Rêveur zéro

Le premier roman d’Élisa Beiram, Rêveur zéro, a été publié le 24 septembre dernier aux éditions L’Atalante dans la collection La Dentelle du cygne. Il s’agit d’un roman d’anticipation dans lequel l’autrice imagine l’apparition d’une épidémie… de rêves. Il n’en fallait pas plus pour m’intriguer! Et voici donc ce que j’en ai pensé…

[NB: Un immense merci à Emma et à toute l’équipe des éditions L’Atalante qui renouvelle avec cet envoi leur confiance à mon égard.]

« Elle a beau se répéter que, d’une certaine façon, elle le savait déjà, la sensation l’empoigne d’une façon nouvelle: la réalité humaine n’est qu’une autre illusion.»

Un premier roman très ambitieux

Il y a des premiers romans timides, et puis il y a Rêveur zéro. Avec ce premier titre, Élisa Beiram a pris un pari risqué en nous offrant non seulement un roman d’anticipation riche mais aussi, et surtout, en proposant une intrigue basée sur une épidémie de rêves, un choix original mais dangereux tant les rêves ont un aspect déroutant et tant les explications pour rendre le tout crédible ont intérêt à être solides. Rêveur zéro ne réussi peut-être pas sur tous les tableaux mais a le mérite d’être très ambitieux. L’univers proposé est passionnant et permet à son autrice d’aborder plusieurs thématiques d’envergure en périphérie de l’histoire principale, notamment la déshumanisation des sociétés bercées de numérique, le contrôle omniprésent et insidieux de nos vies, la marchandisation de nos données personnelles ou encore l’oscillation d’une humanité désabusée dans un monde au bord du gouffre. Tout ceci prend évidemment un drôle d’écho cette année, notamment lorsque l’intrigue nous amène à réfléchir à la réaction du monde face à une épidémie globale et inconnue. Mais rassurez-vous, si cet aspect vous effraie, il n’y a rien de comparable entre ce que nous vivons et l’épidémie de rêves. Celle-ci permet plutôt de décrypter notre relation à l’inconscient, notre manipulation par l’information et nos peurs et rêves les plus intimes. En ça, Rêveur zéro est assez grandiose.

« Il exècre cette capacité d’une information à submerger l’espace et faire déborder les réseaux avant d’être supplantée par la suivante, plus amusante, plus terrible ou plus spectaculaire, tout ça pour disparaître finalement, dans un bruit de chasse d’eau, au fond de archives encombrées de l’humanité. Les gens pensent détenir le pouvoir de l’information, mais c’est elle qui les possède.»

Trop ambitieux?

Malheureusement, l’ambition a un revers. Élisa Beiram aborde peut-être trop de choses pour un seul titre et certains sujets, juste survolés, nous laisse un peu frustrés. Et si l’intrigue, plutôt haletante, nous invite à poursuivre sans cesse pour savoir le fin mot de l’histoire, je suis forcée de constater que le final est un peu brusque et m’aura laissée sur ma faim. Il manque pour moi un peu de ciment à l’intrigue principale pour qu’elle tienne debout fièrement sans jamais vaciller. Le choix du sujet était, de fait, dangereux. Autre bémol: le personnage d’Alma. Si Zahid m’a plutôt touché, bien qu’assez insaisissable, Alma, avec sa froideur et son détachement clinique m’a semblé inhumaine. Impossible pour moi de m’y attacher, ni même de clairement l’imaginer. Cela ne m’aura pas empêché d’avoir apprécié l’ensemble et de noter dans mon esprit le nom de cette jeune autrice qu’il faudra suivre de près!

En bref, Rêveur zéro est un premier roman très ambitieux, voir même un peu trop. Malgré des failles qui empêchent l’enthousiasme absolu, il s’agit d’un livre plein de richesses et de réflexions dont l’intrigue, haletante, nous embarque du début à la fin.

« Dans un futur proche, une épidémie de rêves.

Ils se matérialisent dans la réalité. Leurs manifestations peuvent être badines, terrifiantes, ou simplement ridicules. Mais les pires d’entre elles provoquent de réels dégâts. Face à leur multiplication, l’ensemble de la société est mise à l’épreuve.»

(Illustration de couverture: © Aurélien Police)

Trailer du livre (© L’Atalante):