Helstrid

En 2019, les éditions Le Bélial’ publiait la novella de Christian Léourier, Helstrid dans la collection Une Heure-Lumière, un huis-clos au coeur d’une planète inhospitalière qui a remporté un franc succès critique. Le récit est notamment lauréat du Prix Utopiales 2019 et du Grand prix de l’Imaginaire 2020 dans la catégorie Nouvelle francophone. Et voici ce que j’en ai pensé…

« La partie était perdue d’avance: il y aurait toujours plus d’étoiles que d’être humains dans l’univers.»

La beauté du péril

Helstrid est le récit d’une traversée sur la planète inhospitalière du même nom, un huis-clos au sein d’un convoi où le narrateur, seul humain à bord, dialogue avec l’IA de son transport autant qu’avec ses propres pensées. Christian Léourier prouve ici tout son talent pour tisser une ambiance et construire un univers. Le lecteur, porté par sa plume superbe, se retrouve au coeur de cette planète hostile mais néanmoins sublime. Les descriptions sont immersives à souhaits et nous ébahissent de beauté malgré le danger oppressant de cette traversée. En moins de 120 pages, Christian Léourier nous offre une planète, tout un monde à explorer sans entacher l’intrigue qui gagne en intensité de pages en pages. La tension narrative est en effet maîtrisée de bout en bout jusqu’à atteindre son paroxysme dans un final qui rejette toute facilité. Helstrid est aussi belle que périlleuse, tout comme l’est l’histoire de Christian Léourier.

« Pourtant, les hommes auront sans doute abandonné Nàma depuis longtemps, ne laissant comme traces de leur passage que ces monticules de déchets, la blessure béante de la mine à ciel ouvert, les ruines et la base abandonnée et les squelettes des machines qu’il n’aura pas été rentable de récupérer. Puis viendra le temps où ces vestiges, à leur tour, auront disparu, dispersés par le vent, dissous par les pluies alcalines. La présence humaine sur ce monde rendu à l’anonymat n’aura été qu’une brève parenthèse. »

Des réflexions existentielles

Au coeur de cette histoire qui intensifie habilement l’angoisse face aux périls de la traversée effectuée et des dangers qui viennent s’accumuler, Christian Léourier investit d’autres angoisses liées à des questions existentielles comme la peur de la mort, la peur de l’inconnu et celle de l’avenir incertain. Le narrateur, confronté au péril, va plonger au coeur de ses pensées et développer un instinct de survie abordé avec beaucoup de justesse par l’auteur. De même, c’est tout un pan d’anticipation qui se dessine au creux de cette histoire. Mon seul regret au sein de cette pépite? Une vision très hétérocentrée dans le fonctionnement des IA. Dommageable quand tout le reste est d’une telle qualité. Mais c’est vraiment le seul bémol que j’ai à soulever. J’ai apprécié le voyage, j’ai adoré l’exploration autant psychologique que planétaire et je suis définitivement admirative de la plume de Christian Léourier.

En bref, Helstrid est un excellent cru de la formidable collection Une Heure-Lumière. C’est un planet opera aussi sublime qu’oppressant qui nous plonge admirablement au coeur de l’inconnu comme au coeur de nous-mêmes.

« Certains mondes ne sont pas faits pour l’humanité : Helstrid est de ceux-là. Des températures de -150 °C ; des vents de 200 km/h ; une atmosphère toxique. Pourtant, la Compagnie tient à exploiter ses énormes ressources en minerai, appâtant les volontaires à l’exil à grand renfort de gains conséquents. Des hommes et des femmes à l’image de Vic, qui supervise le travail de prospection et d’exploitation des machines. Un job comme un autre, finalement, et qui vaut toujours mieux que d’affronter son passé laissé sur Terre… Jusqu’à ce que le porion soit contraint d’accompagner un convoi chargé de ravitailler un avant-poste à plusieurs centaines de kilomètres de la base principale. Un trajet dangereux, mais les IA sont là pour veiller à la bonne marche des véhicules suréquipés et à la protection du seul humain embarqué. Dans pareilles conditions, tout ne peut que se passer au mieux…»

(Illustration de couverture: © Aurélien Police)

[Lecture n°42/60 (pour l'échelon 4) pour le Challenge de Littérature de l'Imaginaire édition 8 de Ma lecturothèque]