Upside down

Richard Canal, auteur prolifique et multiprimé, revient avec un nouveau roman de science-fiction publié chez Mnémos le 9 octobre dernier, intitulé Upside Down. Anticipation et dystopie apocalyptique, ce roman nous propose une société coupée en deux, entre les privilégiés, exilés sur des atolls de luxe flottant dans le ciel et les autres, obligés de travailler et survivre sur une Terre ravagée. Et voici ce que j’en ai pensé…

[NB: Merci à Estelle et, par extension, à toute l’équipe de chez Mnémos pour m’avoir proposé de recevoir ce livre. Merci pour la confiance.]

« Une hirondelle épuisée s’est posée au pied d’une tour de refroidissement éventrée, de l’autre côté de la cour. De son bec, elle fouille les taches laissées par les pluies amères sur son plumage. Elle doit bien être la seule à ignorer qu’il n’y a plus de printemps Down Below, plus de saisons, sinon un automne éternel, de suie et de rouille.»

Un poing levé

Upside down nous propose un univers assez intéressant qui se présente en deux parties distinctes. En bas, une Terre ravagée par la pollution et peuplée d’êtres désabusés, forcés de se tuer la santé au profit de privilégiés en échange d’abrutissements de masses censés les contrôler. En haut, les privilégiés dans leur prison dorée où rien ne varie, où tout n’est qu’illusoire et où l’histoire semble s’éterniser dans une boucle abrutissante éternelle qu’un rien peut faire vaciller. Un peu manichéen sur le papier, l’univers gagne cependant en aspérités Up Above avec une hiérarchisation interne. J’aurai aimé autant d’aspérités Down Below, plus de reliefs dans cette surface pourtant plus envoûtante et prometteuse qui n’a parfois l’air peuplé que d’une masse indistincte habituée à plier l’échine. Malgré ça, entre anticipation écologique et dystopie à la critique sociale acérée, le monde que nous offre Richard Canal est intéressant et porteur de messages engagés. Ce roman est une invitation à la lutte sociale, à la lutte pour un monde plus juste et plus égalitaire où l’argent et le pouvoir des dirigeants servirait à assurer un futur à la Terre plutôt qu’accélérer la destruction de cette dernière. Un idéal que l’auteur nous crie haut et fort à travers cette histoire et qui interpelle le/la lecteur/lectrice comme les bulles de Ferris bousculent ses spectateurs. Attention cependant, la perception de l’univers dans son ensemble demande un peu de temps et un peu d’efforts, l’auteur ne s’encombrant pas de phases introductives et nous demandant de prendre nos marques en marche. Vous voilà prévenus.

« Au lieu de fouiller les galaxies pour mieux fuir le désastre qui s’annonce, il faut chercher des solutions concrètes à la pollution et à la surpopulation, accepter les affres de la décroissance, les cours en bourse qui ne signifient plus rien.»

Des personnages charismatiques mais un peu lisses

Upside down est un roman choral qui nous fait alterner entre une large panoplie de personnages, de l’actrice clonée qui cherche à s’accomplir hors de sa cage dorée au chien alcoolique qui parle et ne manque pas de mordant dans ses punchlines (et qui n’est pas sans évoquer l’ami Chien critique ^^). Personnages assez charismatiques dans leur ensemble, ils m’ont semblé malgré tout trop lisses et surtout, trop manichéens. L’épiphanie finale de certains ne suffit pas à les rendre sympathiques et les gentils n’ont jamais de faille dans leur valeurs. On a un peu de mal à y croire complètement. Ce soucis de crédibilité se retrouve aussi dans certains éléments de l’univers qui m’ont parus trop flous perturbant ma compréhension et mon immersion. Malgré ces failles, la lecture est agréable, portée par une plume travaillée et riche particulièrement plaisante. Les descriptions, notamment, sont fascinantes et donnent à l’univers toute sa splendeur. Et même si parfois l’intrigue m’a semblé prendre des chemins trop utopiques pour la pessimiste que je suis, ou que certains passages ont un petit côté redondant, j’ai passé, somme toute, un agréable moment avec ce roman de SF plutôt bien dosé.

En bref, Upside down propose un univers très intéressant et s’inscrit dans la lignée des romans de SF engagés qui tentent de réveiller la conscience de celleux qui le lise. Malgré quelques regrets quant au manque d’épaisseur des personnages ou au manichéisme, la lecture reste plutôt agréable et les messages véhiculés par l'auteur ont le mérite d'être affirmés et essentiels.

« Au début du XXIe siècle, les dirigeants des GAFAM et autres NATU portaient les rêves d’une humanité enfin débarrassée de la maladie et de la mort. Ils ont réussi. Dans des îlots artificiels en orbite basse, ils jouissent désormais, à chaque instant, des illusions infantiles du bonheur.

Le reste de l’humanité survit tant bien que mal sur une Terre rouillée, épuisée, victime de désastres écologiques à répétition. Son histoire n’est pas la même. Le bonheur lui est définitivement inaccessible.

Dans ce monde fait de béatitude pour les uns et de combats pour les autres, où les IA s’activent en sourdine, certains cherchent à descendre pour retrouver leurs racines quand d’autres veulent monter pour acquérir une part d’éternité.

À travers une star de cinéma oubliée, des dirigeants obnubilés par leur statut social, ou encore un créateur d’un art inconnu, Richard Canal nous plonge au coeur d’un récit croisé où l’intolérable beauté du désastre côtoie la quête d’une humanité perdue.»

(Illustrations de couverture: © Scott Uminga - graphisme © Atelier octobre rouge & My-Ly Vu)

[Diversité: pp asiatique - chinois.e , ps asiatique - chinois.e, ps noir.e]