Water knife

Paolo Bacigalupi est un auteur de SF américain multiplement primé, notamment grâce à son premier roman (magistral), La Fille automate. En 2016, les éditions Au Diable Vauvert publiait un autre de ses romans indépendants, Water knife. Il ne me manquait plus qu’une bonne occasion pour le lire, et c’est le Hold my SFFF challenge qui me l’a fourni ce mois-ci. Voici donc ce que j’ai pensé de ce Water knife…

« Quand les gens perdent espoir, ils perdent parfois aussi leur humanité. Les gens désespérés font des choses désespérés, deviennent les avatars de tragédies inattendues. »

Une anticipation écologique terrifiante de réalisme

Avec Water knife, Paolo Bacigalupi nous offre un nouveau roman d’anticipation ancré sur un problème écologique bien réel: la pénurie d’eau, ici dans le bassin du Colorado. En s’appuyant sur des données scientifiques et des prédictions plus que réalistes, l’auteur nous plonge dans les conséquences d’un manque d’eau dans des régions aussi désertiques qui pompent actuellement le fleuve déjà plus que de raison (le fleuve s’assèche en effet de façon alarmante depuis le début des années 2000). Réfugiés climatiques rejetés par des états soucieux de maintenir un confort égoïste et sans doute illusoire, violence des humains désespérés et prêts à tout pour survivre, déchirement d’une nation, le roman nous illustre tout cela en toile de fond avec une certaine justesse terrifiante car plus que plausible. Dans Water knife, la moralité se meurt de soif au fond du trou. Tous les protagonistes luttant plus ou moins pour leur propre compte, hormis quelques idéalistes qui regardent vers le passé avec un espoir inutile. Ah, c’est sûr, c’est pas la grande joie! Heureusement, comme à son habitude, l’auteur dilue quelques gouttes d’humanité dans cette tempête de noirceur. 

« Tout mourait. Les lieux étaient balayés, noyés ou brûlés sans interruption. L’équilibre du monde changeait. Des villes entières perdaient leur équilibre quand le sol qu’elles avaient pris pour de la roche bougeait sous elles et les faisait tomber sur le cul collectif. 

Cela continuerait peut-être. 

Cela ne finirait peut-être jamais.

Alors, pourquoi fuir? Si le monde entier brûlait, pourquoi ne pas lui faire face, une bière à la main?»

Un thriller trépidant mais pas exempt de défauts

Water knife est un thriller haletant qui m’a emporté sans peine du début à la fin par son rythme effréné et son petit côté très blockbuster: visuel, bien dosé, efficace. L’auteur dose en effet son roman parfaitement entre scènes d’actions, enquête, passages plus émouvants ou bien encore une petite romance pour nous offrir une lecture captivante et délassante. Cependant, cette caractéristique est ici à double tranchant car elle souligne  également un manque d’approfondissement général assez gênant. Les personnages, notamment, sont très lisses. Stéréotypes d’une banalité folle, ils sont loin des protagonistes auxquels m’avaient habitué l’auteur dans ses autres oeuvres. L’intrigue elle-même se complait dans des facilités scénaristiques et un scénario assez prévisible qui manque un peu d’originalité. Cependant, je ne peux pas aussi catégorique que Le Chien critique sur ce livre car malgré ces défauts évidents, j’ai pris un grand plaisir à le lire. Il s’agit finalement de ne pas trop pousser sa réflexion et de considérer l’ensemble comme l’excellent divertissement qu’il est. Le fond d’anticipation écologique et sociale étant pour moi suffisant pour me faire oublier le reste. La chose qui m’a finalement vraiment dérangé à la lecture ce sont les erreurs. Fautes de français ou encore méprises dans les noms des personnages sont pour moi rédhibitoires dans un roman édité.

En bref, Water knife est un bon roman divertissant, un thriller haletant sur fond d’anticipation plutôt réaliste et captivant. Malheureusement, il nous offre aussi une intrigue assez prévisible et des personnages clichés qui nous font regretter le temps de La fille automate (que je vous conseille plus que vivement)

« La guerre de l’or bleu fait rage autour du fleuve Colorado. Détective, assassin et espion, Angel Velasquez coupe l’eau pour la Direction du Sud Nevada qui assure la survie de Las Vegas. Lorsque remonte à la surface la rumeur d’une nouvelle source, Angel gagne la ville dévastée de Phoenix avec une journaliste endurcie et une jeune migrante texane…

Quand l’eau est plus précieuse que l’or, une seule vérité régit le désert : un homme doit saigner pour qu’un homme boive.»

[Lecture n°31/60 (pour l'échelon 4) pour le Challenge de Littérature de l'Imaginaire édition 8 de Ma lecturothèque]

- Lecture pour le Challenge #HMSFFF - Mai 2020: Ecologie -