Un étranger en Olondre

Le 7 avril dernier, les éditions Argyll ont donné un nouveau souffle au premier roman de Sofia Samatar, Un étranger en Olondre, datant de 2012 et qui avait déjà été publié en français aux éditions de l’Instant en 2016 sous la traduction de Patrick Dechesne. Ce roman, lauréat de prix prestigieux (World Fantasy Award, British Fantasy Award), est présenté comme une ode à la magie des livres et une invitation au voyage. Voici ce que j’en ai pensé…

[NB: Un grand merci à Argyll pour cet envoi. J’en profite pour vous inviter à aller voir leur chouette projet de librairie coopérative en financement participatif: L’astrolabe]

« Ce que j’apprenais, ce que je connaissais, c’était la carte d’un coeur, la carte des nostalgies de Lunre de Bain. Je marchais dans les forêts de son désir et me baignais dans la mer de ses rêves. Pendant des années, j’ai parcouru les flancs et dévers des vallées de son coeur, de son exil semi-imposé, me familiarisant avec tout ce qu’il aimait, voyant le monde par les fenêtres d’agate de ses yeux. »

Plonger dans le monde par les mots

Un étranger en Olondre est un roman qui, dès les premières lignes, frappe par sa qualité littéraire et la beauté de sa traduction. Il s’en dégage immédiatement une poésie folle qui invite au voyage et donne vie au monde décrit. Loin des décors secondaires de certains romans, l’Olondre et la contrée de Tyom sont aussi importants que l’histoire. Les lieux vivent, ont leur propre souffle et leur propre âme sous la plume de Sofia Samatar. Elle donne à son livre une aura particulière qui invite à la contemplation et nous propose un voyage où la magie des mots écrits est centrale et fondatrice du regard porté sur le monde. Car Jevick découvre le monde autant par son expérience que par les lectures qu’il a fait sur les lieux parcourus. De même que les évènements qui lui arrivent sont jalonnés par les récits des autres, par les légendes comme les essais et étayent son parcours. Un amour des livres qui transpire des pages et qui se traduit aussi en sous-couche dans l’intrigue. Car il n’est pas difficile d’imaginer l’autrice hantée par la voix de Jevick, comme lui-même est hanté par un ange. Un étranger en Olondre est donc un roman très intelligent, plein de subtilités et de beauté, qui donne à la fantasy une belle noblesse. 

« En Olondre, les mots pèsent plus que l’air. Ils peuvent vivre éternellement, ici.

Je brandis le livre, serrant sa tranche.

- Ici, ils sont vivants. »

Errances dans l’enthousiasme

Bien que soufflée par la poésie et conquise par l’intention, j’ai rencontré beaucoup de difficultés durant la lecture. J’ai finalement eu le même problème qu’avec Un long voyage de Claire Duvivier qui faisait pourtant la quasi-unanimité. Attention, cette expérience est tout à fait subjective et n’entache en rien la qualité du roman. La lecture est aussi arrivée dans un moment difficile, où la concentration me faisait défaut et j’ai donc mis 10 jours à arriver au bout de ces 370 pages, là où, avec un roman qui m’accroche bien, 3 jours auraient pu suffire. Un étranger en Olondre est un roman lent. L’enchaînement de lieux et de descriptions, ponctué d’histoires locales et d’errances littéraires m’ont rapidement lassé et je peinais à résister à la tentation d’une lecture en diagonale qui m’aurait fait perdre tout l’intérêt du roman dont la beauté se niche dans les mots et dans les langueurs. J’ai hésité à abandonner à plusieurs reprises quand l’ennui prenait trop le dessus sur l’envoûtement. L’intrigue principale m’a également perdu en chemin, ne voyant pas vraiment où cette guerre des idées/religions allait nous mener, me faisant autant balloté dans l’affaire que le jeune Jevick, perdu au coeur des intentions des autres. Un sentiment qui m’a frustré et m’empêchait de me raccrocher à la lecture après chaque interruption. Je me suis accrochée et je n’ai pas regretté parce que certains passages sont d’une beauté ahurissante et que le voyage vaut la peine et il est probable qu’une autre lecture à un moment plus propice pourrait changer mon ressenti. Malheureusement, je garde en tête l’effort demandé et le sentiment de lassitude et conclue cette lecture par un avis mitigé là où j’espérais un coup de coeur. 

En bref, je ne suis pas complètement conquise par Un étranger en Olondre. J’ai eu beaucoup de peine à achever cette lecture pour laquelle j’ai ressenti de la lassitude. Cependant, c’est un livre qui a des qualités folles! La première est sa poésie et la beauté de la traduction. C’est un roman superbement écrit qui invite au voyage, qui nous parle des livres, des récits et du pouvoir des mots avec subtilité et intelligence. Un roman de fantasy envoûtant qui mérite la découverte. 

« Fils d’un riche marchand de poivre, Jevick a été bercé toute son enfance par les contes et légendes de la lointaine Olondre, une contrée merveilleuse où les livres sont aussi communs qu’ils sont rares sur son île. Et voilà qu’à la mort de son père, afin de perpétuer le commerce familial, il doit se rend en Olondre.

Malheureusement, le rêve tourne au cauchemar lorsqu’au lendemain du festival des Oiseaux il se découvre hanté par le fantôme d’une jeune femme. Suspecté d’un crime religieux puis enfermé, Jevick devient rapidement un pion dans la lutte impitoyable qui se joue entre les deux principales religions olondriennes.

Dans un pays au bord de la guerre civile, s’il veut un jour retrouver sa liberté, Jevick devra affronter son fantôme, traverser les limites du monde et dépasser les frontières de ses connaissances… »

(Illustration de couverture : © Xavier Collette)

[Diversité: pp noir.e, ps handicapé.e mental, ps malade] 

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