L'Hôtel

Publié le 4 octobre dans la collection Horizons noirs des éditions Mirobole, L’Hôtel est le dernier roman de Yana Vagner. Mais si, rappelez-vous, il s’agit de l’autrice russe qui m’avait procuré un formidable coup de coeur avec son premier roman Vongonzero (et presque tout autant convaincue avec sa suite Le Lac). Cette fois-ci, point de fin du monde en vue mais un huis-clos dans un hôtel coincé par la glace et la neige…brrrr. Et voici mon avis…

« Et cet endroit, ces pièces et ces couloirs, les têtes accrochées aux murs et la glace dehors, c’est un piège. Un purgatoire. On ne nous laissera pas sortir d’ici tant que nous ne nous serons pas repentis pour tout ce que nous avons fait. »

Dix petits russes (enfin 9 et un Européen de l’ex-bloc soviétique ^^)

Tout commence avec 9 russes, très proches les uns des autres, qui se retrouvent en vacances dans un hôtel isolé de tout, en pleine montagne, avec un régisseur d’hôtel étranger. Mais l’un d’entre eux est tué le premier soir, et les éléments empêchent les résidents de l’hôtel de contacter qui que ce soit, ou simplement de le quitter. Un huis-clos qui n’est pas sans évoquer Agatha Christie, où chacun peut être coupable, tous ayant des raisons d’être passé à l’acte et des choses à cacher. Le genre de situation qui détruit toutes les carapaces, qui bouleverse les relations et les certitudes. C’est dans ce climat inhospitalier que la talent de Yana Vagner dans le travail sur la psychologie des personnages prend toute son ampleur. D’une grande justesse quand à l’analyse des comportements humains, l’auteur nous propose de comprendre ces russes un peu étranges, de plonger dans leurs histoires respectives pour en conclure qu’aucun n’est bon ou méchant, que tous sont capables du pire, mais aussi du meilleur. Avec une plume parfois piquante et cynique, elle moque les comportements de ses contemporains, mais les décrit aussi avec beaucoup de finesse et de tendresse. C’est savoureux! Le tout bien sûr dans une ambiance glaciale, sombre, alcoolisée (aaaah ces russes!) et tendue. 

« Une solitude en toute impunité vous poussait à des actes auxquels vous auriez été incapable de vous résoudre en d’autres circonstances. »

Une lecture exigeante

Si j’ai beaucoup de bien à dire de L’Hôtel, je veux aussi nuancer et prévenir. Attention donc, pour ceux qui y cherchent un roman plein d’actions, passez votre chemin. L’Hôtel est un huis-clos au rythme très lent, adapté à la situation évidemment, mais qui ne vous entraînera pas forcément par des rebondissements incessants ou des actions intenses (un peu comme Le Lac finalement). N’attendez pas non plus un roman hautement angoissant, le rythme est posé je vous le disais, aussi ne soyez pas surpris. Il s’agit surtout d’une analyse fine de la psychologie humaine, tout en nous maintenant en haleine sur l’identité du coupable et en nous trompant à plusieurs reprises à son propos. Sachez aussi que l’écriture intense de Yana Vagner peut en dérouter certains. Elle est très riche, très travaillée et demande une certaine concentration. Il ne s’agit pas d’un thriller de « divertissement » mais d’un thriller littéraire. Accrochez-vous enfin lors des 50 premières pages où les noms des personnages se mélangent un peu dans l’esprit du lecteur. Mais tous ces « efforts » en valent la peine car le roman est bon et d’une grande justesse.

En bref, L’Hôtel est un huis-clos à l’ambiance bien particulière, d’une grande finesse dans la psychologie des personnages. Mais c’est aussi une lecture un peu exigeante qui demande de s’accrocher malgré un rythme assez lent.

« Dans la neige, une femme tente de regagner le chalet où elle voit ses amis boire et discuter tranquillement. A deux doigts de la porte salvatrice, elle trébuche et se fait poignarder. Ce n’est que le début d’un huis-clos angoissant dans un « Hôtel » situé en altitude et accessible en seul téléphérique. Neuf Russes – quatre hommes, cinq femmes – membres d’une équipe de tournage s’y sont retrouvés pour un séjour d’une semaine. L’endroit est pourvu de nourriture et de bois de chauffage en quantité. Mais les portables n’y captent pas de réseau. Et bientôt une tempête de glace coupe l’électricité. La découverte du cadavre provoque un choc parmi les personnages, surtout quand ils comprennent que le meurtrier se trouve parmi eux.»

(Photographie de couverture : © Grigorev_Vladimir © Teemu Tretjakov)