Terra Ignota. Tome 1, Trop semblable à l’éclair

Paru en 2016 puis traduit par Michelle Charrier pour les éditions Le Bélial’ en 2019, Trop semblable à l’éclair est le premier roman de la série Terra Ignota (4 tomes en VO, 5 en VF). Prix du meilleur roman Compton Crook Award 2017, Grand prix de l’Imaginaire 2020 pour la traduction, Trop semblable à l’éclair est paru cette année en version audio (numérique) chez Audiolib sous la narration de Benjamin Jungers. Roman jugé majoritairement comme un chef-d’œuvre mais aussi souvent comme un texte difficile, parfois « éblouichiant » (© L’ours inculte),  c’est une lecture qui me faisait très peur. Voici ce que j’en ai pensé…

« Je veux me former une opinion en apprenant à vous connaître. J’ai déjà côtoyé d’autres genres d’immuables, brièvement, un rapide et compteur, qui m’ont tous deux affirmé être très heureux. J’ai davantage de respect pour leur opinion que pour la mienne, car je sais parfaitement que je ne sais rien.»

" Tout le bonheur des hommes est dans l’imagination.”  - Marquis de Sade

Je pense avoir réécrit cette critique en pensée et réellement au moins 20 fois. Il est en effet difficile de parler de Trop semblable à l’éclair sans partir dans tous les sens tant c’est un roman foisonnant et dense. Impressionnant, original, c’est indéniablement un ouvrage surprenant qui verse dans un univers d’anticipation quasi-utopique la philosophie des Lumières et de nombreuses références au XVIIIème siècle. On y parle de Voltaire comme de voitures volantes, on y évoque Sade comme on croise des êtres entièrement connectés. Un mélange audacieux qui se ressent jusque dans les styles narratifs puisque le roman use du vieux français et emprunte parfois au théâtre, au conte moral ou bien encore à l’essai philosophique. On échappe cependant à l’audio au jeu de police de l’autrice qui ajoute à l’immersion (et probablement à la difficulté). Le tout se passe en plus dans un univers d’anticipation richement développé, visuel et très original où les sphères et enjeux politiques et moraux sont nombreux, de même que les thématiques abordées. J’ai été soufflée par l’intelligence de ce roman, par l’audace aussi de son autrice de proposer quelque chose de radicalement éloigné de ce que je connaissais de la science-fiction. Mais derrière l’éblouissement, il y a aussi la difficulté… et, malheureusement, l’ennui. 

« Nulle nation, si puissante soit-elle, ne peut se prévaloir de la grandeur dès lors qu'elle impose sa tyrannie à ses citoyens _ pire, à ceux qu'elle qualifie de citoyens sans les avoir fait jouir de sa protection ni des produits de sa terre mais parce que leurs grands-parents son nés par hasard au sein de la tache de couleur qu'elle considère comme sienne sur une carte.»

"Rien ne se fait sans un peu d’enthousiasme.” - Voltaire

Je savais, en commençant ce roman, qu’il allait me falloir un peu de courage. Non pas que le roman soit totalement abscons mais je savais sa lecture difficile. Difficile par son foisonnement (quantité de personnages, quantité de lieux, quantité de concepts, richesse de l’univers), difficile par son style narratif, difficile par sa virtuosité, difficile aussi par son rythme assez lent. Il s’agit d’accepter de ne pas tout comprendre, de lire/réécouter et/ou de prendre des notes. Bref, de faire un effort. Et c’est ce que j’ai fait au départ, même si mon plaisir déclinait au fur et à mesure de cet exercice. Et puis l’ennui m’a frappé. Malgré tout le positif, malgré l’éblouissement, malgré un narrateur très intéressant qui se joue du lecteur et une belle performance de Benjamin Jungers pour lui donner voix, malgré tout ça, la team « éblouichiant » l’a emporté. J’ai fini la lecture péniblement, lassé de tant de discussions à rallonge alors même que je n’avais pas vraiment saisi les enjeux politiques et spirituels de cette histoire . Je sais d’ailleurs qu’en format papier/numérique, j’aurai abandonné la lecture avant la fin. Et bien que tout s’arrête sur un cliffhanger, je ne ressens pas l’envie de poursuivre la découverte. Comme je le craignais, Terra Ignota n’est pas pour moi.

En bref, je craignais de faire partie de la minorité qui était passé à côté de Trop semblable à l’éclair et du génie d’Ada Palmer. Et malheureusement, cette crainte était fondée. Le roman est pourtant impressionnant, tant dans sa richesse que dans son originalité. Mais l’ennui et la difficulté ont pris le place sur l’enthousiasme initial et je ne poursuivrais probablement jamais la lecture de la série. Éblouichiant indeed.

« Année 2454. Trois siècles après des évènements meurtriers ayant remodelé la société, les concepts d’État-nation et de religion organisée ont disparu. Dix milliards d’êtres humains se répartissent ainsi par affinités, au sein de sept Ruches aux ambitions distinctes. Paix, loisirs, prospérité et abondance définissent ce XXVe siècle radieux aux atours d’utopie. Qui repose toutefois sur un équilibre fragile. Et Mycroft Canner le sait mieux que personne… Coupable de crimes atroces, condamné à une servitude perpétuelle mais confident des puissants, il lui faut enquêter sur le vol d’un document crucial : la liste des dix principaux influenceurs mondiaux, dont la publication annuelle ajuste les rapports de force entre les Ruches. Surtout, Mycroft protège un secret propre à tout ébranler : un garçonnet aux pouvoirs uniques, quasi divins. Or, dans un monde ayant banni l’idée même de Dieu, comment accepter la survenue d’un miracle ?»

(Illustration de couverture: © Victor Mosquera) 

[Diversité: pp gay, ps gay, ps asiatique, ps noir.e, ps androgyne]

> Content warning <

Tome 5 - Peut-être les étoiles

D’autres avis dans la blogosphère: L’ours inculte, L’épaule d’Orion, Le syndrome Quickson, Les lectures du Maki, Ombrebones, Au pays des cave trolls, Les chroniques du Chroniqueur, De livres en livres, Blog-O-livre, Nevertwhere, Le dragon galactique, Un papillon dans la lune, L’imaginarium électrique, Fourbis et têtologie, Les blablas de Tachan, …

[Lecture n°61 (74/108 points avec les bonus pour l'échelon 5 Synchronisation avec la page) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 10 de Ma lecturothèque]