11

Jessica Lefèvre est une jeune autrice belge dont je vous avais déjà fait découvrir les deux premiers livres, des recueils de nouvelles au format ultra court, Histoires de poche et 65 ans et plus… Lorsqu’elle m’a proposé la découverte de son premier roman, publié chez Acrodacrolivres et intitulé 11, c’est bien entendu avec enthousiasme que j’ai accepté! Voici donc mon avis sur ce titre énigmatique…

[NB: Un tout grand merci à Jessica pour sa confiance sans faille et pour sa gentillesse!]

Une construction efficace 

Que se cache-t-il derrière ce titre? 11 est un roman court (138 pages), comportant 11 chapitres, chacun suivant un protagoniste. Ces personnages, qui au premier abord ne se connaissent pas, vont tous s’entrecroiser. Du coup, le roman se construit comme un assemblage de récits de vie tous liés ensemble ce qui permet de retrouver la maîtrise du format court de l’autrice mais aussi de nous rendre accroc au roman par l’envie de découvrir le lien entre chaque micro-histoire. Le rythme de lecture est donc assez intense, renforcé par des chapitres assez courts et une plume fluide et moderne. Ma seule réticence venait du fait que je craignais de ne pas retrouver un vrai roman dans ce découpage. Mais finalement ce sont plusieurs fils conducteurs qui se croisent et donnent à l’ensemble un aspect très unifié. Cette construction se base sur les coïncidences de l’existence et nous porte aussi à réfléchir sur les causes et conséquences de nos actes. Cette alternance permet en plus d’alterner les sujets et les styles de récit avec une belle finesse. Jessica Lefèvre aborde ainsi des thèmes lié à l’amour, au harcèlement scolaire, aux pervers narcissiques, à l’addiction, ou encore au courage et à l’abandon de tout espoir. On ne s’ennuie pas un seul instant et cet excellent premier roman se dévore d’une seule traite.

« Elle n’a jamais été aussi belle qu’en cet instant, dans mes souvenirs que je garderai à jamais et que personne ne pourra désormais plus m’enlever. »

Comme un léger goût de trop peu

Cette alternance géniale a un inconvénient: certaines histoires, qui nous touchent plus que d’autres, sont trop rapidement finies et nous laissent un peu orphelins à la fin du chapitre qui y est lié. On a envie parfois de poursuivre avec le personnage, de savoir ce que l’avenir lui réservera et ce recommencement infini nous laissent parfois sur des conclusions ouvertes légèrement frustrantes. Heureusement, cette frustration est vite oubliée par la découverte d’une nouvelle histoire de vie avec la promesse de nombreux rebondissements que l’autrice maîtrise à la perfection. Et malgré le format assez court de l’ensemble, et de chaque récit, j’ai ressenti de réelles émotions et développé un véritable attachement pour certains personnages, notamment Léa et Pauline, Julia ou encore Emilie. Certains récits m’auront bien entendu accroché plus que d’autres, mais l’ensemble bien cohérent m’aura finalement complètement convaincue. J’ai envie de lire Jessica Lefèvre dans des récits de plus grande envergure, sur des histoires peut-être moins dans l’esprit court de 11, car ce que j’avais déjà décelé dans les recueils de nouvelles, à savoir sa qualité de conteuse, est ici si prégnante que je regrette presque de ne pas avoir lu un roman entier sur un seul de ses protagonistes. Le format est en tout cas ici assez étonnant et permet une belle mise en valeur de sa plume ultra moderne et vive.

« J’étais à l’image même des cadavres de bouteilles à mes pieds, complètement vidée. Une épave dont le sauvetage s’avérerait risqué, voire totalement impossible. » 

En bref, 11 est un très bon premier roman, certes un peu court, mais qui nous embarque dans onze récits de vie qui s’entrecroisent et s’influencent dans un rythme effréné. 

« Onze chapitres. Onze histoires qui peuvent être lues séparément mais qui, lues les unes à la suite des autres, forment un tout. Des personnages qui ne se connaissent a priori pas du tout. Et pourtant… Leurs chemins vont subitement se croiser à cause d’un banal accident de la route dont ils seront témoins et à la suite duquel leur vie va chavirer d’une façon irréversible vers une destinée qui leur sera fatale.»

(Couverture : © Stephen Burnett)