Dragon

Je vous parle régulièrement de la collection Une Heure-Lumière des éditions Le Bélial’ dont j’aimerai lire, progressivement, tous les titres. Parmi ceux qui manquent à ma collection, il y avait le tout premier titre, Dragon, de Thomas Day (alias de Gilles Dumay) paru en 2016. À la suite de l’enthousiaste chronique de Céline sur son blog Au pays des cave trolls, j’ai décidé de me le procurer pour l’opération Hors-série UHL 2020. Et voici ce que j’en ai pensé…

"Cette ville est pourrie jusqu'à la moelle, c'est la carcasse aplatie d'un chien rongée par les vers. Il ne veut plus mordre depuis longtemps, mais ses miasmes vous tuent à petit feu. C'est comme si on vous enfonçait dans la gorge un court tuyau d'arrosage relié au rectum d'un mort." 

Ça pue le sang, le vice et la merde

Dès les premières pages de Dragon, l’ambiance suffocante et viciée du Bangkok de Thomas Day vous prend aux tripes. L’écriture est incisive, viscérale et nous projette dans une Thaïlande du vice et de l’horreur qui ne s’épargne pas la violence. Parfois oppressante, parfois trash, la novella est pour un public averti et prêt à encaisser, d’autant qu’elle s’intéresse à l’aspect pédophile du tourisme sexuel en Asie. Vous voilà prévenus. Cette novella a un style qui claque, qui vibre, qui pue le sang, la sueur, le vice et la merde et qui marque les esprits. Thriller haletant et discrètement futuriste, Dragon est un récit à l’ambiance très travaillée, de celle qui colle à la peau. Attention cependant, de tous les sujets abordés, l’un est pour moi évoqué de manière maladroite. En effet, parler des ladyboys thaïlandaises avec parfois des pronoms masculins et en se concentrant sur l’absence ou non de pénis m’a personnellement gêné. Ayant côtoyé ces femmes lors de mon long séjour dans le pays je peux affirmer qu’elles ne se considèrent jamais au masculin. J’ai malgré tout adoré la novella, mais sachant que cela pourra déranger une partie de celleux qui me lisent, je pense qu’il était nécessaire de soulever ce point. 

"Dragon va commettre des crimes terribles et ne peut pas être attrapée, jamais, c'est à ce seul prix que ses crimes auront un sens (le mal par le mal). L'impunité est un serpent et ce soir le serpent va se mordre la queue."

Une construction narrative originale et captivante

Thomas Day s’amuse avec l’ordre de la narration dans cette novella en nous proposant des chapitres désordonnés, commençant par le 17ème et ne présentant le 1er qu’en dernière partie d’ouvrage. Sauts dans le temps, alternances de protagonistes, révélations en plusieurs temps et plusieurs points de vue, Dragon est une novella à la construction originale qui captive et fascine. L’auteur nous déstabilise, nous secoue, tant par sa plume évocatrice que par ce rythme particulier. La novella exerce ainsi une forme de fascination, fascination renforcée par le personnage de Dragon, tueur d’une violence rare mais aussi justicier d’un monde chaotique et vicié. Tout y est nuances, tout y est puissance. On ne sort pas indemne de cette lecture.

En bref, hormis un sujet que j’ai trouvé abordé avec maladresse et qui aura légèrement entaché mon enthousiasme à la lecture, Dragon est une grande novella. Le style de Thomas Day claque, sa plume est acérée, son style viscéral. On parcoure une Thaïlande qui pue le sang et le vice, dans un futur proche qui ne résout en rien les atrocités de notre présent mais semble même les accentuer. Un texte violent et puissant qui marque les esprits. C’était une sacrée entrée en matière pour une collection exceptionnelle !

« Bangkok. Demain.

Le régime politique vient de changer.

Le dérèglement climatique global a enfanté une mousson qui n’en finit plus.

Dans la mégapole thaïlandaise pour partie inondée, un assassin implacable s’attaque à la facette la plus sordide du tourisme sexuel. Pour le lieutenant Tannhäuser Ruedpokanon, chargé de mettre fin aux agissements de ce qui semble bien être un tueur en série, la chasse à l’homme peut commencer. Mais celui que la presse appelle Dragon, en référence à la carte de visite qu’il laisse sur chacune de ses victimes, est-il seulement un homme ? »

(Illustration de couverture : © Aurélien Police)

[Diversité: pp asiatique - thaï, ps asiatique - thaï, ps trans]

Amputation, Drogue, Fusillade, Meurtre, Pédophilie, Torture

D’autres avis sur la blogosphère : Au pays des cave trolls, Un bouquin sinon rien, L’ours inculte, Albédo, La bibliothèque d’Aelinel, L’épaule d’Orion, Elhyandra, Dragon galactique, Le culte d’Apophis, Les lectures du Maki, Nevertwhere

[Lecture n°14/72 (pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 9 de Ma lecturothèque]