Du roi je serai l’assassin

Parmi les auteurs et autrices dont je ne souhaite pas louper les sorties, il y a Jean-laurent Del Socorro qui, de coups de coeur en coups de foudre est définitivement une valeur sûre à mes yeux. Son nouveau roman, Du roi je serai l’assassin sort le 16 avril chez les éditions ActuSf dans la collection Bad Wolf. Il nous propose de découvrir l’histoire de Silas, personnage de son premier roman, Royaume de vent et de colères et nous invite à  replonger dans la France et l’Espagne du XVIe siècle avec une histoire qui peut se lire de manière indépendante. Ayant eu la chance de le découvrir avant l’heure, voici ce que j’en ai pensé…

[NB: Un grand merci à Margot des éditions ActuSf pour ce service presse numérique (on ne remercie pas la poste pour la perte définitive de la version papier du Karim Berrouka mais on retient la leçon ^^).]

« Nul besoin de religion : les hommes se suffisent à eux-mêmes quand il s’agit d’assassiner les femmes.»

L’Histoire immersive et passionnante

Avant toute chose, pour ceux qui n’auraient pas encore lu Royaume de vent et de colères ou qui l’auraient un peu oublié avec le temps, n’ayez aucune crainte, même si l’histoire se déroule ici dans le même univers et nous propose le récit de vie d’un de ses personnages les plus marquants, Du roi je serai l’assassin est bel et bien indépendant. Vous reconnaîtrez évidemment des éléments qui font écho au premier roman de l’auteur et le vrai « risque » c’est d’avoir envie de le relire ensuite ou, si vous ne le connaissez pas, de le découvrir après cette lecture (ce que je ne peux que vous encourager à faire!). Jean-Laurent Del Socorro nous emmène cette fois encore dans l’Europe du XVIe siècle en proie aux guerres de religion. L’intrigue nous fait voyager de l’Andalousie, où les musulmans doivent se convertir pleinement au catholicisme, jusqu’au sud de la France, principalement Montpellier mais aussi Marseille, où les protestants et catholiques s’entredéchirent sous les décisions des rois de France. Par la plume riche en enseignements de l’auteur, l’Histoire se fait passionnante et tisse une toile de fond dramatique pour des destins de vie brisées par la violence des hommes. Comme toujours, l’auteur sait rendre son univers fouillé très immersif et investit pleinement l’époque historique pour interroger de nombreux sujets universels et, malheureusement, éternels comme l’absurdité des guerres, la violence et le répression qui sème les graines de la vengeance ou encore le sexisme et le racisme. Et sur cette réalité historique, l’aspect magique fantastique s’insère encore une fois à merveille ce qui peut être une bonne porte d’entrée dans l’univers de l’imaginaire pour de nombreuses personnes.

« Nul ne peut fonder sa vie sur des souvenirs. Je le sais, car je vois mon père essayer chaque jour. Il pourrait être quelqu’un de bien s’il laissait le passé derrière lui. Au contraire, il y mord dedans à pleines dents, comme un chien dans un os rongé jusqu’à la moelle. Il broie ainsi son propre présent et notre futur à tous.»

Une histoire d’amour et de colères

Dans ce monde rongé de violences et de rejets, nous découvrons l’histoire de Sinan, pas encore Silas, dont tout le chemin de vie sera jalonné de haine. Mais pas que… Entre souffrances, colère grandissante difficilement contenu et désespoir, la vie de Sinan est aussi ponctuée de quelques brides d’amour. Celui fusionnel avec sa soeur jumelle, celui pur et bon avec sa petit soeur Sahar (gros coup de coeur pour Sahar et pour le rapport à Gabin), l’amour respectueux de sa préceptrice et une passion aussi belle et fugace qu’un poème. C’est un personnage bouleversant, poussé par la vie à se plonger dans la rage ou l’abandon mais qui fait preuve aussi de bonté et de courage. Un être abimé, au coeur en recherche d’amour mais emplit de colère noire qui espère préserver les étincelles d’espoir qu’il décèle chez les autres avant que le monde ne les brise. Je ne m’attendais pas à une histoire si bouleversante derrière le charismatique et mystérieux assassin mangeur de pommes et ça na m’a absolument pas déçue. Je n’ai cependant pas eu de coup de coeur pour deux petites raisons anecdotiques. L’introduction de la narration par le personnage s’apprêtant à raconter son histoire m’a paru trop classique et l’introduction de la dernière partie sur le même format pose le même problème tout en ruinant un peu la surprise. Mais l’ensemble n’en est pas moins excellent et se lit avec beaucoup de plaisir, tant la plume est superbe, l’Histoire rendue passionnante et les récits de vie bouleversants. Il y a aussi une belle diversité dans cette histoire et un appel à l’égalité de toutes et tous quels que soient le sexe, la croyance ou l’origine grâce à des personnages complexes et riches. Rufaida notamment, illustre parfaitement la frustration de ce que sa condition de femme lui refuse dans ce monde et sa colère plus amère et sa ténacité à toute épreuve sont le résultat de son histoire. Encore une fois, Jean-Laurent Del Socorro a écrit des personnages d’une grande richesse. 

« Le bûcher s’éteint peu à peu. L’Église pense pouvoir mettre ainsi un terme à la Réforme. Elle ne réalise pas que les flammes ne brûlent pas les hérésies, mais seulement les liens qui retiennent la colère de ceux qu’elle cherche à opprimer.»

En bref, Du roi je serai l’assassin nous permet de découvrir l’histoire intense et bouleversante de Silas, ponctuée de violence, de peines mais aussi d’amour au coeur d’un monde ravagé par la haine où les guerres de religion sévissent et détruisent les vies humaines. Bien qu’il se déroule dans le même univers il se lit indépendamment du magnifique roman Royaume de vent et de colères. Et même si je n’ai pas eu le coup de coeur habituel, je ne peux que saluer encore l’excellence de l’auteur qui nous offre comme toujours un très bon roman. 

« Espagne, Andalousie, XVI e siècle. La Reconquista est terminée. Charles Quint règne sur une Espagne réunifiée et catholique. Sinan est un enfant qui vit avec sa soeur jumelle, Rufaida à Grenade. Musulmans convertis par nécessité à la religion catholique, sa famille les envoi à Montpellier pour échapper à une Inquisition toujours plus féroce. Là bas ils tomberont dans une France embrasée par les guerres de religion...»

(Illustration de couverture: © Zariel)

[Diversité: pp musulman.ne, pp bisexuel.le, pp arabe - espagnol-e, ps mulsulman.ne, ps arabe - Espagnol.e, ps gay, ps lesbienne, ps bisexuel.le]

Addiction, Alcool, Deuil, Meurtre, Mort, Racisme, Sang, Sexe, Violences domestiques

[Lecture n°37/72 (pour l'échelon 5 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 9 de Ma lecturothèque]