Trois fois la fin du monde

Titre de la rentrée littéraire, Trois fois la fin du monde est un roman de Sophie Divry publié chez les éditions Noir sur Blanc dans la collection Notabilia. Alors que le résumé ne m’avait pas attiré du tout, c’est en lisant les avis de Stelphique du blog Fairy Stelphique et de Maks du blog Un bouquin sinon rien que j’ai changé d’avis. J’ai décidé, curieuse, de découvrir pourquoi ils avaient adoré, et voici donc ce que j’en ai pensé…

" S'entassaient ici jeunes, vieux, squelettiques, drogués, désespérés, yeux sans lumière, vie sans amours. Jamais de silence, jamais de paix."

Le Robinson Crusoé du post-ap’

Trois fois la fin du monde se déroule en deux temps. Tout d’abord il y a la prison, avec l’enfermement de Joseph suite à un braquage qui a mal tourné. Un temps sombre, violent, destructeur. Puis vient une catastrophe qui le fait s’évader dans un monde déserté où il devra, tel un Robinson Crusoé, survivre seul au milieu d’un monde à l’abandon. Mais rassurez-vous, si vous n’aimez pas les récits apocalyptiques, la catastrophe n’est que secondaire, elle sert de contexte pour le nouveau départ d’un homme loin de toute civilisation. Récit hybride, tantôt nature writing contemplatif, tantôt psychologique, tantôt survivaliste, Trois fois la fin du monde est un roman étonnant et captivant. L’autrice nous propose une réflexion extrêmement fine sur la liberté, sur la solitude aussi à travers le destin de Joseph. L’analyse psychologique de ce personnage est d’une grande justesse et nous offre un roman très immersif où, inconsciemment, on plonge corps et âme et dont on ressort ému.

" Avec un peu de patience, peut-être que son corps va monter, comme une goutte de rosée s'évapore, peut-être que les étoiles vont le prendre, le soustraire à la gravité, et qu'il pourra quitter cette terre. 

Oui, c'est cela. Que les étoiles le prennent, que les étoiles l'aspirent, qu'il sombre dans le ciel."

Une poésie moderne

Ce qui m’a frappé dans Trois fois la fin du monde, c’est l’écriture. A la fois brute et familière, adaptée à la personnalité du narrateur, elle est également très poétique. Une émotion très forte se dégage de ce texte empreint des pensées d’un narrateur soumis à une violence insensée, puis soumis au vide et à la solitude la plus absolue. Le style de Sophie Divry envoûte et nous offre une lecture hors du temps, comme suspendu dans le silence. On ressent, par cette écriture tantôt franche et tantôt contemplative, toute la détresse de Joseph dans les différentes étapes de son histoire. La solitude qui devient folie, l’importance des contacts avec les animaux, la fascination pour la nature libérée de la présence de l’homme, la peur paranoïaque de voir son monde s’effondrer, l’envie de s’isoler aussi puissante que l’envie d’entendre à nouveau une voix humaine… En à peine plus de 200 pages, c’est tout un maelström de sentiments qu’elle nous fait traverser avec une puissance évocatrice rare.

En bref, il est bon parfois d’écouter ses amis et d’oublier ses aprioris pour tenter la découverte d’un livre. Car Trois fois la fin du monde est un excellent roman qui m’a provoqué un petit coup de cœur pour son écriture, sa poésie, sa force et son émotion.

« Après un braquage avec son frère qui se termine mal, Joseph Kamal est jeté en prison. Gardes et détenus rivalisent de brutalité, le jeune homme doit courber la tête et s’adapter. Il voudrait que ce cauchemar s’arrête. Une explosion nucléaire lui permet d’échapper à cet enfer. Joseph se cache dans la zone interdite. Poussé par un désir de solitude absolue, il s’installe dans une ferme désertée. Là, le temps s’arrête, il se construit une nouvelle vie avec un mouton et un chat, au cœur d’une nature qui le fascine. »

(Couverture: © Paprika)