Les machines fantômes

Huitième roman de l’écrivain français Olivier Paquet, Les machines fantômes est un techno-thriller d’anticipation qui place au coeur de son intrigue les intelligences artificielles d’aujourd’hui et de demain dans le Paris de 2037. Ce roman choral a été publié aux éditions L’Atalante dans la collection La Dentelle du cygne pour la rentrée littéraire 2019 et avait immédiatement retenu mon attention. Voici ce que j’en ai pensé…    

« La liberté ne se mesure qu’à la longueur de la chaîne qui pend à votre cou.»

Une histoire de libre-arbitre et d’individualisme

Dans Les machines fantômes, Olivier Paquet nous propose une anticipation très proche de nous qui s’inspire beaucoup de notre monde actuel pour mieux en pointer les failles. L’auteur met bien sûr en avant la place grandissante des intelligences artificielles au coeur de nos existences mais il démontre surtout la déshumanisation de la société humaine tournée vers le profit, le pouvoir et l’auto-accomplissement. Relations humaines désincarnées, fuite vers le virtuel, artificialité des existences, … la société dépeinte par Olivier Paquet semble mener au désastre. Au coeur de ce contexte, le recours à des machines pour contrôler nos vies semble émerger comme une solution. Discutable, certes, mais originale. La question que pose ce roman est celle du libre-arbitre et du prix de la liberté quand celle-ci mène forcément aux dérives propres aux choix humains. Une question éthique complexe à laquelle Olivier Paquet propose plusieurs réponses à travers une intrigue intense et finalement très humaine qui interroge le lecteur et fait vaciller ses certitudes. Le sujet des intelligences artificielles, pourtant très tendance, est abordé ici de manière plutôt originale et ne tombe pas dans la facilité habituelle de la prise de conscience de la machine. Les deux mondes versent l’un dans l’autre mais conservent leur distinction essentielle. L’un qui possède le corps mais semble s’isoler naturellement, l’autre qui n’est que virtuel mais pourtant qui fait corps. C’est le gros point fort de ce roman intelligent et réfléchi.

« Le feu avait dissipé les ténèbres, l’électricité avait fait fuir les mauvais esprits, et quand les humains eurent abattus les dieux de leur Olympe, ils créèrent des Prométhées sous la forme de programmes informatiques, d’algorithmes, d’intelligences artificielles qui nous frôlent quotidiennement sans qu’on les aperçoive.»

Un techno-thriller captivant mais parfois complexe

Soyons honnêtes, je n’ai pas toujours tout compris à la lecture. Outre un premier chapitre qui m’a laissé perdue avec l’introduction du principe technologique servant de base à l’histoire au coeur du monde de la Bourse (ô domaine hermétique à ma compréhension!), j’avoue avoir terminé le livre avec encore quelques interrogations. Si j’ai saisi les grandes lignes, je ne suis jamais parvenu à visualiser clairement l’aspect technologique de l’intrigue (qui, par nature, n’est pas vraiment visualisable). Des zones d’ombres restent pour la néophyte que je suis dans le domaine et celles-ci ont un peu entaché mon plaisir. Pourtant, j’étais très accroché à l’intrigue qui surprend et nous emporte dans de nombreuses réflexions. Mais mon incompréhension s’est malheureusement étendue, voire déplacée au fil de la lecture, sur les personnages. Je ne suis non seulement pas parvenue à m’y attacher, chacun étant un peu trop bercé dans des stéréotypes pour moi, mais je ne parvenais surtout pas à comprendre leur(s) but(s) respectif(s) ce qui a diminué l’effet de tension. Les choix des personnages m’ont plus souvent semblé étranges que logiques et l’immersion dans le roman s’en est évidemment ressentie. Finalement, ces humains m'ont semblé bien plus artificiels que les machines... Malgré tout, j’ai lu Les machines fantômes sans peine, captivée par les thématiques abordées et les questionnements posés et, ce, alors même que je savais que je passais à côté d’une partie de l’histoire.

En bref, ma lecture des Machines fantômes est en demi-teinte. Je suis à la fois admiratrice de l’aspect anticipation et des réflexions faîtes sur la société, le libre-arbitre et les intelligences artificielles mais également déçue de ne pas avoir pu tout comprendre, en particulier les personnages et leurs objectifs au coeur de cette intrigue.

« Dans un monde où la société est devenue artificielle, les intelligences artificielles pourraient-elles faire société ? 

Quatre personnages – un trader, une chanteuse pop, un ancien tireur d’élite, une joueuse de jeu vidéo multijoueurs : chacun croit jouer pleinement sa carte sur l’échiquier de la société sans percevoir qu’il est piégé dans des fictions confortables dont il n’est pas le seul acteur.

Plus un. Hans / Joachim dont ils croisent tous la route. Ce mystérieux jeune homme, tantôt séduisant, tantôt menaçant, est décidé à confier le destin de nos sociétés à des machines. Ce qui va contraindre nos personnages à coopérer, à se rencontrer pour empêcher l’irréversible.

Et des IA…»

(Illustration de couverture: © Aurélien Police) 

[Lecture n°33/60 (pour l'échelon 4) pour le Challenge de Littérature de l'Imaginaire édition 8 de Ma lecturothèque]