Passages secrets. Tome 1, Trompe-l’œil

Publié en 2023 au Québec aux éditions Pow Pow et le 19 avril dernier en Europe, Trompe-l’œil est le premier tome de la série BD Passages secrets d’Axelle Lenoir. Récit autobiographique teinté d’imaginaire, l’album nous amène à la rencontre de l’autrice et de son enfance. Aimant beaucoup ce que propose cette maison d’édition, j’ai décidé de m’y plonger. Et voici ce que j’en ai pensé…

« - Qu’es-ce que tu fais? T’as peur d’entrer dans la forêt?

- Tu viens de briser mon moment magique et intense avec la forêt !!

- « Moment magique et intense » d’avoir peur d’entrer dans la forêt?

- LAISSE-MOI TRANQUILLE!!

- Maman dit de venir manger.

- J’ai pas faim!

- C’est des hamburgers.

- Forêt… c’était un honneur. A bientôt. »

Ode à l’enfance

Tout commence par une confidence de l’autrice elle-même s’adressant à son lectorat : son jumeau cosmique d’une dimension voisine est mort et cela rend toute son existence chaotique. Elle décide donc de nous embarquer dans son enfance pour mettre du sens ou tout au moins nous expliquer tout cela. De ce point de départ étonnant aux limites de l’imagination, nous voilà ensuite plongés dans un récit autobiographique sur son enfance québecoise au moment d’entrer pour la première fois à l’école. Se faisant à la fois humoristique et nostalgique d’une époque révolue, où les peurs sont sincères, tout autant que les petites joies en fratrie, la BD retrace la fresque de l’enfance avec une sincérité attachante. On y partage les petits rituels absurdes qui ont tant d’importance pour un enfant, les questions sans réponses et les mystères à élucider, les angoisses et les rires purs. Quant à l’aspect jumeau cosmique, il n’est plus abordé avant un final étonnant et accrocheur qui nous laisse un peu en désespoir de ne pas avoir la suite à se mettre sous la dent. La BD constitue véritablement une ode à l’enfance où tout prend des proportions folles et où tout semble possible, comme avoir des extra-terrestres pour parents ou un ami imaginaire qui n’est autre qu’un maître des enfers. C’est tendre, drôle et malgré le côté très personnel de l’œuvre, on y trouve une portée universelle que seule la nostalgie peut créer. 

Humour et cocon bleuté

La BD est douce mais très drôle aussi surtout lorsqu’elle est ponctuée d’interludes sarcastiques où l’autrice, adulte, nous interpelle. Axelle Lenoir a une personnalité atypique et attachante qu’il est très agréable de découvrir, que ce soit sous l’avatar de son enfance ou celle de l’adulte autrice de BD. Elle ne manque pas de nous désarçonner, de nous faire voir le monde à sa façon bien particulière mais aussi de nous toucher. On comprend ses peurs, ses joies, ses doutes, et on admire son imagination débordante. Son trait, original et très qualitatif, accompagne à merveille la tendresse de l’enfance mais aussi ses touches d’humour. Très agréable à parcourir, cette bande dessinée en teintes bleutées a tout du cocon dans lequel on se sent bien. C’est un style de dessin que je rapprocherai de celui de Boum pour l’album La Méduse (grandiose!) chez le même éditeur. Je suis particulièrement fan de ces ouvrages en camaïeu d’une couleur, reposants et soignés, qui laisse la part belle aux traits et à la simplicité.

En bref, que ce soit par son dessin doux ou par son ton frais, original et parfois sarcastique lorsque l’autrice interpelle son lectorat, Trompe-l’œil est un récit intime à la portée universelle qui nous propose de découvrir le portrait d’une fillette et autrice atypique et remarquable. Une magnifique ode à l’enfance, à la sincérité brute de cette période aux émotions fortes, teinté d’un imaginaire surprenant qui nous emporte sans faillir.

« Ravagée par la disparition de son jumeau cosmique, Axelle tente de faire face à la crise existentielle qu’elle traverse en retraçant les étapes fondamentales de son parcours. Elle commence un moment clé: son arrivée à l’école primaire. Si la jeune Axelle a l’impression de patauger dans un monde absurde, ses deux frères (l’un démoniaque, l’autre tyrannique) et ses parents possiblement extraterrestres ne semblent pas partager son point de vue. Tentant comme elle le peut de naviguer à travers tout ça, la petite se retrouve toujours au même endroit: à l’orée de l’épaisse forêt qui borde sa maison.»

(Illustration de couverture et extrait: © Axelle Lenoir)

[Diversité: pp lesbienne]

[Lecture n°18 (22/60 points avec les bonus pour l'échelon 4 Fusion dans l’utopique) pour le Challenge de L'Imaginaire édition 12 de Ma lecturothèque]