A la croisée des mondes. Tome 1, Les Royaumes du nord

Alors que le premier tome tant attendu de la nouvelle trilogie de Philip Pullman vient de paraître, j’ai décidé de faire durer l’attente et le plaisir en relisant d’abord la trilogie initiale, A la Croisée des mondes via mon édition intégrale illustrée datant de 2007 et publiée chez Gallimard jeunesse. Je vais relire chacun des livres en faisant des pauses entre chacun en commençant donc avec Les Royaumes du nord, publié initialement en 1995 puis en français en 1998. Voici donc mon avis…

J’ai déjà lu, re-lu et re-re-lu de nombreuses fois cette trilogie durant ma jeunesse, mais cela faisait sans doute 10 ans que j’avais abandonné l’espoir d’une nouvelle histoire dans cet univers et donc que j’avais laissé un peu de côté A la croisée des mondes. La sortie de La Belle sauvage a été l’excuse parfaite pour une relecture et c’est donc avec un plaisir intense et empreint de nostalgie que je me suis replongée dans Les royaumes du nord pour y retrouver toutes mes sensations d’enfant. Il est difficile d’en dresser une critique plus ou moins objective quand un livre vous a accompagné toute votre adolescence, mais je vais essayer… 

« Tony ne ressortira jamais de cet endroit, du moins, pas par cette porte ; et il ne reverra jamais sa mère. Cette dernière, pauvre créature avinée, pensera qu’il a fait une fugue, et chaque fois qu’elle se souviendra de lui, convaincue qu’il est parti à cause d’elle, elle pleurera toutes les larmes de son coeur brisé. »

Un univers fascinant

Les Royaumes du nord nous invite dans un univers fantastique très proche du notre, un univers parallèle où magie et créatures imaginaires s’insèrent parfaitement dans nos villes et notre histoire. La mythologie de ce monde ressemble beaucoup au nôtre, les textes religieux sont sensiblement les mêmes, etc.. L’imaginaire de l’auteur est fin et envoûtant, et l’invention des daemons représentant en quelque sorte l’âme des humains sous une forme animale est ce qui me passionne le plus. Je me souviens m’être souvent demandé, enfant, quel pourrait être la forme définitive de mon daemon. Cet univers est épatant à découvrir et les regards qu’il permet sur la science et la religion sont passionnants. Philip Pullman en questionne les travers et les fondements sur une opposition entre l’innocence de l’enfance et la menace des adultes aveuglés par leur quête de pouvoir. L’enfance est en effet sur un piédestal dans Les Royaumes du nord, le courage, l’insouciance et la pureté des enfants s’oppose souvent à la cruauté des adultes, mais ce qui est magistral, c’est que ceci n’est pas généralisé avec la présence d’adultes bons, mais qu’il convient parfois de guider contrairement aux enfants qui agissent à l’instinct. Celle qui porte l’étendard de l’enfance c’est bien sûr Lyra, jeune héroïne sacrément maligne, parfois agaçante mais aussi très très attachante. Elle oscille parfaitement entre des moments de maturité et d’intelligence et des moments de peur et de doutes propres à son jeune âge. Je n’avais rien oublié d’elle ni de Pantalaimon, son daemon. Et même si mon coeur, côté personnage, bat toujours pour Iorek, l’ours en armure, Lyra reste une héroïne que je garderai en mémoire.

« De grands rideaux de lumière douce, qui semblaient descendre du ciel lui-même, tremblotaient dans l’atmosphère. Vert pâle et rouge rosé, aussi transparents que l’étoffe la plus fragile, d’un carmin profond et enflammé tout en bas, tels les feux de l’Enfer, ils se balançaient et scintillaient librement, avec davantage de grâce que le plus talentueux des danseurs. »

Une plume sublime et une épopée haletante

Côté histoire, bien que suivant un schéma assez classique (l’enfant orpheline et élue, une quête dont l’avenir du monde dépend, des obstacles récurrents, etc.) l’épopée de Lyra est passionnante et ne manque pas de rebondissements. On est très loin d’un tome introductif, c’est très riche en actions et en intensité dramatique! Son aventure nous permet de découvrir le fantastique univers de Philip Pullman et la fin, haletante, ne peut que donner envie de poursuivre sur le tome 2. Léger regret sur un événement final (sans spoiler) qui aurait mérité un peu plus d’intensité car il est traité de façon si rapide que l’émotion qu’il devrait susciter n’a pas le temps de se développer. Je trouve cependant, avec le recul, que le début est un peu long et complexe, nous présentant une grande quantité d’informations à intégrer sans qu’on ne puisse les comprendre, tout comme Lyra, car elles ne trouveront une explication que plus tard. Niveau complexité d’ailleurs, Philip Pullman a un style d’écriture que je trouve fantastique mais qui pourrait rebuter un jeune lecteur non familier avec les livres en général. Avec une plume riche et très littéraire, le style des Royaumes du nord est très travaillé et d’une grande qualité. Je me rappelle qu’à ma première lecture (à 9/10 ans), je m’accompagnais d’un dictionnaire pour saisir au mieux le message de l’auteur. Cela ne m’avait pas freiné mais je peux comprendre qu’il gênera d’autres lecteurs jeunes et moins patients que moi dans la découverte du monde fabuleux des mots. 

En bref, Les Royaumes du nord est une formidable introduction à l’histoire de Lyra, riche en actions, qui nous dévoile un univers fascinant sous une plume d’une grande richesse. A conseiller à tous adultes, adolescents ou enfants dès 11 ans. Un classique de littérature jeunesse pour moi! Entre parenthèses, pour découvrir l’univers, évitez le film qui en été fait et qui manque cruellement d’âme.

« Pourquoi la jeune Lyra, élevée dans l'atmosphère confinée d'une prestigieuse université anglaise, est-elle l'objet de tant d'attentions ? De quelle mystérieuse mission est-elle investie ? Lorsque son meilleur ami, Roger, disparaît, victime des ravisseurs d'enfants qui opèrent dans tout le pays, elle n'hésite pas à se lancer sur ses traces...

Un périleux voyage vers le Grand Nord, périlleux et exaltant, qui lui révèlera ses extraordinaires pouvoirs et la conduira à la frontière d'un autre monde.»

(Couverture : © 2007 New Line production inc.)

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