Au nord du monde

Réédition d’un livre paru en français en 2010 aux éditions Plon, Au nord du monde de Marcel Theroux est un roman britannique d’anticipation qui a remporté le Prix de l’Inaperçu en 2011 et fut finaliste du National Book Award. Il est aujourd’hui publié aux éditions Zulma et s’accompagne d’une postface d’Haruki Murakami. Et comme il m’a été conseillé de nombreuses fois, j’ai eu envie de le découvrir. Voici donc ce que j’en ai pensé…

« Chacun s’attend à assister à la fin de quelque chose. Ce à quoi nul ne s’attend, c’est à assister à la fin de toute chose.»

Un post-apo trop classique?

Une chose à savoir avant de lire cet avis: j’ai lu beaucoup de romans d’anticipation post-apo. Il est donc très difficile de me surprendre dans ce domaine et chaque roman lu doit nécessairement apporter une différence par rapport aux autres pour sortir du lot et être remarquable. Les novices dans le genre apprécieront ce roman tout à fait différemment. Il est fort probable que, moi-même, si j’avais lu ce livre en 2010, j’aurai eu un coup de coeur. Mais 11 ans plus tard, cette histoire m’a semblé plutôt classique dans son genre malgré quelques petites surprises. On est ici dans un récit post-apo qui dépeint une terre dévastée où les survivants se placent dans un spectre allant des colons/civilisés déshumanisés aux peuples indigènes aux modes de vie primitifs plus durables. Violence, désespoir, avenir incertain, c’est pas vraiment la joie! Les différences notables qui constituent l’identité du roman tiennent dans les lieux, ici la Sibérie colonisée, et dans son personnage principal, assez remarquable mais pour lequel je ne vous dévoilerai rien sous peine de vous gâcher quelques surprises. En soit, c’est un très bon roman d’anticipation mais il manque pour moi de cette étincelle d’originalité qui l’aurait fait sortir du lot. 

« On peut dire, comme le font les bergers, qu’on s’est compliqué le vie et que cela nous a affaiblis. Ou on peut simplement s’émerveiller de notre ingéniosité et espérer que ce que nous avons accompli une fois pourra l’être à nouveau. »

Une lecture fluide

Si je mets de côté le petit manque d’originalité, c’est un roman très agréable qui se lit sans peine grâce à un style accrocheur et des personnages intéressants et travaillés. Makepeace, personnage principal, est remarquable et on s’attache à son histoire et à sa destinée dès les premières pages. Il y a aussi un côté très western dans le roman, avec un héros shérif, des hommes à cheval, des règlements de compte, de la religion et, bien sûr, la loi du plus fort. Le tout dans un décor de nature aussi sublime qu’implacable. Si le roman n’est pas des plus trépidants, il contient néanmoins plusieurs retournements de situation possibles grâce aux nuances dans les différentes personnalités qui le compose. Il est en soit plutôt captivant de bout en bout. C’est aussi un roman qui nous propose de beaux instants de réflexion, notamment autour du savoir, du progrès et de la vie simple. Makepeace descend d’une famille de colons, n’a jamais connu la « civilisation » classique mais ne vit pas non plus comme les peuples indigènes de Sibérie, c’est le parfait personnage pour porter un regard analytique et critique, mais jamais définitif, sur les différentes façons de vivre et c’est ce qui a fait pour moi l’intérêt de ce roman en plus d’offrir de vrais instants suspendus plein de beauté.

En bref, Au nord du monde est un bon roman d’anticipation. Les personnages sont bien écrits, l’intrigue offre de belles surprises et des réflexions intéressantes. Cependant, pour la lectrice très amatrice de post-apo que je suis il manque d’originalité et reste très classique dans son déroulé, son univers et sa proposition. Une lecture à sa sortie en 2010 aurait certainement placé ce titre parmi mes coups de coeur mais la réédition de 2021 le rend moins remarquable malheureusement.

« Steppes et taïga en lieu et place des plaines du Far West. Une ville fantôme balayée par les vents, dernier vestige de la vie de ces pionniers de Sibérie avant qu’un cataclysme emporte tout. Ou presque. Le temps s’est arrêté pour Makepeace. En cavalier solitaire, sans âme qui vive sur qui veiller, elle débarrasse les armes et sauve les livres des décombres. Jusqu’à ce que Ping émerge de la taïga, trahissant une peur sans nom dans une langue inconnue, et qu’un avion les survole, en direction du nord. L’espoir chevillé au corps, Makepeace prend la route. Car on n’est jamais vraiment sûr d’être le dernier. »

(Couverture: © David Pearson)

> Lire un extrait < (© Zulma)

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