La ville peu de temps après

Pat Murphy est une autrice majeure de l’imaginaire, primée de deux Nebula awards, du World Fantasy Award et du prix Philip K. Dick. Mais elle reste pourtant assez méconnue du monde francophone car peu traduite. En 2021, Les moutons électriques ont contribué à la diffusion de son œuvre avec la traduction de son roman The city, not long after paru en 1989. C’est sous le titre La ville peu de temps après qu’ils nous permettent de découvrir ce post-apo teinté de fantastique et aux accents utopiques. Grâce à Vanille, j’ai eu la chance de le gagner et voici ce que j’en ai pensé…

« Quand Danny-boy eut huit ans, il apprit que l’art pouvait changer le monde.»

Dream a little dream of me

Si vous suivez un peu ce blog, vous savez à quel point je suis une amatrice de récits post-apo. Et à quel point aussi, il m’est difficile d’y trouver encore de l’originalité. J’avais eu il y a quelques temps une belle surprise en lisant Le livre de M de Peng Shepherd qui apportait une touche de fantastique originale et onirique très belle dans un univers en ruines et je suis ravie de retrouver la même étincelle, encore sous un jour différent, chez Pat Murphy avec La ville peu de temps après. Ce roman mêle en effet le récit post-apo avec une jolie couche de rêve, d’imaginaire et d’impossible. Déstabilisant au départ, ce mélange surprenant nous enveloppe peu à peu dans une bulle onirique superbe aux côtés de ces artistes un peu farfelus et foncièrement peaceful qui ré-enchantent le monde à leur façon. Il s’agit de se laisser porter dans cette visite d’une San Francisco fabuleusement mystérieuse et toujours étonnante, vivante et créative où tout semble possible. Et c’est beau, vraiment très beau! Qu’il y pleuve des fleurs ou que les fantômes marquent les lieux de leur passage, qu’on entende raisonner le vent dans des instruments incongrus ou que l’on croise des mini-paysages au creux des espaces laissés à l’abandon, la San Francisco de ce roman nous donne à rêver. Pat Murphy nous enchante avec brio dans cette douce utopie qu’elle teinte de sa poésie.

« En se réveillant et en découvrant que la femme avait disparu, Danny-boy avait paniqué. Il avait l’habitude du vide: des rues vides, des maisons vides, de la ville vide. Mais le vide de la chambre était bien différent. On aurait dit le silence soudain de quelqu’un qui cesse de chanter au beau milieu d’une chanson. »

Peace of art

La ville peu de temps après nous amène à la rencontre de plusieurs personnages. Outre les artistes qui vivent à San Fransisco, nous suivons une héroïne sans nom qui vient de territoires contrôlés par des militaires plus proche de ce qu’on a l’habitude de lire en post-apo. Son univers de violence et d’ordre entre évidemment en questionnement face à celui doux, chaotique et paisible de l’utopie créative. Paru en pleine Guerre froide, ce roman est marqué par son époque et propose une formidable réflexion pleine d’espoir et d’humanité sur la possibilité d’un autre monde en se faisant étendard pour la paix. Un air de flower power souffle en effet dans cette ville d’artistes rêveurs que la réalité souhaite pourtant effacer. Et malgré sa parution en 1989, il n’a pas vieillit d’une ride. Pat Murphy réussit brillamment encore aujourd'hui à nous transmettre son message, avec poésie, douceur et pourtant force, dans un récit teinté de beaucoup d’émotions. On peut lui reprocher un manque d’actions, à tout le moins dans la première moitié, mais la découverte des lieux et de ses habitant·es n’en est pas moins passionnante. Le roman prend cependant un nouvel essor dans un dernier tiers formidable qui m’aura fait oublié le temps qui passe et même donné espoir. 

« Il faut que tu prennes conscience que la violence et la mort ne sont pas les seules forces capables de changer l’ordre social.»

En bref, c’est un petit coup de coeur pour La ville peu de temps après. Pat Murphy a écrit un roman magnifique plein d’onirisme et de poésie qui se fait étendard pour la paix. Son univers utopique nous offre une belle dose d’espoir et d’humanité au cœur des ruines et nous rappelle à quel point l’art peut ré-enchanter le monde et le cœur des êtres humains. C’était très beau et je vous le recommande chaudement!

« Dans la grande cité californienne, des artistes se sont forgés leur propre société, qui tend vers l'utopie — mais de l'autre côté de la Baie, des militaires s'agitent, décidés à mater ces doux rêveurs. Il va falloir lutter avec ses rêves — et peut-être avec l'aide de la ville elle-même. »

(Illustration de couverture : © Melchior Ascaride) 

> Content warning <

D’autres avis dans la blogosphère: Chut maman lit, De l’autre côté des livres, …

[Lecture n°70 (88/108 points avec les bonus pour l'échelon 5 Synchronisation avec la page) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 10 de Ma lecturothèque]