Maraude(s)

Paru le 13 octobre dernier, Maraude(s) est un petit livre d’un peu moins de 60 pages qui nous fait retrouver la commune libre imaginaire de Belleville découverte dans Melmoth furieux. Cette novella est écrite à quatre mains par dilem et Bri (Sabrina Calvo) et publiée aux éditions La Volte dans la collection Eutopia. Voici ce que j’en ai pensé…

[NB: Un grand merci aux éditions La Volte pour cet envoi.]

« Nos arbres, c’est comme nos émotions discrètes. Parce qu’ici tout est immense : la joie, la douleur, l’espoir, l’amour. On a besoin de leur silence, du sylvestre murmure. On s’assoit ici pour se souvenir, tendrement, de la perte lente de tout. Et de nos coeurs qui battent. »

Errance(s) au cœur de l’espoir

Dans Maraude(s) nous suivons dilem & bri au cœur de la commune libre de Belleville, naviguant des barricades en zones de quartier, de lieux de luttes solidaires en lieux de vie. On parcoure à leur côté la construction d’une résistance, d’une collectivité et d’un espoir dans un futur répressif, avec tout ce que ça a de compliqué et, en même temps, de beau. Le texte suit leur parcours dans les rues de la commune, prenant presque des allures de récit documentaire, citant les lieux et les gens dans un enchaînement qui empêche peut-être un peu l’immersion si l’on ne connaît pas l’univers développé par Sabrina Calvo. Rencontres et lieux sont finalement prétextes à la découverte et au questionnement du mode de vie de cette commune libre autarcique au milieu d’un État répressif. On y découvre les doutes, les difficiles concessions lorsque toustes viennent avec leurs différences, les moments glorieux comme les peines dans un texte court mais suggérant beaucoup. 

« Si ce nid, cette commune, nous a permis de construire le nous qui sent et dit et chante et lutte et rit, nous savons qu’elle n’est que forme de câlin. Rassurante et enveloppante. Mais nos cœurs vivants, ils se doivent lumière.»

Quelques regrets

Si j’ai apprécié ce voyage à Belleville, je regrette cependant qu’on ne plonge pas plus dans l’aspect humain qui fait pourtant vibrer la commune. À mon sens, on perd, par rapport à Melmoth furieux, l’émotion et le coup de fouet que le contact prolongé de ces résistant·es provoquaient. Pourtant on y perçoit la colère et la poésie de la plume des autrices qui m’avait tant plu dans le roman. Mais la fureur semble ici atténuée par une forme de peine mais surtout marquée d’une attente. Un espoir faible plein de doutes qui offre une conclusion sublime. Mais si la fin est splendide, le voyage manque malgré tout d’intensité à mon sens, gardant une forme de distance alors que j’espérais y trouver une plongée plus intime dans la commune libre de Belleville. Le récit de traversée est un peu trop froid et l’imaginaire utopique en perd peut-être un peu de son impact. 

En bref, Maraude(s) est un court récit de traversée qui questionne la résistance d’une société utopique dans un environnement répressif. On y retrouve l’imaginaire de Sabrina Calvo et l’écriture poétique et engagée mais légèrement atténuée ici par l’aspect presque documentaire de ce texte. J’aurai aimé plus d’intensité et d’immersion mais j’ai néanmoins aimé la beauté d’une conclusion où l’espoir flotte, fragile mais superbe. 

« Les forces de l’ordre sont aux portes du quartier, mais les habitant·e·s du quartier s’organisent. Deux membres de la Commune libre de Belleville arpentent les différents secteurs du territoire.
À travers les pérégrinations de Bri et dilem, c’est l’autonomie d’un quartier assiégé – acquise à la fois en puisant dans ses racines historiques et en se projetant dans les pratiques alternatives d’une logistique humaine un peu folle – dont il est question. Non pas seulement une utopie mais un terrain surréaliste ancré dans un contemporain urbain aux questions bien réelles : comment nourrir une population, comment composer les amitiés, comment interroger les structures de domination liées au genre et à la classe, aussi bien dans la société qu’au sein des espaces de militance. Comment vivre au quotidien l’enfer d’un futur répressif ?»

(Photographie de couverture : © Jean Pierre N’Guyen/Maxppp) 

[Lecture n°66 (81/108 points avec les bonus pour l'échelon 5 Synchronisation avec la page) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 10 de Ma lecturothèque]