La mer sans étoiles

Alors qu’il devait paraître au printemps, le nouveau roman d’Erin Morgenstern, La mer sans étoiles, fut reporté et sort finalement aujourd’hui 15 octobre en librairie sous l’égide des éditions Sonatine. Roman fantastique et visiblement très bibliophile, La mer sans étoiles m’attirait comme un aimant, non seulement pour l’objet-livre magnifique mais aussi pour son résumé envoûtant. Et voici ce que j’en ai pensé…

[NB : Je remercie les éditions Sonatine pour cet envoi qui m’aura fait baver d’envie dans ma bibliothèque depuis mars ! Je vous remercie pour votre confiance.]

« Peut-être qu’une fois qu’on a mis les pieds au pays des merveilles, on est censé y rester pour toujours, parce que plus rien ne sera jamais pareil dans le vrai monde, l’autre monde, le monde d’après. »

Douce perdition

La critique est assise sur son navire (le navire est une métaphore) et se laisse voguer sur les flots de La Mer sans étoiles qui n’est pas vraiment une mer ici mais plutôt un océan d’imagination fertile. Il est écrit que tout ceci a été le fruit d’une autrice, elle aussi influencée par d’autres créateurs et créatrices, par d’autres histoires et d’autres livres pour former un cri d’amour à l’imaginaire et aux récits de tout genre, ceux légendaires, comme ceux de nos petites vies. La critique s’est retrouvée prise dans une marée d’histoires dans des histoires, de livres dans des livres qui parlent de livres et forment, ensemble, un autre livre. Telles des poupées russes abandonnées sur les étagères du temps, chaque récit s’imbrique dans les autres, y fait écho et oriente la suite des histoires qui le suive. Cette étrange navigation est aussi labyrinthique dans l’espace que dans le temps, entre ce qui fut, ce qui est, ce qui sera et ce qui n’est plus ou ne sera plus. La critique regrette un peu de s’être perdue en chemin. Elle a perdu ses repères, perdu le chemin des mots et s’est aussi un peu perdu en elle-même. La ballade, jolie et étrange, s’est en effet achevée à la rame puis la barque s’est échouée sur les plages d’une douce désillusion d’un un final trop énigmatique qui l’aura laissé se noyer…

« Je pense que les meilleures histoires sont celles qui vous donnent l’impression de continuer à exister quelque part, dans leur espace à elles. »

Contes & déboires

Il était une fois une autrice amoureuse des livres. Elle tressa, avec l’aide des abeilles parmi les étoiles, une histoire pleine d’autres histoires. Cette tapisserie débordait de beauté et de poésie, au point, parfois peut-être, d’être un trop sucrée ou mielleuse. L’autrice nous parlait d’amours impossibles et de littérature, d’exploration et de destinée, d’aventure et de recherche de soi. Mais la tapisserie s’avéra parfois bien trop alambiquée. Impossible par instant de dénouer les nœuds qui étaient faits, ou de suivre les fils trop emmêlés les uns aux autres pour ne pas se perdre dans le récit. Alors, malheureusement, certain.e.s observateur.trice.s auront surement le sentiment que la tapisserie est trop ambitieuse, trop massive, et abandonneront leur soif d’imaginaire en cours de route à cause de ce trop-plein. C’est ce qui arriva à la critique. Certains tissages étaient aussi trop grossiers, les broderies pas assez fines, les fils dressant les portraits des héros et héroïnes étaient notamment de ceux-là que la critique n’aura pas réussi à aimer (il paraîtrait aussi que l’image des bibliothécaires est parfaitement stéréotypée et que ça a agacé un peu la critique, mais ça c’est une autre histoire). Et pourtant, certains motifs offrent du rêve à foison, d’autres laissent ébahis et envoûtés, parfois aussi, les motifs secondaires étaient beaucoup plus accrocheurs que le motif général… Il est donc tout à fait certains que beaucoup trouveront dans cette tapisserie l’enchantement promis. C’est tout ce que la critique peut leur souhaiter.

En bref, La mer sans étoiles était une histoire extrêmement prometteuse mais la lecture n’aura pas été aussi douce que souhaitée. Si j’ai apprécié l’univers, fou mais beau, la plume enchanteresse par moments ou l’amour bibliophilique de ce roman, j’ai regretté de m’être perdue dans ces histoires alambiquées et la narration trop labyrinthique. Le final aura achevé de me perdre, partant trop loin pour moi dans les méandres imaginaires…

« Dans la bibliothèque de son université, Zachary Ezra Rawlins trouve un livre mystérieux, sans titre ni auteur. Découvrant avec stupéfaction qu'une scène de son enfance y est décrite, il décide d'en savoir davantage. C’est le début d’une quête qui le mènera à un étrange labyrinthe souterrain, sur les rives de la mer sans Étoiles. Un monde merveilleux fait de tunnels tortueux, de cités perdues et d'histoires à préserver, quel qu'en soit le prix... »

(Illustration de couverture : © Rémin Pépin via iSTockPhoto)

[Diversité : pp noir.e, pp gay, ps noir.e, ps lesbienne]