Sur Mars

Grâce à l’opération Bol d’air, j’ai pu me procurer gratuitement la version numérique d’une novella parue en mars 2019 aux éditions 1115 que j’avais très envie de lire: Sur Mars. Ce récit d’Arnauld Pontier, publié initialement en 2009 aux éditions Nicolas Chaudin avant d’être remis à jour pour 2019, nous emmène au coeur de la première mission sur lapante rouge en 2025. Et voici ce que j’en ai pensé…

« Tout voyage modifie le voyageur, qu’il en convienne ou pas.»

Embarquement imminent, évasion garantie

Les éditions 1115 se présentent comme une « Agence de voyages littéraires » et je dois avouer que cette première confrontation avec leur catalogue me semble déjà justifier ce titre! Sur Mars est un voyage, une échappée, une exploration. Nous suivons notre narrateur de son enfance à sa mission sur la planète rouge en passant par l’entraînement et le voyage, le tout en seulement 128 petites pages et sans que ça ne paraisse trop survolé (bien que l’envie d’en avoir plus soit incontestable) mais surtout sans que cela ne freine l’immersion. En effet, l’évasion est réussie car le lecteur croit à ce qu’on lui raconte. Arnauld Pontier propose un récit crédible, non seulement grâce à des détails techniques et réalistes qui démontrent un joli travail de recherche, mais aussi par le côté très humain du narrateur qui ne s’attarde pas toujours sur les aspects que le lecteur aimerait approfondir mais réfléchit son expérience à travers sa culture, son histoire de vie, sa philosophie. Le narrateur est aussi crédible que son voyage car, comme chacun d’entre nous, il voit le monde à travers le prisme de ses expériences. Loin d’être froide et factuelle, malgré ses aspects scientifiques inhérents au thème, la novella flirte alors parfois avec le contemplatif, transmettant l’émerveillement d’un narrateur qui concrétise un rêve tout en le confrontant à la réalité. Et grâce à tout cela, on y croit, on y est, on parcoure nous aussi Mars et c’est assez enivrant. 

« En moi, quelque chose se rompt. Je viens de concrétiser un rêve. Mais je viens aussi, du même coup, de le briser: tout est allé trop vite. Je n’ai pas fait ce pas comme je l’avais rêvé, comme il aurait fallu; il a été trop maladroit. Je n’ai pas songé à le vivre assez et il est déjà derrière moi.»

Sous couvert de voyage, des réflexions

Ce qui m’a immédiatement frappé avec cette novella c’est la plume très élégante et raffinée d’Arnauld Pontier. Je comprends mieux pourquoi la blogosphère attendait avec impatience son nouveau récit après avoir lu Sur Mars. C’est si plaisant à lire! La novella foisonne en plus de références culturelles nombreuses qui suggèrent une véritable passion de l’auteur pour la pop culture et nous laissent déjà imaginer la richesse de ses autres écrits. C’est aussi grâce à ces nombreuses références que le narrateur interroge sa mission et propose, mine de rien, de belles pistes de réflexions éthiques et morales. Cela ne constitue pas l’essence même de la novella, qui reste centrée sur l’exploration spatiale, mais les questionnements proposés ne manquent pas d’intérêt. Interrogation sur l’avenir de l’humanité, considération écologique sur celui de la Terre, réflexion sur notre impact sur le monde, … Sur Mars est décidément un récit très riche pour un si petit format. Il contient malgré tout quelques failles, comme un aspect romance un peu bancal à mon sens et des manques d’approfondissements parfois frustrants, mais on lui pardonne aisément tant le voyage est plaisant.

En bref, Sur Mars est une excellente novella, crédible et très immersive qui nous offre un véritable voyage littéraire riche et envoûtant. 

« Et soudain, c’est l’écrasement. Une pression quatre fois supérieure à la gravité terrestre, qui nous plaque sur la couchette. Je crois mourir. Que mes yeux sortent de mes orbites. Que mon cœur va exploser dans ma poitrine. Et puis, au bout de deux minutes trente, un arrêt brutal, à l’inverse, nous propulse en avant, fait décoller nos épaules, malgré les sangles qui nous attachent. Avec l’arrachement de la coiffe de protection, la lumière nous envahit alors dans un bruit sourd : l’éjection de notre tour de sauvetage.

Tout va bien. Tout se déroule comme prévu. Nous avons survécu au lancement. Le baril de poudre sur lequel nous étions assis n’a pas explosé. Il a rempli sa mission : nous sommes libérés de l’attraction terrestre.»

(Photographie de couverture: Victor Yale)

[Lecture n°23/60 (pour l'échelon 4) pour le Challenge de Littérature de l'Imaginaire édition 8 de Ma lecturothèque]