L’étrange traversée du Saardam

Après avoir adoré ma découverte du premier roman de Stuart Turton, Les sept morts d’Evelyn Hardcastle, j’avais très envie de découvrir le second intitulé L’étrange traversée du Saardam, un roman policier et historique maritime. Publié originellement en 2020 avant d’être traduit chez Sonatine en 2022, il paraît en mars 2023 à la fois en poche chez 10/18 et en audio chez Lizzie sous une narration de Steve Driesen. C’est sous ce format que j’ai découvert de titre et voici ce que j’en ai pensé…

« L’intelligence est une force, et ils n’accepteront pas une femme plus forte qu’eux. Leur fierté les en empêchera, et leur fierté est ce qu’ils ont de plus cher.»

Un puzzle bien ficelé

Après nous avoir démontré tout son talent de tisseur d’intrigues dans son premier roman, Stuart Turton nous offre à nouveau une enquête finement menée où les suppositions seront nombreuses, tout autant que les fausses pistes, mais en nous offrant toujours suffisamment d’indices et d’éléments pour nous donner envie de mener l’enquête et d’échafauder nos théories. L’étrange traversée du Saardam offre un formidable lieu d’enquête, en huis-clos maritime, où les menaces sont nombreuses, tout autant que les protagonistes, bien que le roman limite leurs nombres par rapport à la réalité historique pour ne pas noyer l’intrigue. L’auteur manipule ses personnages comme son lectorat par un habile jeu de soupçons et revirements sans faire l’erreur de nous proposer une solution parfaitement miraculeuse. On doute rapidement de tout le monde, y compris de la réalité des faits, naviguant entre la superstition fantastique et l’explication scientifique. J’ai retrouvé le plaisir que j’avais de lire du Agatha Christie ou du Conan Doyle mais avec la capacité de trouver des réponses nous-mêmes sans que l’explication finale des enquêtrices et enquêteurs ne paraisse miraculeuses. Certains détails restent cependant cachés pour quelques rebondissements surprenants et participent au plaisir de lecture. La résolution me laisse tout de même un sentiment un peu ambivalent, admirant le puzzle dans son ensemble mais restant un peu déçue face à la claque que m’avait collé Les sept morts d’Evelyn Hardcastle.

« Les gens donnaient une voix au ciel car ils avaient quelque chose à demander : une meilleure récolte, un enfant en bonne santé ou un été plus doux. Dieu était l'espoir, et l'humanité avait besoin d'espoir de la même manière qu'elle avait besoin de chaleur, de nourriture et de bière. Mais avec l'espoir venait la déception. »

Croyances, peurs et désirs

Avec son ancrage au XVIIème siècle, Stuart Turton ne prétend pas écrire un roman historique mais propose d’aborder quelques thématiques liées à l’époque qui ne sont pas sans avoir un écho encore aujourd’hui. Il propose ainsi une histoire qui parle de religion et superstitions où la rumeur d’un démon devient autant menace pour certains qu’opportunités pour d’autres. Une magnifique plongée au coeur de la monstruosité humaine qui s’avère souvent bien pire que ce que les forces du mal pourraient ourdir. L’intrigue explore assez justement les mécanismes de la peur et de l’aveuglement et des dérives qu’elle peut provoquer. L’auteur propose également des personnages féminins intéressants qui aspirent à une vie loin du carcan imposé aux femmes, toutes à leurs manières. Si certains aspects de l’histoire prolongent malheureusement toujours l’ancrage patriarcal, proposant notamment une histoire d’amour pas forcément nécessaire, j’ai apprécié les archétypes féminins de ce roman malgré tout. On peut lui reprocher, de manière générale, des personnages qui manquent d’épaisseur ou de subtilité mais force est de constater que cela rend l’ensemble plus limpide, maintenant l’enquête au premier plan pour une lecture plus accrocheuse.

En bref, L’étrange traversée du Saardam est une très bonne enquête à ancrage historique qui ressemble à du Agatha Christie sur un navire. Plongée au cœur de la monstruosité humaine, menace d’un démon, désir d’émancipation, le roman est multiple et propose un nouveau puzzle bien ficelé qui se lit avec plaisir. 

« 1634. Le Saardam quitte les Indes néerlandaises pour Amsterdam. À son bord : le gouverneur de l’île de Batavia, sa femme et sa fille. Au fond de la cale, un prisonnier : le célèbre détective Samuel Pipps, victime d’une sombre affaire.

Alors que la traversée s’avère difficile et périlleuse, les voyageurs doivent faire face à d’étranges événements. Un symbole en lettres de sang apparaît sur la grand-voile, une voix terrifiante se fait entendre dans la nuit, et bientôt on retrouve un cadavre dans une cabine fermée de l’intérieur. Le bateau serait-il hanté, ses occupants maudits ? Aucune explication rationnelle ne semble possible. Et l’enquête s’avère particulièrement délicate, entre les superstitions des uns et les secrets des autres.»

(Illustration de couverture : ?)

[Diversité: ps nain.e, ps manchot]

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