Les yeux fermés

Publié le 12 mai dernier, Les yeux fermés est le second roman de l’auteur américain Chris Bohjalian à paraître en français aux éditions Le cherche midi. Ce thriller psychologique présenté comme un bijou du genre a été lu dans le cadre de l’excellente Team Thrillers CHM dont je vais quitter les rangs après plus de 3 ans de formidables moments. C’est donc une lecture toute particulière pour moi, et voici ce que j’en ai pensé…

[NB : Un grand merci à Benoît, calife du mojito, pour ce livre et pour tout.]

" Ce n'était qu'un rêve. Seulement un rêve. C'est ce que les parents répètent encore et encore à leurs enfants  pour les réconforter quand ils sont petits, pas vrai?"

L’art de captiver sans jamais en faire de trop

Les yeux fermés est tout à fait le genre de livres qui sont difficiles à présenter sous un beau jour alors même qu’ils sont très bons et qu’on a eu du mal à en décrocher. Pourquoi cela ? Parce qu’il ne s’y passe pas grand-chose, parce que le rythme est très lent et qu’il n’y a même pas de twists si acadabrantesques qu’on en perd notre souffle. Les chapitres ne sont même pas courts ! Et pourtant, malgré tout ça, impossible de décrocher de ces pages (du moins, une fois la première partie, un peu longuette, achevée). On est pris au piège de la plume de l’auteur qui parvient, sans effets, sans superflu, à nous proposer un drame familial à la tension terrible, tension uniquement produite par notre imagination habituée aux thrillers et autres intrigues policières. Chris Bohjalian joue d’ailleurs beaucoup sur cet aspect, faisant des clins d’œil réguliers à la paranoïa de l’héroïne qui s’imagine des scénarios tous plus fous les uns que les autres et qui ne se conçoit pas dans un autre genre d’histoire. S’ajoute à cela une curiosité maladive. On a envie de savoir ce qu’il s’est réellement passé, on a envie d’élucider le mystère autour de cette disparition. Mais aussi, on s’intéresse au sujet des parasomnies, plutôt bien développé dans le roman, là encore sans excès, sans effet, avec justesse et réalisme. Et c’est franchement passionnant.

"Parfois je ne sais pas ce qui nous affecte le plus, a-t-il remarqué d'une voix devenue mélancolique: le soulagement qu'on ressent en se réveillant d'un cauchemar et en réalisant que c'était juste un rêve, ou la tristesse qui nous prend au sortir d'un bon rêve - d'un très bon rêve -, quand on se rend compte que rien de tout ça n'était réel."

Eviter le racoleur

Ce rythme lent, ce réalisme, tout cela contribue à dresser une intrigue très plausible qui s’achève dans un final étonnant mais pas complètement dingue alors même que l’auteur nous ait fait envisager tout et n’importe quoi. Sur la même lignée que le reste, cette conclusion sera peut-être frustrante pour les amateurs de grand spectacle mais est néanmoins brillante et intelligente. De la même façon, l’auteur fait intervenir un aspect particulier des parasomnies dans son intrigue qui aurait pu être très casse-gueule, le genre de sujet à vite faire plonger une intrigue dans du racoleur inutile mais tape-à-l’œil. Or, là encore, Chris Bohjalian fait preuve d’intelligence en l’abordant avec finesse et justesse. Tout ce réalisme contribue à nous investir émotionnellement avec cette famille dont les personnages sont plutôt bien écrits et attachants. L’auteur, en véritable magicien, nous crée l’illusion de 1001 complots et dangers quand il nous écrit surtout une histoire de famille dramatique et touchante. Formidable.

En bref, Les yeux fermés est un thriller psychologique qui se joue beaucoup de nous et nous tient en haleine en usant de notre imagination débordante. Drame familial touchant, roman passionnant abordant les parasomnies avec justesse, intrigue intelligente, c’est un roman très accrocheur. Son rythme très lent et son absence de grands moments d’action peuvent être frustrants mais cela reste un bon livre qui se dévore sans en faire trop.

"La disparition d’Annalee Ahlberg est inquiétante. Atteinte de somnambulisme, ce n’est pas la première fois que cette jeune mère bien sous tous rapports quitte sa maison au milieu de la nuit. Mais cette fois, elle n’est pas revenue. Lorsqu’on retrouve la chemise de nuit d’Annalee près d’une rivière, son mari Warren et ses deux filles se préparent au pire. Très vite cependant, des questions surgissent. Pourquoi n’était-elle atteinte de ses fameuses crises de somnambulisme que lorsque son mari était absent ? Où est le corps ? Si la vie d’Annalee semble soudain plus complexe et mystérieuse qu’au premier abord, il apparaît bientôt que les autres membres de la famille ont eux aussi des secrets et beaucoup de choses à se reprocher..."

(Photographie de couverture: © Nagib El-Desouky / Arcangel - Graphisme: © Rémi Pépin 2021)

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