Aucune terre n'est promise

Publié en début d’année 2021 dans le label Mu des éditions Mnémos, Aucune terre n’est promise est un roman de l’auteur d’origine israélienne Lavie Thidar, traduit par Julien Bétan. Prix Planète SF des blogueurs encensé par la critique, c’est un livre qui me faisait trop envie pour ne pas l’acheter aux Imaginales 2021 qui ont eu la bonne idée de convier son auteur. Et voici donc ce que j’en ai pensé…

« Les frontières sont plus de que simples murs: elles prennent d’autres formes, plus insidieuses. »

Bien plus qu’une uchronie

Il est très difficile de vous parler de ce roman sans rien vous en révéler. Je vais donc essayer de rester en équilibre pour vous expliquer en quoi j’ai trouvé ce livre génial sans trop vous divulgâcher son excellent contenu. Pour être honnête, quand j’ai commencé la lecture, je n’avais que peu de critiques en tête sur ce livre et je partais donc à l’aventure à l’aveugle. Je m’attendais à une uchronie plaçant la Palestine en Afrique, devenue alors Palestina, et changeant complètement le cours de l’histoire pour le peuple Juif. Un roman à la frontière des genres qui allaient exploiter l’imaginaire pour nous parler du conflit israélo-palestinien. C’est le cas. Mais c’est aussi bien plus que ça! Lavie Tidhar signe un roman vertigineux et épatant qui plonge à foison dans la science-fiction et les légendes tout en dressant un polar réussi et une critique de notre monde qui ne fonctionne qu’avec des frontières et des dominations entre peuples quel que soit le déroulement des évènements. Mais c’est aussi un roman miroir, qui analyse le pouvoir de la littérature et ses limites, qui plonge aussi dans la rédaction d’une utopie avec un personnage principal écrivain qui semble être une ombre de l’auteur lui-même. Fascinant! Et très réussi. Le roman va bien au-delà de ce qu’on pouvait attendre et c’est formidable de se plonger ainsi dans l’inconnu!

« Ce soir, d’innocents travailleurs et des autochtones naturalisés allaient s’enfermer chez eux et prier pour traverser la nuit sans encombre. Les représailles n’étaient pas rares et, en de telles circonstances, la culpabilité ou l’innocence comptait moins que la couleur de la peau. »

Accepter de plonger dans l’inconnu

Lire Aucune terre n’est promise demande de lâcher prise. Car après quelques pages, la narration va certainement vous faire tiquer, vous interroger, vous perturber même. Il faut accepter de ne pas avoir toutes les réponses tout de suite, de se laisser emporter plus avant dans l’intrigue jusqu’à un petit espace plein de confusion. Mais quand tout s’éclaire, quand tout s’assemble, alors le roman devient grandiose. Non pas qu’il ne soit pas intéressant avant d’ailleurs. Rapidement la plume de l’auteur nous percute, ses propos et ses messages sont très marquants. Il évite les écueils très nombreux lorsqu'on aborde des sujets comme celui du conflit israélo-palestinien, il interroge brillamment notre humanité, ce qui constitue notre identité et les possibles de l’Histoire. En plus de ça, il propose une intrigue de SF épatante, dense et accessible qui ne manque ni de personnalité ni d’originalité. Que demandez de plus?! Pas étonnant que les collègues de Planète SF l’aient récompensé car c’est un roman qui le mérite pleinement. Il marque par l’intelligence de son propos et de sa narration, mais aussi par l’émotion sous-jacente qui filtre entre les lignes.  

« L’écriture est une arme. Les mots ont un pouvoir. »

En bref, Aucune terre n’est promise est une pépite. C’est un roman qui déploie son intrigue bien au-delà de l’uchronie déjà passionnante et pertinente qu’on en attend. L’écriture percutante et l’intrigue vertigineuse en font un roman grandiose et très humain qui surprend, désarçonne et épate. Je ne regrette absolument pas de m’être immergée dans l’encre noir de ses pages pour découvrir vers où l’auteur nous emmène. Une lecture qui marque. 

« Berlin. Lior Tirosh, écrivain de seconde zone, embarque pour la Palestina, fuyant une existence minée d’échecs. Il espère retrouver à Ararat City la chaleur du foyer, mais rien ne se passe comme prévu : la ville est ceinturée par un mur immense, et sa nièce, Déborah, a disparu dans les camps de réfugiés africains. Traqué, soupçonné de meurtre, offert en pâture à un promoteur véreux, Lior est entraîné malgré lui dans les dédales d’une histoire qu’il contribue pourtant à écrire. »

(Illustration de couverture: © Kevin Deneufchatel)

D’autres avis dans la blogosphère: Les chroniques du chroniqueur, Le dragon galactique, TmbM, RSF blog, …

[Diversité: pp juif.ve, ps juif.ve, ps noir.e]

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[Lecture n°4/108 (pour l'échelon 5 Synchronisation avec la page) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 10 de Ma lecturothèque]