait selon moi mais comme une passerelle vers des réflexions foisonnantes au détriment parfois du rythme ou de l’immersion.

« Et quelque part, cette adrénaline qui poussait de concert, qui virevoltait dans mes tendons et ma chair, qui chatouillait mes neurones jusqu'à m'en rendre malade, c'était ma raison de vivre. Une joie revancharde, une satisfaction en réplique, en action de contre, sapée, placardée parfois à coups de poings cagoulés, colère sèche. Depuis toutes ces années, c'était ça, ma liberté."

Un roman de passionné

L’auteur est glaciologue et il allie ici son savoir en nous offrant ici avec la planète Delas, un monde gelé fait de crevasses et de moraines qu’il nous décrit avec précision mais surtout avec passion. On ressent pleinement à la lecture l’enthousiasme de l’auteur face à ces univers blancs et froids, un enthousiasme qui transpire des pages et nous atteint nous aussi, donnant à cette planète prison un air d’évasion absolu étonnant. Chose très réussie, la précision de l’auteur sur le sujet ne rend pas le texte inaccessible. Même s’il m’a fallu chercher quelques notions dans le dictionnaire pour me faire au vocabulaire de la glaciologie, j’ai trouvé ces passages plutôt fluides et agréable, maintenant un bel équilibre entre hard science et vulgarisation. La passion s’étend aussi au domaine littéraire avec quelques envolées de style assez superbes, notamment dans les discours sur la question de la liberté ou encore quelques envolées poétiques mêlant le champ lexical de la musique à celui de la glace. Il y a donc de belles choses dans ce roman, même si, personnellement, j’ai eu beaucoup de mal à m’accrocher. Je suis très attachée aux personnages et à l’immersion dans un roman. Et le style d’écriture parfois trop distant rend difficiles ces deux points. Les protagonistes sont pourtant intéressants mais je ne suis pas parvenu à m’y attacher ni à éprouver de réelles émotions pour ce qui leur arrive, freinant ainsi l’envie de continuer la lecture pour ma part. Il n’en reste néanmoins que Jean Krug est un auteur prometteur qui propose déjà un style qui lui est propre et loin d’être dénué de personnalité. Qu’on accroche ou qu’on n’accroche pas, cela mérite la découverte.

En bref, Le chant des glaces est un premier roman peut-être trop ambitieux pour être tout à fait abouti. Pourtant, l’univers est dense et les questionnements sur la notion de liberté sont vraiment passionnants, mais le style parfois très froid et la difficile immersion dans l’intrigue diluée par quantité de sous-intrigues tendent à diminuer le plaisir de lecture. Il reste néanmoins un roman intéressant, ne serait-ce que pour la passion et l’expertise de l’auteur pour la glaciologie ou encore pour la personnalité certaine de son écriture.

Delas est une planète glaciaire dont les ressources, extraites jour et nuit par des milliers de prisonniers, alimentent en eau potable le reste de la galaxie. Mais on y trouve également le cryel, un morceau de glace aux propriétés spéciales que seuls les plus agiles des détenus parviennent à prospecter : les chanteurs.

Lorsqu’un jour, l’occasion est donnée à Bliss et Fey, chanteurs insurgés, de se libérer, ils n’hésitent pas une seconde.

Accompagnés par Nox, ancien pilote et Jennah, scientifique exilée, ils vont plonger au cœur du plus gigantesque des glaciers. Et dans les méandres de ses galeries obscures, animés par la quête folle d’un cryel parfait, c’est surtout leur propre conscience qu’ils vont explorer. Avec cette question lancinante: « Au fond, quelle liberté ? »

(Illustration de couverture: © )

D’autres avis sur la blogosphère : Fantasy à la carte pour un avis enthousiaste, Syndrome Quickson pour un avis plus mitigé…

Alcool, Mort

[Lecture n°38/72 (pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 9 de Ma lecturothèque]

* Lecture pour le challenge ABC de l’Imaginaire 2021 de Mariejuliet : lettre K *