Le Pic des ténèbres

Paru en 1989 chez la maison d’édition anciennement appelée Duculot dans feu leur collection Travelling vers le futur, Le Pic des ténèbres est le premier (et l’un des deux seuls) roman de Roger Leloup, auteur belge à l’origine de la série de bande dessinée Yoko Tsuno dont on retrouve le style de dessin sur la couverture. Tome unique paru pour la jeunesse, ce roman de science-fiction a été récompensé du Grand Prix de l’imaginaire, catégorie roman pour la jeunesse, en 1990, et voici ce que j’en ai pensé…

« C’est cela les hommes…? Oh! Suprêmes Lumières, qu’ils sont méchants et vulnérables! »

Un univers très riche

Pour ceux qui ne connaissent pas Roger Leloup et son oeuvre Yoko Tsuno, sachez que le monsieur a une grande imagination en matière de science-fiction et c’est toute sa patte que l’on retrouve dans Le Pic des ténèbres avec une histoire très riche à base d’androïdes, de voyages spatio-temporels et de technologies futuristes. L’originalité c’est que cela se passe sur fond de Moyen-Âge et d’obscurantisme. C’est un vrai ouvrage de SF qui, même s’il est censé être destiné pour les 12/13 ans, est si riche qu’il conviendra au lecteur adulte. J’ai grandement apprécié le fait que l’ensemble de cet univers soit si visuel, tant les descriptions, notamment dans le vaisseau, sont pointues. Malgré l’absence d’illustration avec lesquelles il compose habituellement, Roger Leloup parvient à nous faire saisir les éléments qui composent cette histoire. Il y a également une grande richesse dans les idées qui sont abordées. L’histoire se plaçant sur fond de Moyen-Âge, les questions de religions, de la place des femmes, et de la science sont forcément au centre de l’aventure de notre androïde aux allure féminines et au savoir immense. L’auteur interroge aussi la soif de pouvoir des hommes, leurs peurs et leur méchanceté, mais aussi leur vulnérabilité. Mais à vouloir trop aborder de choses, l’histoire m’a paru parfois un peu floue, et sous certains aspects, pas assez développée. En 310 pages, beaucoup d’éléments sont apportés sans être résolus ou pleinement utilisés, comme le voyage temporel notamment. Du coup, c’est assez frustrant, et ça empêche également l’immersion. J’ai eu le sentiment d’avoir affaire à un tome 1 dont la suite ne serait jamais parvenue à être publiée tant de nombreux aspects de l‘intrigue ne sont pas conclus ou utilisés. Cette densité d’informations, mais ce manque de développement, donne une apparence bâclée à un récit qui ne l’est pas, mais aussi une certaine lourdeur qui m’auront fait traîner ces 310 pages sur presque une semaine…

« Ma logique me dicte de te tourner le dos, à présent que j’ai pris de toi ce qui me sera utile… Mais je pressens que ton absence ouvrirait un trou bien sombre dans ma logique de sensibilité.»

Des personnages intéressants et un style particulier

Outre la densité du contenu, c’est aussi dans le style que le roman démontre une grande richesse avec un vocabulaire recherché et des formulations qui pourront peut-être apparaître comme datées ou empruntées à un lecteur ado aujourd’hui. Ce style, un peu particulier, donne au récit une certaine lenteur malgré des rebondissements incessants et de nombreux évènements. Je n’ai pas ressenti l’action à la lecture et cela a contribué au temps infini que j’ai mis pour le lire. Cependant, je n’ai pas voulu abandonner ce roman parce que j’ai eu un certain attachement aux personnages et notamment à Tyo, l’androïde et à Ambre l’humaine. J’aime énormément ces histoires où les mécaniques s’humanisent sans toutefois devenir complètement humaines. Je regrette que cette évolution ait été un peu rapide pour moi dans le récit, puisque j’en attendais beaucoup, mais j’ai malgré tout apprécié la relation de ces deux protagonistes qui se ressemblent finalement plus qu’il n’y paraît. L’histoire elle-même, est assez intéressante et contient de nombreuses bonnes idées. Et tout comme Tyo, on ne sait plus qui croire et que croire tant les rebondissants de l’intrigue se multiplient. C’est assez frustrant de quitter cet univers où un goût de trop peu nous reste au final. Je pense malgré tout qu’avec moins d’éléments et quelques pages en moins, Roger Leloup aurait pu gagner en légèreté et en fluidité.

En bref,  Le Pic des ténèbres ne m’aura pas pleinement convaincue à cause d’une densité trop importante et un style un peu daté, mais l’univers est si riche et les idées de Roger Leloup si envoûtantes que je ne regrette absolument pas de l’avoir découvert sur un autre format que la BD et avec un autre personnage que Yoko Tsuno.

« Au coeur de la nuit médiévale, l'androïde Tyo débarque sur la planète et prend l'apparence d'une jeune fille. Sa mission: retrouver la trace d'un autre androïde, envoyé autrefois sur terre. Sur sa route, elle va rencontrer le Prince des Lumières et bien d'autres personnages inquiétants. »

(Illustration de couverture : © Roger Leloup)