Il fallait que je vous le dise

Aude Mermilliod a décidé de briser le tabou autour de l’IVG en réalisant une bande dessinée témoignant de son histoire personnelle qu’elle accompagne du parcours de Martin Winckler, médecin pratiquant des IVG. Intitulé Il fallait que je vous le dise, cet ouvrage est paru récemment chez les éditions Casterman et voici ce que j’en ai pensé…

"Mon but était de montrer que lorsque les femmes avaient les bonnes infos, elles savaient tout à fait choisir leur mode de contraception. Et il n'y avait pas de jugement à porter sur ce choix."

Un sujet essentiel

La pratique de l’IVG a beau être acceptée de nos jours dans nos pays, elle reste aujourd’hui encore soumise à un certain tabou et est même remise en question. Il n’y a qu’à regarder vers les États-Unis pour voir que ce droit a encore besoin d’être défendu. A travers son témoignage, Aude Mermilliod brise le silence et évoque avec beaucoup de pudeur ce qu’est réellement un IVG pour une femme. Elle y parle de la peine qui n’a pas le nom de deuil, elle y parle de cette souffrance qui n’a pas le droit de s’exprimer parce que « ce n’est rien », elle y parle de la douleur de l’opération aussi, souvent oubliée de ceux qui dans leurs discours pro-vies envisagent l’acte comme anodin. Elle parle du monde médical, parfois flou, parfois inconsciemment irrespectueux. Et elle raconte le tout avec douceur, dans des tons de couleurs apaisés et apaisants, comme un cocon intime où on se sent accueilli. La mise en page et les illustrations renforcent les émotions et expriment ce que les mots ne suffisent pas à transmettre. Le message est très juste et s’il me touche personnellement beaucoup, je suis convaincue qu’il saura toucher des personnes plus éloignés du sujet également. Il me semble en tout cas essentiel de l’aborder du point de vue de la patiente pour briser nos préjugés et c’est fait ici avec une beaucoup de grâce et de bienveillance.

Un double point de vue

Dans une seconde partie, Aude Mermilliot relate le parcours de Martin Winckler, médecin qui, par son histoire personnel de militant pour le droit à l’IVG, évoque la légalisation en France de cette pratique avec Simone Veil et les premières pratiques de l’IVG. Par son histoire, il dénonce le danger des IVG illégales qui ont fait de nombreuses victimes, il dénonce également le tabou de la pratique même après que la loi fut votée, et surtout la méconnaissance des pratiques. C’est une véritable remise en question pour cet homme confronté à toutes ces femmes venues demander une IVG. Et c’est en acceptant de se mettre à leur place qu’il comprendra enfin qu’elles ont besoin d’accompagnement et non de jugement paternaliste. Véritable ode à la liberté de choix des femmes, cette histoire m’a beaucoup émue car elle est pleine d’humilité. Elle permet d’avoir un autre regard sur les IVG et donne à la bande dessinée une complétude. Le décalage entre les deux histoires peut éventuellement déstabiliser, de même que le côté très personnel de leurs deux récits. Mais au fond, le but est le même : parler de l’IVG, déconstruire les préjugés, informer et libérer, autant l’émotion que la parole. A l’issue de cette lecture, je peux vous affirmer que c’est très réussi.  

En bref, j’ai un joli coup de cœur pour cette bande dessinée qui aborde l’IVG avec beaucoup de justesse et d’émotion. Merci Aude Mermilliod de nous confier votre histoire, j’en ressors émue et grandie, Il fallait que je vous le dise.

«Si elle donne le choix, l’IVG ne reste pas moins un évènement traumatique dans une vie de femme. Et d’autant plus douloureux qu’on le garde pour soi, qu’on ne sait pas dire l’ambivalence des sentiments et des représentations qui l’accompagnent. L’angoisse, la culpabilité, la solitude, la souffrance physique, l’impossibilité surtout de pouvoir partager son expérience. Avec ce livre, Aude Mermilliod rompt le silence, mêlant son témoignage de patiente à celui du médecin Martin Winckler. Leur deux parcours se rejoignent et se répondent dans un livre fort, nécessaire et apaisé. »

(Couverture et extrait : © Aude Mermilliod)

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Trailer de la BD  (© Casterman) :