Corrosion

Premier roman de l’américain Jon Bassoff, Corrosion est paru en 2013 chez DarkFuse puis traduit en français, cette année, chez Gallmeister dans la collection Neonoir. Comparé par l’éditeur à un mix de Quentin Tarantino (Hateful Eight, Boulevard de la mort, …) et Chuck Palahniuk (auteur du roman Fight Club notamment), ce petit roman noir attire le regard des amateurs de thrillers. Mais mérite-t-il ces références? 

Noir c’est noir (voir très noir). Tout commence par une couverture très épurée et tout de noir vêtue qui m’interpelle, puis vient un résumé qui promet une histoire haletante susceptible de beaucoup me plaire et enfin des références qui me parlent complètement. Et finalement, je ne sais pas vous dire si j’ai adoré ce roman ou pas. Une chose est certaine, il m’a troublé, ne m’a aucunement laissé indifférente, mais j’en reste perplexe, sans trop savoir l’expliquer. 

« […] en chemin, une demi-douzaine de prisonniers nous rejoignirent, leurs yeux perçants et mauvais. Mais personne ne me fit la moindre remarque, personne, parce que mon visage était monstrueux et que même le diable peut avoir peur. »

Avant toute chose, il est essentiel de vous dire que la quatrième de couverture n’est pas vraiment adaptée à l’histoire réellement proposée. Ne vous attendez pas, comme moi, à une espèce de rythme endiablé, voir de meurtres en série. Ici, c’est totalement différent, jouant plus sur l’installation d’une ambiance oppressante comme dans un huis-clos comme les aime Tarantino. C’est certainement pour cette raison que j’ai été désarçonné par ce récit qui ne correspondait pas à ce que je pensais trouver. Mais je n’ai pas pour autant été déçue. Autre chose perturbante: la mise en page. Il m’a fallu du temps pour m’habituer à cette idée de ne pas différencier les dialogues de la narration, ce qui fut complexe vu que le narrateur est à la première personne qui plus est. 

« Et pendant l’heure qui suivit, ou plus, je bus root beer sur root beer jusqu’à avoir mal au ventre et, de temps à autre, elle jetait un regard dans ma direction et pendant un instant les choses n’étaient pas si pourries et je ne pensais plus à la maladie de Maman et aux rats de Papa et à ma vie. » 

Malgré toutes ces « perturbations », auxquelles s’ajoute le récit lui-même, très étrange, envoûtant et dérangeant à la fois, j’ai dévoré les pages avec passion et intérêt. Oui, c’est un roman noir, et oui, les références à Fight Club, Tarantino ou David Fincher ne sont pas volées. Côté histoire, j’ai senti de très loin le retournement de situation, mais j’ai aussi le sentiment que c’était voulu de la part de l’auteur, qui cherchait plus à faire un portrait sombre et à installer une ambiance bien maîtrisée et originale qu’à faire une histoire à surprises.

« Un marginal, hein?

Vétéran. Irak.

Ben merde, ça me surprend pas, tu vois. Vietnam, moi. Me suis pris une balle dans le cul. La pire vérité . »

Le langage est cru, le contenu aussi. Jon Bassoff n’a pas fait dans la dentelle et c’est tant mieux. Ainsi, l’ambiance et les mots sont parfaitement assortis. Vous serez certainement légèrement perdus au début de l’histoire, comme je l’ai été, mais c’est aussi ce qui vous donnera envie de poursuivre plus avant la lecture, pour comprendre où l’auteur veut nous emmener. 

En bref, Corrosion est un premier roman noir intéressant, intriguant, qui perturbe et qui dérange mais qui a des qualités indéniables qu’apprécieront les amateurs du genre. Par contre, si ce n’est pas du tout mon genre littéraire privilégié, vous risquez d’avoir du mal à entrer dans l’univers…

« Un vétéran d’Irak au visage mutilé tombe en panne au milieu de nulle part et se dirige droit vers le premier bar. Peu après, un homme entre avec une femme, puis la passe à tabac. L’ancien soldat défiguré s’interpose, et ils repartent ensemble, elle et lui. C’était son idée, à elle. Comme de confier ensuite au vétéran le montant de l’assurance-vie de son mari qui la bat. Ce qu’elle n’avait pas réalisé, c’était qu’à partir de là, elle était déjà morte. »