Nous sommes la voix de celles qui n’en ont plus

Annoncé pour le 27 août prochain aux éditions Actes sud BD, Nous sommes la voix de celles qui n’en ont plus est une bande-dessinée retraçant l’histoire du mouvement des collages féministes. Elle est écrite par Paola Guzzo d’après l’enquête qu’elle a réalisé avec Romane Pellen et illustrée par Cécile Rousset. La BD est également composée de nombreux témoignages de personnes impliquées dans le collectif. J’ai eu la chance de recevoir ce titre en avance et voici ce que j’en ai pensé…

Le récit sincère d’une lutte

Cette BD retrace l’histoire du mouvement des collages féministes depuis ses origines jusqu’à aujourd’hui, en passant par les scissions internes, les débats, les changements ou encore la période très particulière du confinement. J’avais, je l’avoue, quelques craintes concernant ce récit puisque ce collectif a été initié par une certaine Marguerite Stern qui, depuis, a très très mal tourné (pour être polie). Heureusement, très vite, les autrices nous expliquent avec clarté qu’elles ne vont pas cacher la place qu’elle a eue dans cette création, mais elles évoquent aussi ses dérives réactionnaires auxquelles elles n’adhèrent pas, ni même le collectif. Tout de suite, la BD est sincère et honnête. Elle ne cache rien. On y parle des risques encourus lors des collages, notamment avec la police, du burn-out militant de certaines, les débats qui ont fait rage (notamment avec leur créatrice), les difficultés... Mais ça reste avant tout l’histoire d’une lutte formidable qui révèle les failles terribles de nos sociétés, la force du collectif, l’adelphité, l’inclusivité et l’intersectionnalité qui caractérisent aujourd’hui le mouvement des collages. Cette histoire parle aussi de la libération de la parole concernant les violences faîtes aux femmes et aux minorités et de l’importance de cette parole pour faire advenir des changements au niveau de la société dans son ensemble.

Donner la parole aux concernées

L’enquête des autrices laisse beaucoup de place aux témoignages directs des personnes qui ont été ou sont impliquées dans le collectif, dans un respect, cohérent avec le mouvement, de leur parole et une mise en avant juste de ce qui les anime. Il en ressort un récit passionnant, très intéressant, à la fois pour les réflexions qu’il amène sur les luttes contre les violences faites aux femmes et aux minorités que sur la désobéissance civile. Il explore avec justesse tout le positif qui peut ressortir du collectif, tout comme ses failles et ses changements nécessaires. Devenu mondial, très identifié et remarqué, le mouvement des collages féministes a eu un impact fort sur la société. Il invite la parole des victimes, des femmes, des minorités opprimées, dans la rue. Il leur donne corps et visibilité dans une société qui les invisibilise. Ce récit rend hommage à cette lutte et rappelle par la même occasion que tout mouvement, tout collectif, se doit aussi de savoir se remettre en question pour favoriser une inclusivité toujours plus forte. Ce qui est aussi très bon avec cette bande-dessinée, c’est qu’elle n’est ni un plaidoyer pour ou contre le mouvement, elle retrace juste les faits, avec une vision en interne du collectif. J’ai également beaucoup aimé son esthétique épurée, à l’image des collages, qui reprend parfois en illustration des photographies d’archives du mouvement. Je n’ai qu’un seul gros point négatif à soulever : la police d’écriture à main levée. Je la trouve parfois difficile à déchiffrer et je crains qu’elle en freine certaines et certains dans la découverte du récit. Un peu dommage pour l’histoire d’un mouvement qui cherche de plus en plus à être inclusif d’exclure probablement une partie du lectorat par ce choix.

En bref, j’ai adoré Nous sommes la voix de celles qui n’en ont plus. À la fois complet et honnête, ce récit ne cache rien et exprime avec honnêteté la complexité comme la force d’une lutte désormais mondiale, les scissions et changements de cap des collages ainsi que le possible burn-out militant. La BD exprime avec brio comment la parole se libère face aux violences faites aux femmes et aux minorités pour pallier aux failles de la société à leur égard. Un seul regret : une police d’écriture parfois difficile à lire.

« Fin août 2019, une militante propose sur les réseaux à des inconnues de se réunir pour un premier collage
collectif contre les féminicides, sur les murs de Paris.
En quelques semaines, le mouvement s’étend comme une traînée de poudre.»

(Illustration de couverture & extraits : © Cécile Rousset)

- Livre reçu en service de presse. Publication non rémunérée. Merci aux éditeurs. -