Dernières fleurs avant la fin du monde

Faisant partie des présélectionnés du Prix Littéraire de L’Imaginaire Booktubers App 2019, et de ma sélection des 20 titres pour le premier vote, j’ai été ravie de voir Dernières fleurs avant la fin du monde parmi les ebooks gracieusement offerts par les maisons d’éditions pour les membres du jury du PLIB. Ce roman d’anticipation écrit par Nicolas Cartelet est édité chez Mü éditions, et voici ce que j’en ai pensé…

[NB : Merci aux éditions Mü pour ce partage très généreux dans le cadre du #PLIB2019 -  #ISBN9782490239023 #ISBN:9782490239023 ]

" On avait su trafiquer l'or jaune pour qu'il résiste à tout, au vent, aux gelées nocturnes, au crachin triste des jours gris. On n'avait pas jugé utile de nous trafiquer nous, petits porteurs transis de froid et de chagrin, jusqu'au bout."

Anticipation écologique et impuissance de l’homme

Nicolas Cartelet propose ici un roman d’anticipation assez plausible qui se base sur l’effondrement écologique et ses conséquences. Et même si l’environnement dans lequel se déroule cette histoire est plus que restreint, freiné par l’impossible déplacement de notre narrateur dans un monde où les voitures, et surtout l’essence, sont une denrée extrêmement rare, c’est tout l’effondrement du monde dans sa globalité qu’on nous suggère. L’homme doit remplacer les abeilles disparues pour assurer sa survie, le confort a disparu, et la misère est partout. L’effondrement est donc aussi sociétal, obligeant les majorités appauvries à se tuer à la tâche pour être payées en pommes de terre. Et cela n’est possible qu’avec des populations contraintes et serviles, dont toute notion d’éducation finit pas disparaître. Mais au fond des cœurs, déjà, la colère gronde. Nicolas Cartelet propose donc ici un univers réaliste, qui ne se dévoile qu’à hauteur d’un homme, qui, tel un héros de conte, ne représente pas l’ensemble mais poursuit sa propre quête. Cependant, j'aurai bien aimé que les causes de cet effondrement, et la rapidité avec laquelle la société l'a intégré dans ses nouvelles moeurs (en une génération), soient quelque peu explicitées. Enfin, l’auteur met également en avant l’impuissance des hommes, sur plusieurs plans, ces hommes qui perdent peu à peu ce qui les caractérisent en tant qu’humain, certes, mais aussi tout simplement en tant qu’homme. S’engage alors une lutte contre l’impuissance qui semble perdue d’avance.

" Nos rêves étaient restés coincés entre les coussins du grand canapé, on n'avait rien emporté avec nous."

Des moments suspendus

Mais loin de se centrer uniquement sur la société et l’écologie de son univers, Nicolas Cartelet propose presque un double-récit, comme les deux vies d’Albert, à travers les rencontres avec un personnage fort atypique : Madame Apolline. Les passages avec elle m’ont donné l’impression de moments hors-du-temps, comme des instants suspendus où le reste du monde s’éloigne pour ne laisser que poésie et rire au milieu d’un univers en perdition qui suinte la misère et la colère. Et les particularités d’Apolline en font un être assez passionnant à découvrir, évoquant une Alice au pays de la fin du monde, émerveillée de tout et imaginative. Ces beaux moments assez intrigants et inattendus dans un tel univers sont des respirations poétiques. Ils donnent à la plume déjà fort élégante de l’auteur, une dimension plus envoûtante. On comprend l’émerveillement d’Albert, on comprend les peines d’Apolline, on comprend l’émotion qui, normalement, dans un monde où chacun s’isole dans son chagrin, n’a plus sa place. J’ai beaucoup aimé cet aspect ! Mais ce roman n’est pas un coup de cœur pour autant, car je reste assez frustrée de ne pas avoir vu l’univers plus creusé, ainsi que la relation avec Manon qui me semble trop survolée pour être appréhendée dans toute sa dimension dramatique.

En bref, Dernières fleurs avant la fin du monde est non seulement une dystopie d’anticipation écologique, mais aussi une sorte de conte poétique et mélancolique hors-du-temps. Un court roman étonnant et touchant avec lequel j’ai passé un formidable moment.

"Un futur sans abeilles, étouffé dans la grisaille de gigantesques latifundia. Un futur où l’humanité se meurt, privée de descendance.
Albert, journalier agricole, répand le pollen à la main. Manon, sa compagne engagée à l’usine, sombre peu à peu dans la folie. Et dans la morosité du quotidien, une lueur, Apolline sous les cerisiers… les dernières fleurs avant la fin du monde."

(Illustration de couverture: © Jean-Emmanuel Aubert)

Trailer du livre: